Perspectives

La Maison Blanche exige la fin de l’indemnité hebdomadaire de chômage d’urgence de 600 dollars

Dimanche, le conseiller économique de la Maison Blanche Larry Kudlow a dit clairement que le gouvernement Trump n’autoriserait pas l’extension de l’aide d’urgence aux chômeurs licenciés lors de la pandémie COVID-19.

«Nous payons les gens pour qu’ils ne travaillent pas» a déclaré cet ancien dirigeant de Wall Street. «Presque toutes les entreprises» comprenaient que l’allocation chômage supplémentaire était «en fait, un élément dissuasif» pour les gens devant retourner au travail.

Il y a trois mois, le Congrès avait adopté la loi CARES. Tout en accordant de vastes sommes aux grandes entreprises, elle prévoyait un paiement d’urgence de 600 dollars par semaine par le gouvernement fédéral pour compléter les allocations chômage des États, beaucoup plus faibles. Celles-ci sont, dans le Michigan par exemple, plafonnées à environ 350 dollars par semaine.

Plus de 20 pour cent de la population active américaine, soit quelque 36,5 millions de personnes, ont été mises au chômage à cause de la pandémie COVID-19.

Pour des millions de personnes vivant dans des ménages nouvellement au chômage, l’aide supplémentaire de 600 dollars a été une bouée vitale leur permettant d’éviter la faim et de perdre leur domicile.

Même avec cette subvention, que des millions de travailleurs n’ont jamais reçue, la proportion de ménages souffrant d’insécurité alimentaire a plus que doublé, atteignant entre 22 et 38 pour cent. Cela alors que les banques alimentaires du pays signalent qu’elles manquent de nourriture. Et des millions de familles sont menacées de saisie et d’expulsion.

Kudlow s’est plaint de ce que les 600 dollars, plus les allocations chômage des États étaient «mieux que ce que leur salaire leur aurait apporté» si les travailleurs n’avaient jamais perdu leur emploi. Mais loin de montrer la générosité du gouvernement, cela ne fait que refléter la faiblesse des salaires de millions de travailleurs aux États-Unis.

Au milieu d’une vague de licenciements massifs et de consolidations d’entreprises déclenchée par la pandémie – on estime que 42 pour cent des emplois perdus pendant la pandémie ne reviendront pas – le refus de la Maison Blanche de prolonger l’aide d’urgence au chômage signifiera la misère pour de nombreux travailleurs.

L’objectif de Kudlow est transparent et brutal: réduire au maximum leurs ressources pour les forcer à retourner dans des usines qui sont devenues des foyers de transmission du COVID-19. Le gouvernement force un retour au travail dans une période où la maladie est en pleine reprise dans de grandes parties du pays.

Dans tout le pays, plus de 10.000 personnes ont été infectées par le COVID-19 dans les seules usines de conditionnement de la viande, et des dizaines sont mortes. Au Kansas, près de 3.000 travailleurs de l’industrie de la viande ont été infectés, ce qui représente environ un tiers de tous les cas dans cet État.

Les usines automobiles sont également des centres de la reproduction du virus, sauf que les entreprises ne rendent pas public le nombre de travailleurs qui tombent malades. Tous les grands constructeurs automobiles comme GM, Ford, FCA, Toyota et Tesla, ont pour politique de ne pas annoncer les cas dans leurs usines. Mais selon articles sporadiques basés sur des informations anonymes de travailleurs, les cas se comptent par dizaines dans les usines automobiles.

Un travailleur de l’usine de camions Navistar à Springfield, dans l’Ohio, a écrit au Bulletin des travailleurs de l’automobile du WSWS lundi pour signaler que cinq travailleurs avaient testé positif au COVID-19, et que 20 autres attendaient leurs résultats. Navistar a repris la production dans l’usine il y a un mois.

Les usines sont devenues, selon les mots de Karl Marx, des « maisons de la terreur », dans lesquelles tout changement d'équipe peut signifier une condamnation à mort.

Même dans les usines où aucun cas n'a été signalé, les conditions sont intolérables. Au lieu de réduire la cadence des chaînes pour permettre la distanciation sociale, les travailleurs rapportent que les employeurs se contentent d'éteindre les ventilateurs pour empêcher l'air de circuler. En plein été, entourés de machines chaudes, sans ventilateur et devant porter des masques, les travailleurs s'évanouissent d'épuisement ou étouffent sur les chaînes.

Un grand nombre de travailleurs refusent de venir travailler dans des conditions où cela pourrait entraîner la mort, pour eux et pour leurs proches. À l’échelle nationale, quelque 30 à 50 pour cent des employés du secteur de l’emballage de la viande étaient absents la semaine dernière, selon les chiffres du Syndicat des travailleurs de l’alimentation. Dans certaines usines automobiles, plus de 15 pour cent des travailleurs sont absents en moyenne chaque jour.

Ces absences ont perturbé les efforts des entreprises pour revenir à leur capacité maximale. Elles ont cherché à compenser cela en obligeant les nouveaux employés et les intérimaires à travailler 60 heures ou plus par semaine. Mais parmi ces travailleurs, la résistance croît aux efforts visant à abandonner toutes les mesures de sécurité pour atteindre les objectifs de production.

Lundi, un jour seulement après l’interview de Kudlow, la Réserve fédérale a annoncé qu’elle lancerait cette semaine son plan, déjà annoncé, d’achat direct d’obligations d’entreprises. La perspective d’une nouvelle infusion de centaines de milliards de dollars d’argent du contribuable directement dans les comptes des entreprises a fait monter en flèche la valeur des actions.

Un message clair: lorsqu’il s’agit de renflouer l’oligarchie financière milliardaire, aucune dépense ne sera épargnée. Mais quand il s’agit d’empêcher les travailleurs de mourir de faim ou d’être expulsés, l’aide gouvernementale est un «frein» inacceptable à la relance de la production et un obstacle à la réalisation de profits.

Kudlow, ex-directeur multimillionnaire de la banque d’investissement Bear Stearns, parle en tant que collecteur de fonds pour Wall Street et la grande entreprise. Ceux-ci savent que le fait de forcer les travailleurs à reprendre le travail dans des conditions où la pandémie continue de sévir entraînera des infections et des décès en masse. En interne, le gouvernement Trump travaille avec des modèles montrant combien de centaines de milliers de personnes supplémentaires vont mourir à cause de sa politique. C’est pourquoi la Maison Blanche fait pression pour que les entreprises obtiennent l’immunité de responsabilité pour les infections sur leur lieu de travail.

Le grand secret du capitalisme, nié par tous ses économistes, experts et experts, est que peu importe combien de milliards de dollars le gouvernement et la Réserve fédérale donnent aux entreprises, les profits de l’oligarchie financière ne se réalisent qu’à travers l’exploitation de la classe ouvrière.

L’impression illimitée pendant douze ans de monnaie par les banques centrales a massivement augmenté la valeur des entreprises sur le marché boursier et alimenté l’enrichissement de l’oligarchie financière par l’extension de la dette des entreprises. Mais pour assurer le service de cette dette, les entreprises sont tenues de garantir l’extraction ininterrompue de plus-value de leurs travailleurs.

L’affirmation que les travailleurs doivent risquer leur vie pour que les sociétés géantes – qui dépensent des centaines de millions chaque année pour rémunérer leurs dirigeants – puissent assurer le service de leurs dettes est absurde et irrationnelle.

Il faut rejeter toutes les affirmations concernant ce qui peut ou ne peut pas être payé dans le cadre du capitalisme. Le refrain du « il n'y a pas d'argent » pour financer des conditions de travail sûrs ou soutenir ceux qui sont touchés par le confinement économique est démenti par les 4000 milliards de dollars distribués à Wall Street.

Toutes les institutions de la société, depuis les entreprises jusqu’à leurs «partenaires» des syndicats, en passant par le gouvernement Trump et les deux partis du grand capital, sont déployés contre les travailleurs. Ils cherchent à les faire revenir dans des usines qui sont des pièges mortels, dans le seul but d’enrichir l’élite financière.

Comme l'a écrit le Parti de l'égalité socialiste dans sa déclaration « Il faut créer des comités de base dans les usines et sur les lieux de travail pour empêcher la transmission du virus COVID-19 et sauver des vies ! » :

« C’est pourquoi les travailleurs ont besoin de leurs propres organisations. Dans chaque usine, lieu de travail et bureau, les travailleurs doivent s’organiser et élire des travailleurs de confiance et respectés qui les représenteront. Ils doivent utiliser tous les outils disponibles, y compris les réseaux sociaux, pour atteindre les travailleurs dans l’ensemble de leur industrie et dans d’autres secteurs afin de coordonner leurs activités et de partager les informations ».

Avec la multiplication des cas COVID-19 dans tout le pays, il est d'autant plus essentiel que les travailleurs affirment leur contrôle sur leur propre lieu de travail. Les travailleurs doivent former des comités de base pour établir un contrôle sur la cadence des chaînes et sur la distanciation sociale. Dans les usines où le COVID-19 se répand, ces comités doivent immédiatement arrêter la production.

On ne peut dissocier la revendication de lieux de travail sûrs de la lutte pour garantir que les travailleurs mis au chômage durant la crise reçoivent un salaire minimum garanti et qu’ils ne subissent aucune diminution de revenus en raison de la pandémie.

La revendication de lieux de travail sûrs est en accord total avec les appels des scientifiques et des professionnels de la santé à la prise de mesures sérieuses pour contenir la maladie. La lutte pour une réponse rationnelle et scientifique au COVID-19 nécessite un combat contre le système capitaliste et la dictature de l’oligarchie financière sur la société.

(Article paru d’abord en anglais 16 juin 2020)

Loading