Macron déchaîne les CRS contre les manifestations des soignants

Mardi, des milliers de médecins, d'infirmières, de paramédics, d'assistants de santé, de techniciens de laboratoire et d'autres professionnels de la santé se sont rassemblés pour manifester partout en France. Ils exigeaient un financement accru des services de santé sur fond de la pandémie de coronavirus.

Plusieurs milliers de travailleurs ont manifesté devant les bureaux du ministère de la Santé à Paris. Il y a eu d'autres manifestations importantes de centaines ou de milliers de personnes dans de nombreuses villes et plus de 220 manifestations distinctes devant des hôpitaux locaux, par leur personnel.

A Paris, le gouvernement Macron a ordonné un déploiement massif de la police anti-émeute. Vers 17h00, celle-ci a violemment attaqué des groupes de manifestants avec des tirs de gaz lacrimogène près des Invalides.

Des vidéos sur Twitter montrent des arrestations par la police du même personnel de santé qui, quelques semaines plus tôt, était félicité par le gouvernement – qui servait là ses propres intérêts – de leur sacrifice dans la protection de la population contre la pandémie. Dans une autre vidéo, on peut voir la police en train de plaquer au sol le visage d’une travailleuse en blouse blanche d'hôpital alors qu'elle était à genoux et exigé son médicament contre l'asthme à la ventoline, avant qu’elle soit emmenée avec du sang sur le visage.

Regarde ta Rolex, c’est l’heure de la révolte

La répression policière montre que le gouvernement Macron et l'élite financière réprimeront violemment l'opposition à ses plans d'utiliser la pandémie pour mettre en œuvre un transfert massif de richesses de la classe ouvrière vers eux-même.

Dans son discours télévisé dimanche annonçant la fin de toutes les mesures de confinement, Macron a déclaré que le gouvernement n'imposerait aucun impôt aux sociétés pour rembourser 500 milliards d'euros de dette publique contractée pendant la pandémie. Sur ce montant, près des quatre cinquièmes ont été alloués pour garantir les dettes des entreprises. Cet argent sera remboursé par une austérité brutale imposée à la classe ouvrière.

Macron devrait annoncer une nouvelle attaque contre les soins de santé avant la fin du mois. Ceci a été frauduleusement présenté comme une réforme progressiste. Macron a été contraint de promettre une augmentation de salaire aux infirmières en vertu du soutien massif de la population à leurs revendications et de l'opposition aux coupes des soins de santé effectuées pendant des décennies par des gouvernements successifs.

Cependant, il est déjà évident que, quelles que soient les augmentations salariales limitées accordées, elles seront plus que compensées par de vives attaques dans le secteur de la santé. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé le 20 mai que le gouvernement augmenterait les salaires des infirmières, mais que « cela passera par une remise en question de certains carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage », ce qui signifie la fin des 35h de travail par semaine. Le système de santé français n'est « pas assez performant », avait-il ajouté.

Le Premier ministre Édouard Philippe a déclaré qu'il ne pouvait y avoir «aucun tabou».

Le gouvernement Macron et son ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avaient déjà déposé un projet de loi imposant d'importantes réductions du financement des soins de santé au Parlement dans les mois précédant la pandémie. Cela a déclenché des protestations et des grèves sauvages tout au long de l'été 2019 jusqu'à la pandémie.

Mercredi, Le Monde arapporté que le système d'assurance maladie faisait face à un déficit de 31 milliards d'euros, ce qui sera utilisé pour justifier des coupes budgétaires plus importantes. Le gouvernement Macron se réunit tout au long du mois avec les syndicats, ces derniers cherchant à démobiliser et isoler l’opposition parmi des personnels de santé.

Le système tue nos soignants

Ceux qui ont assisté à la manifestation mardi ont décrit l'impact de décennies de coupes budgétaires sur le système de santé, mis à nu par la pandémie. Rien qu’au cours des six dernières années, sous le gouvernement Macron et celui de l'ancien gouvernement du Parti socialiste de François Hollande, plus de 17 500 lits d'hôpital ont été supprimés.

«Ce que nous demandons ici aujourd'hui, c'est la même chose que nous exigions depuis avant la pandémie de coronavirus», a déclaré Jessica, qui a travaillé comme aide-soignante pendant 13 ans dans un hôpital public à Paris. «Nous n'avons pas le matériel dont nous avons besoin. Il n'y a pas assez de personnel. Lorsque le personnel part, il n'est pas remplacé. Notre congé de maternité n'est pas réellement pris en compte. Les salaires ne suffisent pas. Tout cela existait auparavant mais se passait dans les coulisses et n'était mis en lumière que par la crise ».

«Il n'y a pas de conditions de travail sûres. Il y a du personnel qui se fait agresser dans les chambres par des patients parce qu'il n'y a pas de conditions de travail sûres. Il y a du personnel de santé décédé du coronavirus. Nous ne sommes pas protégés. »

Amissa, qui s’est rendue à la manifestation avec Jessica et effectue des visites à domicile en tant qu’aide-soignante, a ajouté: «Nous en avions déjà marre. Maintenant, nous voulons que cela change. Nous ne voulons pas seulement un ‘merci’ et des ‘applaudissements’. Pour les agents de santé qui effectuent des visites à domicile, dit-elle, rien n'a été fourni au plus fort de la pandémie. «Normalement, cela revenait à nous de fournir nos propres matériels. Nous avions nos propres réserves de masques et certains de nos patients ont même dû nous donner des masques. Ensuite, nous avons compté sur les réseaux de nos collègues.»

Jessica a conclu: «Il y a toujours de l'argent lorsque le gouvernement en a besoin. Ils ont donné des milliards pour renflouer Air France, Renault. » Les riches «savent qu’ils ont les moyens d’acheter leurs propres soins de santé», a expliqué Samira, «et qu’ils auront des soins de toute manière».

Aurélia, technicienne de laboratoire à l'hôpital Poincaré de Paris, travaille dans le système hospitalier depuis 22 ans. «Notre laboratoire était concentré sur le coronavirus», a-t-elle dit, «et nous avions 90 patients à l'hôpital en soins intensifs.» Au laboratoire, «il n'y avait pratiquement pas de masques. On nous a permis de prendre un seul masque à la fois et le nombre que nous avons pris a été noté. Il n'y avait pas assez de blouses, pas assez de personnel. Nous manquions également de gants. Même les tampons utilisés pour les tests provenaient à l’origine d'Italie et nous n'en avions pas assez. »

«Depuis les réformes des soins de santé introduites par Sarkozy», a-t-elle ajouté, «nous recevons un montant fixe pour chaque type d'opération que nous effectuons. Cela signifie que si un patient a besoin de plus de traitement, nous assumons le coût de la différence. Les hôpitaux privés prennent qui ils veulent soigner. »

Elle a dit qu'elle pensait que «le gouvernement Macron n'avait pas l'intention d'augmenter les dépenses. Ils nous ont donné de petites miettes – une prime unique de 1 000 €. Ils voient les patients comme des clients et non comme des patients. » Elle a dit que l'argent devrait être pris aux riches, «peut-être au moyen d’une autre forme d'impôt sur la fortune», pour financer les infrastructures du système hospitalier. Commentant la déclaration de Macron selon laquelle il n'y aurait pas d'augmentation d'impôts, elle a ajouté: « C’est chaque fois nous qui sommes obligés de payer, les classes moyennes et les pauvres. »

Dans son discours de dimanche, au cours duquel il a projeté des faillites massives et des licenciements de travailleurs, Macron a déclaré qu'il continuerait de collaborer avec les «partenaires sociaux» syndicaux, qui s'efforcent de réprimer, d'isoler et de démobiliser la colère croissante de la classe ouvrière. Les travailleurs de la santé doivent se lancer sur une nouvelle voie et prendre en main la conduite de cette lutte, en formant des comités indépendants sur le lieu de travail, contrôlés directement par le personnel de base et en appelant directement les autres sections de la classe ouvrière en France et au plan international à une lutte unie.

La réponse du gouvernement Macron aux justes demandes des travailleurs montre que la seule réponse de la classe dirigeante à l'opposition populaire est la répression d'État. La lutte contre la pandémie aujourd'hui et la garantie de l’accès pour tout le monde à des soins de santé de qualité nécessite un programme révolutionnaire, basé sur la lutte pour un gouvernement ouvrier, la confiscation des richesses mal acquises de l'élite financière et la réorganisation socialiste de la société.

(Article paru en anglais le 17 juin 2020)

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