Les Verts irlandais acceptent de rejoindre le gouvernement de coalition d'austérité

Près de cinq mois après les élections générales du 8 février en Irlande, le Fine Gael de Leo Varadkar et le Fianna Fáil de Micheál Martin ont pu former un gouvernement de coalition après que les membres du Parti des Verts ont voté pour la rejoindre.

Le 26 juin, après des semaines de négociations, les membres des trois partis ont voté en faveur de la formation d'une coalition sur un programme commun. Les trois quarts du Parti vert ont exprimé leur soutien à une alliance avec les architectes de plus d'une décennie d'austérité.

Micheál Martin remplacera Varadkar en tant que Taoiseach (Premier ministre) jusqu'en décembre 2022, date à laquelle le poste reviendra à Varadkar pour la seconde moitié de la législature de cinq ans.

La volonté de Fine Gael et de Fianna Fáil de faire enterrer les différends qui remontent à l’effusion de sang de la guerre civile après la création de l'État libre d'Irlande en 1921 est une mesure de la crise désespérée à laquelle est confrontée la bourgeoisie. Sur fond d'une récession imminente au lendemain de la pandémie de coronavirus, ils ont besoin des Verts pour obtenir une majorité parlementaire et avoir un minimum de chance de mettre en œuvre les attaques brutales contre les emplois, les salaires et les services essentiels désormais à l'ordre du jour.

En échange de quelques mesurettes environnementales, le chef des Verts, Eamon Ryan, a parlé du «sens des responsabilités qui nous incombe maintenant parce que nous avons un travail à faire», en «sortant notre pays d'une crise économique très grave». Cela ne signifie pas la protection des emplois et des moyens de subsistance qui est invoquée régulièrement, mais l'imposition de politiques économiques qui favoriseront les entreprises, les banques et les super-riches.

De 2007 à 2011, en tant que partenaires subordonnés dans un gouvernement de coalition avec Fianna Fáil, les Verts ont été complices de l’imposition des milliards d'euros de coupes dans la santé, l'éducation et d'autres services sociaux pour renflouer les banques et protéger la richesse des super-riches.

Malgré l'opposition généralisée des travailleurs, Fine Gael a été maintenu au pouvoir par Fianna Fáil dans le cadre d'un accord de «confiance et approvisionnement» élaboré il y a trois ans par Varadkar et Martin. Mais le système bipartite qui a permis au Fine Gael et au Fianna Fáil de contrôler le Dáil (parlement) depuis la fondation de la République a été rejeté massivement lors des élections du 8 février.

Les suffrages combinés de Fianna Fáil et de Fine Gael sont tombés à un niveau historique, le Sinn Fein ayant remporté la majorité des voix de première préférence, grâce principalement aux promesses de mettre fin à l'austérité, de fournir des logements abordables, de financer les services de santé et les soins sociaux, et de lutter contre le chômage.

En Irlande du Nord, Sinn Fein a prouvé sa capacité à combiner cette rhétorique vaguement à gauche avec la sauvegarde responsable des intérêts des grandes entreprises, en collaboration avec les unionistes de droite. Mais cela n'a pas suffi pour garantir leur inclusion dans le gouvernement du Sud, les deux principaux partis refusant toute discussion. Le Sinn Fein n'est pas seulement en concurrence pour le vote nationaliste, mais sa rhétorique anti-austérité envoie le mauvais message aux travailleurs du point de vue du mantra officiel qui doit être celui du «sacrifice dans l’intérêt national».

L'exclusion du Sinn Fein renforcera probablement sa position parmi des sections de travailleurs et de jeunes. Le chef du parti, Mary Lou McDonald, a déclaré que le Sinn Fein continuerait de «faire pression pour le changement». Le chef adjoint du Dáil Pearse Doherty a promis une opposition redoublée et de «défendre les travailleurs et les familles ordinaires».

Mais leurs succès ne sont que l'expression initiale d'un virage plus fondamental de la classe ouvrière vers la gauche, qui ne peut être satisfait par le programme pro-capitaliste du Sinn Fein.

Le mandat de Varadkar au gouvernement a été marqué par une augmentation des inégalités sociales et la pire crise du logement de l'histoire du pays, ainsi qu'une grave détérioration du système de santé qui a laissé le pays terriblement mal préparé à l'irruption du Covid-19.

Entre 2008 et 2015, Fine Gael et Fianna Fáil ont imposé des coupes budgétaires massives de 2,7 milliards d'euros dans les services de santé, les patients étant obligés d'attendre sur des brancards dans des hôpitaux surpeuplés et en sous-effectif.

Au début du mois de mars, plus de 500 patients attendaient sur des brancards dans les hôpitaux irlandais, un chiffre qui n'a baissé que lorsque des milliers de personnes ont été éloignées de l'hôpital pendant la pandémie.

Maintenant que le nombre de décès dus au Covid-19 a diminué, le nombre de ceux qui attendent sur des brancards a commencé à augmenter, doublant à 102 par jour. Le Dr Fergal Hickey, porte-parole de l'Association irlandaise de médecine d'urgence (IAEM), a averti que les patients dans les couloirs sont particulièrement vulnérable à une vague de virus hivernaux, ajoutant que la Direction du Service de Santé (HSE) «autorisait passivement le retour au statu quo alors que nous vivons toujours avec COVID- 19 dans la communauté.»

Les mois de confinement dus à la pandémie de coronavirus prendront fin en grande partie le 20 juillet. Les restrictions de voyage ont été levées le 29 juin et l'industrie touristique nationale rouvrira ainsi que les cafés, restaurants et pubs.

La pandémie a décimé tous les secteurs de l'économie et les économistes prédisent une récession pire que le krach financier de 2008. L'Institut de recherche économique et sociale (ESRI) prévoit que les investissements chuteront d'un tiers d'ici la fin de l'année et les dépenses de consommation baisseront de 13 pour cent, le chômage grimpera à 17 pour cent de la population active.

On compte déjà 214.700 personnes touchant des allocations de chômage, tandis que près d’un million de personnes dépendent d’une aide sociale de l’État - un cinquième de la population de la République d’Irlande et un peu moins de la moitié de sa population active. L'une des premières mesures à être exécutée par le nouveau gouvernement sera de réduire l’allocation de chômage partiel pandémique de 350 € versé par Varadkar après le début du confinement du pays le 27 mars. Selon les estimations du gouvernement, 2,23 milliards € supplémentaires sont alloués aux allocations de chômage pour le reste de l'année, mais il n'y a aucun budget prévu pour l’allocation de chômage partiel dû à la pandémie.

Les chiffres du Central Statistics Office (CSO) montrent que les 5 pour cent les plus riches détiennent désormais 46,4 pour cent de la richesse nationale, alors que 1 pour cent de la population en possèdent 27,3 pour cent. Cette concentration de la richesse au sommet s'est accompagnée d'une augmentation des taux de pauvreté. Plus de 760.000 (15,7%) vivent désormais en dessous du seuil de pauvreté, les moins de 16 ans représentant 23,9 pour cent des pauvres.

L'un des premiers engagements pris dans le document conjoint rédigé par Fine Gael, Fianna Fáil et le Parti Vert pour la formation d'un gouvernement est qu'il y aura une continuation du statut de paradis fiscal de l'Irlande. Le taux d'imposition des sociétés de seulement 12,5 pour cent sera maintenu, soit environ la moitié du taux d'imposition mondial moyen de 27 pour cent et la moyenne européenne de 25,3 pour cent.

Les faibles revenus supporteront davantage d’imposition dans les domaines selon le document où le gouvernement «concentrera toute augmentation de taxe là où elle modifiera les comportements ayant des externalités négatives telles que la taxe sur le carbone, la taxe sur le sucre et les plastiques». L'impôt foncier local, qui touche 1,2 million de ménages et a été introduit en 2012 lors de la crise financière et bancaire, sera étendu pour inclure les logements neufs qui en ont été exonérés.

Le document promet que le gouvernement cherchera à négocier un nouvel accord salarial avec les syndicats du secteur public. Ces accords ont longtemps été utilisés pour réduire les salaires et dégrader les conditions de travail, notamment en imposant un gel des recrutements.

Le traitement des personnels de santé pendant la pandémie actuelle de Covid-19 met en évidence le rôle de gendarme joué par les syndicats pour le compte des grandes entreprises. Sur les 25.414 cas confirmés de coronavirus en Irlande, le chiffre sidérant d’un tiers de ces cas impliquait du personnel en première ligne, notamment des infirmières, du personnel de diagnostic, de thérapie et d’ambulanciers. Il s'agit du taux d'infection le plus élevé parmi les agents de santé au monde.

(Article paru en anglais le 1 juillet 2020)

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