Le taux de chômage américain baisse, mais des millions de personnes restent sans emploi ou face à des baisses de salaire

Les États-Unis ont créé 4,8 millions d’emplois en juin, a indiqué jeudi le ministère du Travail. Il s’agit des entreprises de loisirs, d’hôtellerie et de restauration, de vente au détail et d’autres entreprises à bas salaires. Ces entreprises ont rouvert le mois dernier dans le cadre de la ruée vers la réouverture de l’économie.

En réponse à ces chiffres, le président Trump a déclaré: «C’est la plus forte progression mensuelle de l’emploi dans l’histoire de notre pays», ce qui prouve que «notre économie est en plein essor». Il s’est vanté que «la bourse se porte extrêmement bien» et a ensuite affirmé que la réponse de son gouvernement à la pandémie «fonctionnait très bien».

Après une perte historique de 22,2 millions d’emplois en mars et avril, l’emploi a augmenté de 7,5 millions au cours des deux derniers mois. Mais les États-Unis ont quand même subi une perte nette de 14,7 millions d’emplois, soit 9,6 pour cent, depuis février.

Un homme passe devant un magasin de détail qui a fait faillite en raison de la pandémie de coronavirus à Winnetka, en Illinois, le mardi 23 juin 2020. (AP Photo/Nam Y. Huh)

La baisse du taux de chômage officiel à 11,1 pour cent est en outre basée sur des données sur l’emploi qui se sont établies à la mi-juin. C’était avant qu’au moins 19 États ne soient contraints de suspendre ou d’annuler leurs plans de réouverture en raison de l’augmentation de 80 pour cent des cas COVID-19 au cours des deux dernières semaines. Jeudi, les États-Unis ont atteint un nouveau record quotidien de 53.000 infections, avec les nouveaux épicentres de la maladie au Texas, en Arizona, en Californie et en Floride.

Selon le rapport du ministère du Travail, l’emploi dans les secteurs des loisirs et de l’hôtellerie a augmenté de 2,1 millions. Cela représente environ les deux cinquièmes de la hausse de l’emploi non agricole total en juin. Les emplois dans les services de restauration et les débits de boissons ont augmenté de 1,5 million le mois dernier, après une hausse similaire en mai. Malgré ces gains, l’emploi dans les services de restauration et les débits de boissons a diminué de 3,1 millions depuis février.

L’emploi dans le commerce de détail a augmenté de 740.000, après un gain de 372.000 en mai et des pertes qui totalisent 2,4 millions en mars et avril combinés. En termes nets, l’emploi dans l’industrie est inférieur de 1,3 million à ce qu’il était en février.

Les économistes avertissent qu’une grande partie des gains d’emplois dans les restaurants, les bars et les commerces de détail peut être attribuée au Programme de protection des salaires du gouvernement. Ce dernier a fourni aux petites entreprises des prêts pour couvrir huit semaines de salaire et d’autres dépenses. L’expiration de ces prêts va entraîner une nouvelle vague de licenciements.

Le retour des travailleurs dans les usines, malgré la propagation incontrôlée du virus, a également entraîné une augmentation de 356.000 emplois dans le secteur manufacturier, dont plus de la moitié, dans la production de véhicules et de pièces automobiles. L’emploi dans le secteur manufacturier est toujours en baisse de 757.000 depuis février. L’emploi dans le secteur de la construction a également augmenté de 158.000 en juin, après une hausse de 453.000 en mai. Plusieurs épidémies de coronavirus se sont produites sur des chantiers de construction en Californie, au Texas et dans d’autres États.

Le taux de chômage officiel ne tient pas compte des millions de travailleurs qui sont des immigrés sans papiers; de ceux qui cherchent un emploi à temps plein, mais sont obligés, en attendant, de travailler à temps partiel; et des travailleurs qui ont quitté la population active. Quelque 8,2 millions de travailleurs, contre 5 millions en février, ne sont pas comptés parmi les chômeurs. C’est parce qu’ils n’ont pas cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines ou n’étaient pas disponibles pour travailler. En outre, 9,1 millions de travailleurs se sont trouvés contraints de travailler à temps partiel en juin, soit plus du double du niveau de février.

Dans un rapport distinct publié jeudi, le ministère du Travail a déclaré que 1,43 million de travailleurs ont déposé une première demande d’allocations de chômage la semaine dernière. Plus de 48 millions de travailleurs licenciés ont déposé des demandes d’allocations au cours des 15 dernières semaines. Le nombre de travailleurs qui reçoivent des allocations pendant des semaines consécutives a augmenté de 59.000 la semaine dernière pour atteindre 19,29 millions. Plusieurs États ont connu une augmentation des demandes initiales la semaine dernière, notamment l’Indiana (24.033), Washington (8.110) et la Virginie (7.769), a indiqué le ministère du Travail.

Malgré l’affirmation de Trump selon laquelle «l’économie est en plein essor», les entreprises procèdent à des licenciements massifs. Aussi, elles utilisent la pandémie pour mettre en œuvre des plans de restructuration et de réduction des coûts prévus de longue date. Selon les termes de la loi bipartite CARES, le gouvernement a accordé un renflouement de 25 milliards de dollars aux compagnies aériennes américaines, qui ont accepté de ne procéder à aucun licenciement ou congé involontaire avant le 1er octobre. Un raz-de-marée de licenciements est prévu après cette date.

American Airlines a déclaré jeudi qu’elle avait plus de 20.000 employés, dont 8.000 agents de bord, dont elle n’avait pas besoin en raison de la réduction des voyages aériens à l’automne. Le mois dernier, le PDG d’American Airlines, Doug Parker, a déclaré aux investisseurs que la compagnie aurait «20 pour cent de personnel en moins». Il a ajouté: «Nous sommes en mesure d’utiliser cette crise pour trouver des solutions plus efficaces».

La semaine dernière, Delta Air Lines a déclaré à ses pilotes qu’elle allait bientôt envoyer des avis de congé à 2.558 pilotes, soit près de 20 pour cent de ses pilotes. Le PDG de United, Scott Kirby, a déclaré le mois dernier que la compagnie aérienne pourrait éviter les licenciements si les employés étaient prêts à accepter des heures de travail et des salaires réduits. Nous espérons chez United que nous pourrons travailler avec nos syndicats pour varier notre structure salariale. Ainsi, franchement, on pourrait éviter de licencier des gens et éviter de mettre nos employés de première ligne au chômage technique», a déclaré Scott Kirby, PDG de United. «Si l’on utilise des programmes volontaires. En particulier, si l’on demande aux gens de travailler moins d’heures jusqu’à ce que nous sortions de la crise.»

Des demandes de réduction du temps de travail et de diminution des salaires se font dans toute l’économie. Dans un article intitulé «Les réductions de salaire deviennent une caractéristique déterminante de la récession due au coronavirus», le Washington Post a noté cette semaine que deux fois plus de travailleurs américains ont vu leur salaire réduit pendant la pandémie que pendant la Grande Récession.

Au moins quatre millions de travailleurs du secteur privé ont vu leur salaire réduit. Selon les données fournies au Post par des économistes qui ont travaillé sur une analyse du marché du travail pour l’Institut Becker Friedman de l’Université de Chicago. «Les réductions de salaires se répandent le plus rapidement», note l’article. «Dans les industries des cols blancs, ce qui suggère une profonde récession et une lente reprise puisque les cols blancs sont généralement les derniers à ressentir des difficultés financières».

Les travailleurs embauchés à l'heure ont également vu leurs heures et leur salaire hebdomadaire réduits. Des entreprises comme General Motors; BuzzFeed News; Occidental Petroleum; HCA Healthcare; Mass General Brigham; Tesla; et Sotheby’s; ainsi que les États de l’Ohio et de Californie ont dit aux travailleurs qu’ils devaient accepter des réductions de salaire de 5 à 50 pour cent pour sauver leur emploi. L’étude a révélé que la réduction de salaire médiane était de 10 pour cent.

Il y a deux ans, les chefs d’entreprise et les médias d’entreprise se plaignaient que les niveaux de chômage historiquement bas avaient conduit à un «marché du travail tendu». Ainsi cela avait provoqué la plus forte augmentation des salaires depuis près de dix ans. Bien que, l’augmentation — 3,1 pour cent — ait été à peine supérieure à l’inflation. Elle n’ait même pas entamé la baisse des salaires réels. Ces baisses ont eu lieu non seulement depuis 2008, mais aussi depuis 1978. L’élite des entreprises et de la finance a considéré la hausse dérisoire comme inacceptable.

Avec la destruction de dizaines de millions d’emplois — et on estime que près de 40 pour cent ne reviendront jamais — la classe dirigeante s’est débarrassée de son problème de «marché du travail tendu». Elle espère maintenant utiliser le chômage de masse comme un marteau pour faire encore baisser les salaires et les conditions de travail des travailleurs.

En même temps, le gouvernement Trump veut utiliser la perspective de la misère pour repousser les travailleurs dans les usines et autres lieux de travail, qui sont toujours des vecteurs de la maladie mortelle COVID-19.

Mercredi, le secrétaire au travail de Trump, Eugène Scalia, a clairement indiqué que le gouvernement ne renouvellerait pas les 600 dollars supplémentaires par semaine de prestations. Les chômeurs les reçoivent actuellement, mais une fois que le programme aura pris fin la semaine du 25 juillet cela sera définitif. Les 600 dollars supplémentaires», a déclaré Scalia à un auditoire de l’Ohio, «ont vraiment été un avantage important pour les Américains». Alors que «l’économie était en train de fermer et qu’on disait aux Américains “Vous ne pouvez pas aller travailler”. À la réouverture, je ne pense pas que nous voulions continuer comme ça», a déclaré Scalia.

La suppression de cette prestation entraînera une réduction de 66 pour cent du revenu hebdomadaire des travailleurs sans emploi, alors même que les prix des denrées alimentaires ont connu la plus forte hausse depuis un demi-siècle. La suppression de ce maigre filet de sécurité sociale, ainsi que les demandes de sacrifice de la part des entreprises qui ont bénéficié de renflouements massifs, provoquera d’énormes conflits sociaux. Cela va favoriser un plus grand soutien à la transformation socialiste de l’économie américaine et mondiale.

«Wall Street est un aspirateur géant, qui aspire tout l’argent de la société», a déclaré un ouvrier de Fiat Chrysler à Detroit qui a participé à un arrêt de travail sur la propagation de COVID-19 dans son usine la semaine dernière. «C’est une guerre des classes.»

(Article paru d’abord en anglais 3 juillet 2020)

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