Le gouvernement Macron annonce un nouveau cabinet ministériel

Le nouveau Premier ministre, Jean Castex, a annoncé lundi soir les 31 membres de son cabinet ministériel, trois jours après l'annonce par le gouvernement du président Emmanuel Macron d'un remaniement ministériel et de la démission du Premier ministre sortant Édouard Philippe.

Depuis l'arrivée de Castex vendredi, il est déjà clair que le nouveau cabinet sera chargé d'une escalade des politiques anti-ouvrières du gouvernement précédent. Il supervise la politique de déconfinement du président Macron et met fin à toute restriction sur les activités commerciales en vigueur pendant la pandémie de coronavirus. Sur le plan économique, il est chargé de mener à bien des attaques majeures contre les acquis sociaux, à savoir contre les retraites, l'éducation, les allocations du chômage et les services sociaux, dans des conditions où des centaines de milliards d'euros ont été mis à la disposition des grandes entreprises et des banques pendant la pandémie.

Avant l’annonce du nouveau cabinet, Castex avait effectué une visite claironnée par les médias au commissariat de police à La Courneuve en banlieue parisienne dimanche. Castex a informé la police que sa présence voulait «  montrer le soutien du gouvernement de la République. Je sais que vous attendez de nous des actes. Ils viendront. Vous attendez de nous de la reconnaissance et du soutien. Ils seront sans faille  ». Il a demandé savoir  : «  Y a-t-il des endroits où vous ne pouvez pas aller  ? Il n’y a pas de zones de non-droit  ?  »

Cette déclaration de soutien général à la police intervient après une vague de manifestations de masse à l'échelle internationale contre les violences policières, notamment des manifestations de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Paris, déclenchées par le meurtre de George Floyd aux États-Unis. Les manifestants français ont en outre réclamé justice pour le meurtre du jeune Adama Traoré, âgé de 24 ans, en 2016. Le choix de se rendre à Saint-Denis a été particulièrement provocateur, car ce lieu figure parmi les quartiers les plus tristement célèbres pour    le harcèlement policier des jeunes et immigrés majoritairement pauvre de la classe ouvrière en France.

Le gouvernement Macron envoie un signal clair qu'il maintiendra sa répression policière brutale contre les manifestations sociales croissantes contre son programme d'austérité, et que la police continuera de bénéficier d'une immunité sans faille.

Lundi, Castex a annoncé que le nouveau ministre de l'intérieur serait Gérald Darmanin, 37 ans, membre des Républicains, le parti de droite, en remplacement de Christophe Castaner. Castaner avait soutenu la répression violente de la police contre les manifestations des Gilets jaunes et les grèves du rail et du secteur public l'année dernière, mais a déclenché une opposition parmi les policiers lors des manifestations pour George Floyd en déclarant que le gouvernement ne tolérerait aucun soupçon de racisme de la part des policiers. Les syndicats de la police, qui sont des bastions de soutien au Rassemblement national d'extrême droite, ont organisé des manifestations contre Castaner, qui a ensuite ravalé ses paroles quelques jours plus tard..

Les autres grands ministères, la défense, l'éducation, la santé et les finances restent inchangés entre les mains de Florence Parly, Michel Blanquer, Olivier Véran et Bruno Le Maire. Le ministère de la culture sera dirigé par Roselyne Bachelot-Narquin, qui était ministre de la solidarité et de la cohésion sociale dans le gouvernement de droite de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2010.

Castex a accordé un entretien au Journal de Dimanche le week-end passé pour indiquer la direction du gouvernement. Il a déclaré que l'épidémie avait démontré que «L’épidémie a mis en évidence le besoin impérieux de retrouver une souveraineté économique», ajoutant qu'il faudrait «maintenant aller plus loin» dans les réformes déjà engagées sous Macron. «Nous ne sommes donc pas dans une logique de rupture politique par rapport à ce qui a été fait, mais nous devons démontrer que nous savons faire face. Et ça suppose évidemment une évolution de la méthode.»

Il a indiqué que les réductions de pensions de retraites imposées cet hiver seraient intensifiées: «Dire qu’on va réexaminer un sujet, ce n’est pas se renier. C’est montrer notre capacité d’adaptation aux nouvelles circonstances, qui sont douloureuses. Par exemple, la crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux [les syndicats], c’est indispensable. […] A minima, nous devrons nous fixer un nouvel agenda social.»

Castex a indiqué qu'il travaillerait en étroite collaboration avec les syndicats pour mettre en œuvre ce programme d'austérité, ajoutant que: «Je tends la main aux organisations syndicales et patronales pour que nous avancions ensemble.»

En raison de la pandémie, le gouvernement Macron avait temporairement reporté la casse des retraites, ayant déjà déclenché des grèves massives des cheminots et du secteur public en décembre et janvier. L’attaque sur les retraites comprenait l'augmentation de l'âge effectif du départ à la retraite de deux ans et l'introduction d'un système de points qui permettra une réduction continue des niveaux de pensions réels. Castex a indiqué qu'il avait l'intention de procéder à ces réductions rapidement, en plus des réductions des allocations du chômage et du programme sur la «dépendance» des personnes âgées.

Castex lui-même a une réputation qui la précède. Entre 2005 et 2007, il mena de front la réforme du système hospitalier du gouvernement Sarkozy, qui comprenait l'introduction du modèle hospitalier de «Tarification à l’activité» ou T2A. Cela a cassé le modèle de financement des hôpitaux publics afin que tout leur financement soit basé sur le nombre d'interventions effectuées, chaque opération étant facturée à un montant fixe. Cette réforme a eu un effet dévastateur sur le système de santé, poussant les hôpitaux publics à renvoyer des patients à domicile immédiatement après leurs opérations, et entraînant la fermeture d'hôpitaux jugés «peu performants».

Dans un entretien avec la presse régionale jeudi dernier, Macron a déclaré: « Nous ne pouvons pas être un pays qui veut son indépendance, la reconquête sociale, économique et environnementale et être un des pays où on travaille le moins tout au long de la vie en Europe.»

Macron a déjà déclaré qu'il n'y aura pas d'augmentation des impôts sur les sociétés ou les riches pour payer les plus de 500 milliards d'euros de renflouements mis en place dans le cadre de la pandémie de coronavirus, dont les quatre cinquièmes ont été proposés sous forme de garanties de prêts aux entreprises. En d'autres termes, les centaines de milliards d’euros reversés à l'élite des entreprises et des finances doivent être compensés par une attaque frontale contre les retraites, les aides sociales, les emplois et les salaires de la classe ouvrière.

Ceci dans un contexte de crise sociale aux proportions historiques qui se développe en France et au plan international en pleine pandémie. Déjà, des licenciements collectifs de dizaines de milliers de travailleurs ont été annoncés, notamment par Airbus, Air France, Renault et Sanofi, qui devraient entraîner la destruction de dizaines ou de centaines de milliers d'emplois induits. Diverses estimations montrent que des centaines de milliers d'emplois dans le secteur du commerce de détail risquent d'être définitivement supprimés.

Il n'y a aucun soutien pour cette politique dans la classe ouvrière. Le quotidien de droite Le Figaro a mis en garde contre une explosion sociale d’opposition de la classe ouvrière contre cette politique.

«L’effet social de cette crise fait déjà froid dans le dos» dit Le Figaro. «Le terreau, de surcroît, est plus que jamais propice à l’explosion sociale […] La révolte des "gilets jaunes", à l’hiver 2018, et la récente fronde contre la réforme des retraites - que le président de la
République veut remettre en chantier dès cet été - ont laissé des traces indélébiles dans l’opinion […] on peut craindre le pire si une plus grande part de la population se mobilise - à commencer par sa jeunesse qui se voit déjà sacrifiée - frappée par la dureté de la crise
économique et surtout sociale.» Une étincelle pourrait «provoquer un embrasement».

(Article paru en anglais le 7 juillet 2020)

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