Les syndicats français approuvent les attaques contre le système de santé en pleine pandémie de coronavirus

Vendredi, au milieu d’une pandémie de coronavirus meurtrière qui s’accélère, les syndicats français et le gouvernement Macron ont annoncé un nouvel accord sur le système de santé. Celui-ci dégradera les conditions de travail des soignants et autres personnels de la santé et ne fera rien pour remédier aux conditions catastrophiques dans les hôpitaux révélés par le virus.

Le contenu complet des accords n'a pas encore été divulgué, mais même les détails parus dans les médias montrent clairement qu'il s'agit d'une attaque majeure contre les soins de santé. Ces accords comprennent:

  • De nouvelles exceptions à la semaine de 35 heures pour les infirmières. Selon le quotidien d’affaires Les Echos, l'accord prévoit « la possibilité d'une contractualisation individuelle sur la réalisation d'un quota annuel d'heures supplémentaires dans les limites prévues par la réglementation » en plus des 35 heures. Le secrétaire fédéral de la CGT Santé, Patrick Bourdillon, a été forcés d’admettre que « ces heures seront certes rémunérées, mais nous n'avons pas encore le détail. On nous demande donc de signer un chèque en blanc pour supprimer les 35 heures ». Alors que des exceptions existaient déjà à la semaine de 35 heures, celles-ci vont être encore élargies, permettant à la direction d’un hôpital de « pouvoir y recourir plus souvent », selon Les Echos. Ce journal a salué l'accord car : « Il s'agit de permettre des réorganisations à l'hôpital, en donnant des marges de manoeuvre au management.[…] et ainsi accroître la productivité d'ensemble.
  • Aucun engagement pour une réouverture des lits. Au cours des six dernières années, 17 500 lits d'hôpital ont été fermés en France en raison de réductions continues des budgets hospitaliers. Sur ce nombre, près d'un quart ont été fermés en 2017-2018. Au cours des 20 dernières années, plus de 100 000 lits ont été fermés. L'accord ne contient aucun engagement de financement hospitalier pour inverser l'impact de cette attaque de gouvernements successifs depuis des décennies.
  • Une augmentation négligeable du personnel hospitalier. L'accord comprend une promesse d'augmenter le nombre de postes d'infirmières de 7 500. Une goutte d’eau dans l'océan, environ une ou deux infirmières supplémentaires par établissement. De plus, la moitié de ces postes ont déjà été alloués dans les budgets existants des hôpitaux mais n'ont pas été pourvus en raison des conditions atroces, dissuasives pour les infirmières.
  • Une augmentation de salaire insuffisante pour les infirmières, de 180 euros par mois. C'est un peu plus de la moitié des 300 euros dont les syndicats affirmaient qu’ils étaient leur principale revendication avant les négociations. Les infirmières ne verront aucune augmentation avant septembre et elles ne toucheront celle-ci en entier qu'en mars prochain. Cela fait suite à des décennies de baisses des salaires réels pour les infirmières et autres personnels de santé.

Le financement total prévu pour les infirmières et le personnel des maisons de retraite s'élève à 7,5 milliards d'euros, plus 450 millions d'euros pour les médecins. Cela représente environ deux pour cent des près de 400 milliards d'euros de prêts que le gouvernement Macron a promis de garantir au profit des banques et des sociétés françaises lors du confinement imposé en mars. En outre, à mesure que de nouveaux détails sur l'accord apparaîtront, d’autres attaques de grande envergure seront sans aucun doute révélées.

Trois fédérations syndicales, la Confédération française démocratique du travail (CFDT), l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et Force ouvrière (FO) ont néanmoins déclaré que l'accord pour les infirmières représentait une grande victoire et qu'ils le signeraient. L’accord sera par conséquent entériné, étant donné qu’ils ont reçu un peu plus de 50 pour cent des voix aux dernières élections syndicales et prétendent donc représenter la moitié des personnels,

Cela a permis à la CGT de jouer le rôle qui lui a été assigné : critiquer frauduleusement certains éléments de l’accord, sans s'engager à rien. Elle cherche elle-même à démobiliser l'opposition généralisée des infirmières et des personnels de santé à cet accord. L’affirmation des médias que la CGT s’est opposée à l'accord est fausse. Jeudi soir, on a publié une vidéo de Mireille Stivala, secrétaire générale de la Fédération CGT de la santé et de l’action sociale qui déclarait que l'accord avait franchi un certain nombre de «lignes rouges» du syndicat mais que le syndicat pourrait toujours voter en faveur de l’accord.

Le syndicat préparerait un rapport sur l'accord pour ses membres « pour que notre point d’appui de signature ou de non-signature de ce protocole vienne des bases et des salariés. Même si ce protocole d’accord peut-être décevant, il faut quand même préciser que c’est bien grâce à la mobilisation des salariés ces dernières années, et grâce aussi aux organisations syndicales, que nous avons pu […] [obtenir] une revalorisation salariale ». Elle a conclu de manière absurde en appelant les travailleurs à se joindre à une manifestation nationale le 14 juillet, jour de la fête nationale, pour réclamer une amélioration des conditions des travailleurs que les syndicats et le gouvernement sont en train de casser.

L'accord souligne certaines réalités sociales bien précises. L'attaque systématique du système hospitalier en France et à l'international depuis des décennies n'est pas le résultat de politiques erronées ou d'une méconnaissance de l'importance du système de santé pour la société. Sur fond de la plus grande pandémie en un siècle, au cours de laquelle plus de 30 000 personnes sont mortes en France et 568 000 dans le monde, la réponse de la classe dirigeante et de ses représentants politiques et syndicaux est de casser davantage le système public de santé.

Du point de vue de la classe capitaliste, si plus de travailleurs meurent, et en particulier ceux qui sont âgés et ne sont plus en mesure de générer des bénéfices pour les employeurs, cela est non seulement sans importance, mais peut même avoir du bon, car cela réduira les dépenses en matières de soins de santé et de retraites. La réduction des dépenses sociales est nécessaire pour financer un transfert massif de richesses de la classe ouvrière aux riches qui s'est accéléré tout au long de la pandémie. Et les riches continueront de bénéficier des meilleurs soins de santé qu’on puisse acheter. C'est pourquoi les gouvernements à l'échelle internationale maintiennent leur politique de retour au travail, garantissant que les activités lucratives des grandes sociétés reprennent malgré la menace pesant sur des millions de gens.

Ce serait la plus grande des erreurs de la part des travailleurs de la santé que de croire que ce dernier accord au rabais peut être inversé en faisant pression sur les dirigeants syndicaux, comme l'ont avancé les Collectifs inter-urgences récemment formés. Il ne s’agit pas seulement là d'individus corrompus, bien que ceux-ci ne manquent pas. Dans des conditions de production mondialisée, le programme corporatiste et nationaliste des syndicats de chaque pays les a transformés en agents avérés des entreprises et des gouvernements, chargés de réprimer l'opposition des travailleurs et de maximiser les profits.

Les travailleurs de la santé doivent au contraire se libérer de l'emprise corporatiste des appareils syndicaux et former leurs propres organisations indépendantes de lutte, des comités de base organisés par les travailleurs eux-mêmes. Un appel doit être lancé pour le développement d'une offensive sociale et politique unifiée de la classe ouvrière au niveau international. Cela doit être associé à un programme socialiste, pour la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière à l’international et pour la réorganisation de la société sur une base socialiste. La pandémie de coronavirus a clairement montré que la classe capitaliste est en guerre contre la société. La lutte contre la pandémie signifie la guerre contre le capitalisme et la lutte pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 13 juillet 2020)

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