Alors que l'Inde approche le million de cas de COVID-19, le gouvernement Modi continue de nier la transmission communautaire

Alors que l'Inde s'approche de la sombre étape d'un million d'infections confirmées au COVID-19, le Premier ministre Narendra Modi et son gouvernement du parti Bharatiya Janata Party (BJP) continuent de se vanter que leurs efforts pour lutter contre la pandémie se révèlent fructueux. Comme exemples les plus grotesques de cette propagande gouvernementale, il y a les déclarations répétées du ministère de la Santé et de la plus grande institution épidémiologique de l'Inde qu'il n'y aurait aucune importante transmission communautaire du virus potentiellement mortel dans le deuxième pays le plus peuplé du monde.

Que les responsables gouvernementaux tiennent à l'admettre ou non, la réalité est que le coronavirus se propage comme une traînée de poudre dans de nombreuses régions de l'Inde, et l'afflux de patients infectés accable de plus en plus le système de santé délabré du pays.

En termes de cas COVID-19, l'Inde est désormais le troisième pays le plus touché au monde.

Les personnels de santé contrôlent des résidents pour les symptômes de COVID-19 dans le bidonville de Deonar à Mumbai en Inde le 11 juillet 2020. (AP Photo/Rajanish Kakade)

Jeudi, selon les données fournies par le ministère de la Santé et de l’Aide sociale familiale, les cas de COVID-19 s'élèvent à 968 876. Au cours des 24 heures précédentes, 32 695 nouvelles infections ont été enregistrées, le plus gros pic d'une journée à ce jour. Le nombre de morts a quant à lui grimpé à 24 915, après 606 décès supplémentaires. Les nouvelles infections sont restées supérieures à 25 000 par jour depuis le 10 juillet, affichant presque chaque jour un nouveau record d'infections au coronavirus.

Alors qu'il a fallu 109 jours à l'Inde pour atteindre 100 000 cas de COVID-19, le nombre total d'infections a été multiplié par neuf au cours des 57 jours suivants, à mesure que la suppression par le gouvernement des mesures de confinement passait à la vitesse supérieure. Quatre jours seulement se sont écoulés avant que le total de 800 000 cas passe à 900 000.

Le bilan officiel des morts est étrangement bas par rapport à d'autres pays gravement touchés. Les autorités indiennes ont la triste réputation de sous-déclarer les chiffres des décès même en temps normal, ce qui rend presque certain un nombre réel de décès beaucoup plus élevé. Malgré tout, l'Inde a déclaré plus de 500 décès chaque jour depuis le 11 juillet.

Comme le président américain Donald Trump, Modi proclame à presque toutes occasions des mensonges grossiers sur l'efficacité supposée de la réponse de son gouvernement à la pandémie, sans se soucier des milliers de personnes qui ont déjà perdu la vie. Le Premier ministre indien est devenu de facto le principal porte-parole de la politique criminelle «d'immunité collective» de l'élite dirigeante, qu’un conseiller gouvernemental a allègrement estimé entraînera 2 millions de morts. Pour couvrir le coût horrible de cette politique, qui vise à donner la priorité au profit des grandes entreprises sur la vie humaine, Modi et ses ministres doivent recourir à des mensonges purs et simples. Le principal de ces arguments est l'affirmation selon laquelle aucune transmission communautaire n'a lieu en Inde.

Après avoir présidé une réunion sur COVID-19 samedi dernier, Modi a déclaré: «Nous avons également souligné les initiatives couronnées de succès entreprises à travers l'Inde pour s'assurer que le coronavirus est contrôlé.»

Cela visait à dissimuler le fait que le principal objectif de la réunion, qui impliquait le ministre de l'Intérieur, Amit Shah et le ministre de la Santé Harsh Vardhan, était de faire avancer la «réouverture» de l'économie alors que le virus sévit. Plutôt que de décrire de nouvelles mesures pour arrêter la propagation du virus, Modi a réprimandé le public. «Nous devons réitérer», a-t-il déclaré, «la nécessité de respecter l'hygiène personnelle et la discipline sociale dans les lieux publics».

En d'autres termes, alors que le gouvernement ouvre tous les secteurs de l'économie, forçant des dizaines de millions de travailleurs mal payés à retourner dans des lieux de travail dangereux, la responsabilité d'empêcher la propagation du virus incombe à l'individu – et ce dans un pays où des centaines de millions de personnes n'ont pas facilement accès à l'eau potable et vivent dans des bidonvilles grouillants où il est impossible de pratiquer la distanciation sociale.

Bien que certains États aient été contraints de réimposer certaines restrictions limitées en raison de la recrudescence des cas, les lieux de travail industriels et autres chantiers sont autorisés – voire encouragés – à continuer de fonctionner. Quant aux employeurs, avec la complicité du gouvernement, ils violent toutes les maigres mesures de sécurité au travail qui ont été officiellement ordonnées.

Aucune des initiatives prises par le gouvernement Modi en réponse à la pandémie ne s'est avérée une «réussite». Son confinement mal préparé, annoncé avec un préavis de quelques heures fin mars, a été un désastre. Des dizaines de millions de personnes ont été plongées du jour au lendemain dans le dénuement en raison de l'incapacité du gouvernement à fournir une aide financière aux travailleurs qui ont perdu leur emploi. La période du confinement n'a pas été utilisée pour renforcer le système de soins de santé chroniquement sous-financé de l'Inde, ni pour mettre en place un système de tests de masse et de recherche des contacts pour lutter contre la propagation des infections. Au lieu de cela, le confinement est devenu le mécanisme de propagation du COVID-19 dans les zones reculées, car le gouvernement Modi a gardé des dizaines de millions de travailleurs migrants entassés dans des camps insalubres pendant des semaines, puis les a renvoyés dans leur pays d'origine sans les tester pour le virus.

Pas plus tard que le 9 juillet, le gouvernement a répété que l'Inde n'avait pas atteint le stade de transmission communautaire de COVID-19. Interrogé pour savoir si l'Inde est entrée dans la phase de transmission communautaire, Rajesh Bhushan, officier de service spécial au ministère de la Santé de l'Union, a déclaré lors d'un point de presse: «Aujourd'hui encore, le ministre de la Santé a clairement déclaré que l'Inde n'était pas parvenue à l'état de transmission communautaire. Dans certaines zones géographiques, il y a eu des foyers localisés.»

S'engageant dans une tentative infructueuse de prouver son point de vue, Bhushan a affirmé que «49 districts (sur 733) représentent à eux seuls 80 pour cent des cas de COVID-19». Par conséquent, «dans une telle situation dans laquelle vous pouvez retrouver et identifier les contacts proches des cas actifs, parler de transmission communautaire n'est pas justifié.» Son affirmation ignore commodément le fait que bon nombre des 49 districts couvrent des zones urbaines telles que Delhi, Mumbai, Chennai, Kolkata, Hyderabad, Pune et Bengaluru, où vivent des dizaines de millions de personnes. Entre elles, Delhi et Mumbai comptent à elles seules plus de 40 millions de personnes.

Les affirmations stupides et ignorantes des représentants du gouvernement ne sont pas simplement l’expression de l'incompétence personnelle. Le gouvernement Modi et ses homologues dans les États de province ont plutôt rejeté avec mépris toute approche scientifique pour lutter contre la pandémie afin qu'ils puissent se concentrer exclusivement sur la défense des profits et de la richesse des millionnaires et milliardaires indiens. Si la réouverture de l'économie pour les grandes entreprises nécessite de mettre de côté les conseils de l'Organisation mondiale de la santé pour effectuer des tests de masse, isoler les personnes infectées et rechercher des contacts, qu'il en soit ainsi!

La réalité est que des scientifiques sérieux mettent en garde contre les niveaux dangereux de transmission communautaire en Inde depuis plus d'un mois. Le Dr Jacob John, un virologue éminent, a souligné la transmission communautaire généralisée en Inde dans une interview avec la BBC au début de juin. Le Dr John a souligné le fait que l'Inde, selon les données du gouvernement, n'a testé que 0,3 pour cent ou 0,4 pour cent de la population. Se référant aux données du Conseil indien de la recherche médicale (ICMR), il a déclaré que les statistiques ont «montré que moins d'un pour cent (0,73%) des cas dans 83 districts montraient des preuves d'une exposition passée à des cas confirmés, et si cela ne s’agit pas de transmission communautaire, comment ont-ils pu être exposés autrement».

Dans une interview accordée à The Wire le 16 juin, le professeur Ramanan Laxminarayan, directeur du Center for Disease Dynamics basé à Washington et chercheur de Princeton, a déclaré que la transmission communautaire s’effectuait «absolument» en Inde. Appliquant les modèles mathématiques utilisés aux États-Unis ou au Royaume-Uni à l'Inde, Laxminarayan a estimé que l'Inde comptait déjà des dizaines de millions de cas et que ce chiffre pourrait atteindre 200 millions d'ici septembre.

Alors que le gouvernement Modi porte la responsabilité principale de la crise humanitaire massive déclenchée par COVID-19, les partis d'opposition qui dirigent divers gouvernements des États sont également coupables. Ils ont présidé à des conditions sociales misérables et continuent de priver le système de santé de fonds dont il a désespérément besoin.

L'État le plus touché de l'Inde, avec 275 649 cas et 10 928 décès en date de jeudi, est le Maharashtra, où l'extrême droite Shiv Sena dirige un gouvernement soutenu par le Parti du Congrès nominalement laïc. L'État méridional du Tamil Nadu, qui est le deuxième État le plus touché, avec 151 820 cas et un total de 2 167 décès, est gouverné par la droite All India Anna Dravida Munetra Kazhagam (AIADMK), tandis que Delhi, territoire de la capitale nationale et troisième État le plus touché (116 993 cas et 3 487 décès), est gouverné par le Parti Aam Aadmi (AAP). Pendant des décennies, l'establishment politique indien a délibérément laissé à l’abandon le système de santé publique – dépensant 1,5 pour cent du PIB ou moins par an pour les soins de santé – afin de réduire les impôts des sociétés et de poursuivre d'autres politiques favorables aux investisseurs.

L'élite dirigeante criminelle de l'Inde n'a pas réussi à faire face à la catastrophe sanitaire et sociale provoquée par la pandémie. La seule façon d'arrêter la propagation incessante du coronavirus et de protéger les travailleurs des retombées économiques ruineuses de la pandémie est que la classe ouvrière développe sa propre réponse indépendante. Comme l'a expliqué le Comité international de la Quatrième Internationale dans sa déclaration du 23 juin:

«Le contrôle de la réponse à la pandémie doit être retiré des mains de la classe capitaliste. Une mobilisation de masse de la classe ouvrière, coordonnée à l'échelle internationale, est nécessaire pour maîtriser la pandémie et sauver des millions de vies aujourd'hui menacées. La lutte contre la pandémie n'est pas seulement, ni même principalement, un problème médical. C'est avant tout une question de lutte sociale et politique.»

(Article paru en anglais le 17 juillet 2020)

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