A l’ouverture du sommet européen la diffusion du COVID-19 s'accélère en Europe

Alors que les chefs d’État de l’Union européenne (UE) se réunissaient vendredi pour un sommet de deux jours à Bruxelles afin de discuter d’un plan de renflouement, la pandémie de COVID-19 s’accélérait sur tout le continent. Les politiques de retour au travail lancées par les gouvernements et syndicats de toute l’Europe depuis la fin des confinement en mai entraînent un effondrement de la distanciation sociale et une nouvelle propagation du virus qui menace à nouveau de submerger les systèmes de santé.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron au sommet européen de Bruxelles le 17 juillet [Credit: Stéphanie Lecocq/Pool via AP]

En Espagne – où 1.361 nouveaux cas ont été découverts le 16 juillet, la première fois depuis mai que le total dépassait le millier – la municipalité de Barcelone a demandé aux résidents de cette métropole de 5 millions d’habitants de rester chez eux. 647 de ces nouveaux cas se trouvaient en Catalogne. La conseillère régionale Meritxell Budó a déclaré que c’était «la dernière chance d’éviter de devoir recourir au confinement pour toute la population».

Jeudi, l’Allemagne a enregistré 583 nouvelles infections et l’Autriche 157, le nombre le plus élevé dans ce dernier pays depuis le 10 avril. En Belgique, les infections par le COVID-19 ont augmenté de 32 pour cent, atteignant une moyenne de 115 par jour. Le taux de reproduction du virus est passé au-dessus de 1 en Allemagne ainsi qu’en Belgique, ce qui indique que les nouveaux cas recommencent à croître de manière exponentielle. «Au vu de ces données», a déclaré le virologue belge Marc Van Ranst, «nous devons dire que nous assistons au début d’une deuxième vague».

En France, où l’on compte 184 grappes actives et une propagation communautaire confirmée, le taux de reproduction est passé à 2,62 en Bretagne, 1,5 dans la vallée de la Loire et 1,55 sur la Côte d’Azur. Il est supérieur à 1 dans un certain nombre de régions, dont la région parisienne.

Les fonctionnaires réunis à Bruxelles pour leur première réunion ‘physique’ depuis le début de la pandémie COVID-19 en Europe n’ont pourtant pas cherché à arrêter la contagion. Ils se sont au contraire affrontés sur la manière d’organiser le renflouement des entreprises et des banques à hauteur de billions d’euros, tout en imposant l’austérité et des licenciements massifs détruisant des millions d’emplois dans toute l’Europe. La bourgeoisie européenne ne fait pas la guerre au COVID-19, mais à la classe ouvrière.

Tandis que la Banque centrale européenne (BCE) a imprimé 1,25 mille milliards d’euros [1,43 mille milliards de dollars], donnés aux banques européennes, l’UE elle, prépare un plan de sauvetage de 750 milliards d’euros projeté par Berlin et Paris. Les États membres de l’UE ont déjà versé des dizaines de milliards pour renflouer Siemens, Airbus, Renault et plusieurs compagnies aériennes nationales. Dans le même temps, gouvernements, entreprises et syndicats approuvent sans vergogne des licenciements massifs réalisés par de puissantes entreprises enrichies par des renflouements financés avec l’argent public.

Des divisions acerbes persistent dans l’UE sur comment garantir que ces plans de sauvetage servent à imposer une austérité draconienne, comme en Grèce après le krach boursier de 2008, et à stimuler la compétitivité des entreprises européennes dans le monde. «Les différences sont encore très importantes et je ne peux donc pas prédire que nous obtiendrons un résultat cette fois-ci. Cela serait souhaitable, mais nous devons aussi être réalistes», a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel dont le gouvernement assure la présidence tournante de l’UE.

Au premier jour de négociations, plusieurs petits pays se sont opposés au plan de sauvetage franco-allemand. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a menacé d’opposer son veto à une disposition exigeant que, pour bénéficier des fonds, les États membres respectent les «valeurs fondamentales» de l’UE. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a demandé le droit d’opposer son veto à toute dépense de fonds de sauvetage de la part de l’UE.

Le premier ministre italien Giuseppe Conte a salué le plan de sauvetage proposé par Berlin et Paris selon lequel l’austérité ne serait pas mandatée par l’UE comme en Grèce mais bien plutôt organisée dans des négociations en coulisses entre les principaux pouvoirs de l’UE. «Nous élaborons une réponse, une réponse économique et sociale, pour tous nos citoyens européens dans l’intérêt commun des valeurs que nous partageons», a déclaré Conte.

En réalité, l’UE répond à la plus grande récession économique du capitalisme mondial depuis les années 1930 en affirmant agressivement ses intérêts impérialistes. Cette stratégie menée au détriment de la classe ouvrière à l’intérieur de l’Union dépend essentiellement, pour tenter de réprimer une opposition sociale explosive, du soutien des bureaucraties syndicales.

Jeudi, les syndicats français ont rencontré le nouveau premier ministre Jean Castex pour planifier la politique économique. Ils ont convenu d’attendre la fin de l’année pour mettre en œuvre la baisse majeure des retraites négociée en début d’année avec le président Macron pendant que Castex travaille à organiser la restructuration des entreprises et des licenciements massifs sur les lieux de travail dans toute la France. Les responsables syndicaux de tous bords ont pourtant fait l’éloge de Castex et de ses plans réactionnaires en quittant ses bureaux.

«On est au milieu du gué, mais tout ce qui est pris n’est plus à prendre. Le mécontentement, la mobilisation, il est obligé d’en tenir compte. C’est un point positif», a déclaré Philippe Martinez de la CGT (Confédération générale du travail). C’est là une fraude. En réalité, l’UE planifie des attaques massives et les calcule avec soin dans les discussions avec les syndicats pour éviter de provoquer une explosion sociale.

Ce n’est pas tant les intérêts communs qui unissent l’UE que les tentatives désespérées d’affronter la classe ouvrière européenne à l’intérieur et les grandes puissances rivales à l’extérieur ; non seulement des adversaires traditionnels de l’OTAN comme la Russie mais encore et de plus en plus l’«allié» de l’UE dans l’OTAN, les États-Unis.

À ce sommet, les pouvoirs européens cherchent à franchir une nouvelle étape dans la transformation de l’UE en alliance militaire. Réunis à Varsovie, la ministre allemande de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer et son homologue polonais Mariusz Blaszczak ont plaidé pour une augmentation des dépenses militaires de l’UE. Dans l’actuelle proposition de compromis du président du Conseil de l’UE Charles Michel, 7 milliards d’euros sont réservés au fonds de défense de l’UE, destiné aux projets d’armement communs, et 1,5 milliard d’euros à l’adaptation du réseau de transport européen aux besoins militaires.

Derrière cette politique, il y a la crise économique la plus profonde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et des tensions inter-impérialistes montantes notamment entre Allemagne et États-Unis.

Mercredi, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a de nouveau menacé d’intensifier les sanctions contre les entreprises construisant le gazoduc «Nord Stream 2» qui relie la Russie et l’Allemagne. Les sanctions préparées en vertu de la loi américaine CAATSA [«Loi pour contrecarrer les adversaires de l’Amérique par les sanctions»] utilisée précédemment contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie – vise les entreprises d’au moins cinq pays européens.

Les sociétés allemandes Wintershall et Uniper, Royal Dutch Shell, la société française ENGIE et la société autrichienne OMV ont toutes participé au financement de la construction de Nordstream 2.

Jeudi, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, a dénoncé les plans américains en termes inhabituellement vigoureux. «Par ses annonces de mesures menaçant également les entreprises européennes de sanctions, le gouvernement américain manque de respect pour le droit et la souveraineté de l’Europe à décider elle-même où et comment [elle s’] approvisionne en énergie», déclare-t-il dans un communiqué. «La politique énergétique européenne est décidée en Europe et non à Washington. Nous rejetons fermement les sanctions extra-territoriales».

Un autre événement montrant l’extrême tension des relations transatlantiques est l’arrêt jeudi de la Cour de justice de l’UE, qui rejette l’accord central entre l’UE et les États-Unis sur les flux de données dits «bouclier de confidentialité». La présentation officielle de cet arrêt comme une défense des droits démocratiques des citoyens européens face aux services d’espionnage américains est une fraude. Les renseignements européens se livrent régulièrement, comme leurs homologues américains, à l’espionnage de masse de la population.

Après que l’UE a fermé ses frontières aux citoyens américains, invoquant la gestion désastreuse de la pandémie de COVID-19 par les États-Unis, l’UE réagit bien plutôt à la pandémie en s’opposant à son «allié» nominal.

Les appels à une remilitarisation de la politique étrangère de l’Allemagne mais aussi de toute l’UE sont de plus en plus agressifs. Dans une interview à l’hebdomadaire allemand Die Zeit paru jeudi, Kramp-Karrenbauer a appelé au réarmement massif de l’UE en vue de défendre ses intérêts impérialistes à l’international, y compris contre des puissances nucléaires:

«Il nous faut une vue à 360 degrés», a-t-elle souligné. «Si vous regardez qui est à portée des missiles russes en Europe, ce sont juste les États d’Europe centrale et orientale et nous [l’Allemagne]. C’est entre autre pourquoi beaucoup de ces États nous voient comme un partenaire important sur lequel s’appuyer, en gardant leurs intérêts à l’esprit. Nous œuvrerons à une analyse commune des menaces durant notre présidence de l’UE. Car nous devons développer des systèmes de défense. Prenez la défense aérienne: c’est de plus en plus une affaire de drones, d’essaims de drones contrôlés par l’Intelligence Artificielle ou d’armes hypersoniques».

Quelle que soit la faction qui l’emporte dans l’âpre débat sur la politique de renflouement, il est clair que les plans de réarmement et de restructuration des entreprises par l’UE impliquent de graves attaques contre les travailleurs.

(Article paru d’abord en anglais 18 juillet 2020)

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