Les profits des sociétés avant la vie: les politiques de relance de l'Europe mettent en danger des millions de vies

Six mois après que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le coronavirus était une urgence sanitaire mondiale le 31 janvier, la situation est hors de contrôle. Plus de 17,2 millions de personnes ont été infectées par le virus dans le monde, tandis que plus de 670.000 sont décédées.

Des centaines de personnes meurent chaque jour dans les pays qui comptent le plus grand nombre de nouveaux cas, notamment les États-Unis, le Brésil, l'Inde, la Colombie et le Mexique. Selon l'Université Johns Hopkins, 1592 décès ont été enregistrés aux États-Unis rien que mardi. Il s'agit du nombre le plus élevé des deux derniers mois et demi. Le Brésil a établi un record de tous les temps mercredi avec 69.074 nouvelles infections et 1595 décès. Le nombre total de décès par COVID-19 enregistrés dans ce pays est désormais supérieur à 90.000.

L’armée italienne transporte des cercueils de cadavres infectés au cimetière de Bergame (Massimo Paolone/LaPresse via AP)

En Europe, l'un des premiers épicentres de la pandémie, le virus se propage à un rythme dangereux. «Nous sommes au milieu d'une pandémie qui s'aggrave rapidement», a averti le président de l'Institut Robert Koch (RKI) allemand, Lothar Wieler, lors d'une conférence de presse mardi. Au cours des sept jours précédents, 3611 nouvelles infections en Allemagne ont été signalées à son institut, qui est l'agence de santé publique officielle de l'Allemagne. Le taux de reproduction, ou taux «R», est actuellement de 1,25, ce qui signifie que le virus se propage de façon exponentielle. Jeudi, le RKI a signalé 902 nouvelles infections. Il s'agit de la plus forte augmentation depuis mai.

D'autres pays connaissent également une augmentation spectaculaire des nouvelles infections. «Il se peut que nous soyons déjà dans une deuxième vague», a déclaré Maria Jose Sierra, porte-parole de l'Agence espagnole pour les urgences en soins de santé (CCAES). Depuis la mi-juillet, le nombre de nouvelles infections en Espagne a triplé. La région la plus durement touchée est la Catalogne. Au cours de la seule semaine écoulée, 4846 cas y ont été enregistrés. Une série d'épidémies locales ont éclaté à Madrid, donnant lieu à un total de 1200 nouvelles infections au cours de la semaine dernière.

D'autres pays d'Europe du Sud et de l'Ouest enregistrent également des hausses. En France, les nouvelles infections ont augmenté pour la troisième semaine consécutive, tandis que le nombre de patients atteint du COVID-19 dans les hôpitaux autrichiens est passé à plus de 100 pour la première fois depuis mai. Au cours des sept derniers jours, la Belgique a enregistré en moyenne 311 cas par jour, un chiffre en augmentation constante. Comme en Espagne, le gouvernement belge s'est senti obligé en début de semaine de réintroduire des restrictions limitées à la vie publique.

Les développements en Europe de l'Est sont particulièrement dramatiques. La Russie enregistre près de 6000 cas par jour, tandis que l'Ukraine et la Roumanie enregistrent environ 1000 infections par jour. Mercredi, la Pologne a signalé 512 nouvelles infections, avec des foyers dans trois mines de charbon en Silésie, plusieurs entreprises et une maison de retraite dans le district sud de Malopolska. Le nombre de nouvelles infections n'a cessé d'augmenter depuis le 17 juillet.

Beaucoup de personnes infectées en Europe de l'Est sont des travailleurs exploités dans des conditions proches du travail forcé. Dans une ferme de Maming, en Bavière, 174 infections parmi les travailleurs migrants ont été enregistrées il y a quelques jours, et des centaines d'autres ont été infectées dans des abattoirs en Allemagne et aux Pays-Bas.

Comme aux États-Unis, les classes dirigeantes européennes portent l'entière responsabilité de la catastrophe du coronavirus. La résurgence du virus est le résultat direct de leur politique imprudente et prématurée de relance de l'économie, qui visait à renvoyer les travailleurs à leur emploi le plus rapidement possible, à rouvrir les écoles et les crèches et à relancer le tourisme. Après que les confinements et les mesures de distanciation sociale ont entraîné une baisse initiale des cas, elles ont créé une situation similaire à celle du début de l'année, lorsque les systèmes de santé en Italie et en Espagne se sont effondrés et des dizaines de milliers de personnes sont mortes dans des conditions terribles.

Alors même que la pandémie menace désormais des milliers de vies supplémentaires, les gouvernements européens ont convenu qu'il n'y aura pas de mesures sérieuses ou coordonnées pour contenir la maladie.

«On ne va pas faire un confinement comme au mois de mars. Un confinement a des conséquences terribles, économiques, humaines», a déclaré le premier ministre français Jean Castex lors d’une interview télévisée du 8 juillet. Il a ainsi résumé le point de vue de toute la classe dirigeante d’Europe, qui est prête à sacrifier des millions de vies pour protéger les profits de la grande entreprise.

Selon une étude menée (article en anglais) par des chercheurs de l'Imperial College de Londres, les confinements en Europe ont évité la mort de 3 millions de personnes. «Nous constatons que, dans 11 pays, depuis le début de l'épidémie, 3.100.000 [2.800.000 à 3.500.000] décès ont été évités…», ont écrit les chercheurs. Cela comprend 690.000 personnes en France, 630.000 en Italie, 560.000 en Allemagne, 470.000 en Grande-Bretagne, 450.000 en Espagne, 110.000 en Belgique et des dizaines de milliers dans les cinq autres pays étudiés.

L'élite financière déclare maintenant ouvertement qu'il aurait été préférable que ces personnes soient décédées. Le confinement «d'un point de vue économique ne valait pas» les vies sauvées, a déclaré une étude publiée mercredi par l'ancien économiste de la Banque d'Angleterre David Miles. Un modèle de calcul pervers, qui convertissait chaque vie humaine en une valeur en livres sterling, aurait prouvé que les «années de vie sauvées» valaient moins que la dette accumulée par l'État britannique. Sur cette base, Miles et ses collègues banquiers demandent que toutes les «mesures globales» de lutte contre la pandémie soient levées.

Cette stratégie d'«immunité collective», qui revient en réalité à une politique d'assassinat de masse, a été la politique menée par l'élite dirigeante européenne dès le départ. Avec une indifférence stupéfiante face au sort de millions de personnes, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré sans ambages lors d'une conférence de presse du 11 mars que le gouvernement allemand s'attendait à ce qu'entre 60 et 70 pour cent de la population soit infectée par le coronavirus.

Le WSWS écrivait à l'époque: «Ce que ces déclarations révèlent, ce n'est pas l'incompétence, mais la criminalité politique. Soixante-quinze ans après la chute du Troisième Reich nazi, une attitude fascisante envers la classe ouvrière prévaut dans l'aristocratie financière, reflétant celle de la Rome antique à l’égard de ses esclaves de galère: travailler jusqu'à ce que mort s’ensuive.» Nous avons poursuivi: «Il ne fait aucun doute que des sections importantes de la classe dirigeante considèrent le coronavirus comme un don du ciel. La mort de millions de personnes âgées et malades permettrait de nouvelles coupes dans les dépenses sociales, détournant des milliards de plus dans leurs poches.»

C'est précisément ce qui s'est passé. Après que les images horribles du nord de l'Italie se sont répandues dans le monde entier, les gouvernements européens se sont sentis obligés, sous la pression du public et des grèves de masse, d'ordonner des mesures pour imposer la distanciation sociale et les confinements. Mais ces mesures ont ensuite été exploitées pour organiser le plus grand transfert de richesse du bas vers le haut de la société de l'histoire. Les soi-disant plans de sauvetage d'urgence de coronavirus ont été utilisés pour transférer des milliards d'euros vers les banques, les grandes entreprises et les super-riches pratiquement du jour au lendemain.

Dès que le transfert de fonds fut achevé, une campagne essentiellement fascisante pour relancer l'économie fut déclenchée. Les politiciens et les médias ont orchestré une «discussion» sur le nombre de vies à sacrifier aux intérêts des grandes entreprises et de leurs profits.

En Allemagne, la campagne de retour au travail a été menée par le président du parlement fédéral Wolfgang Schäuble (chrétiens-démocrates), qui a déclaré scandaleusement (article en anglais) que la dignité humaine n'inclut pas le droit à la vie et n'est donc pas «absolument» garantie par la loi fondamentale (constitution) allemande. Tous les partis représentés au parlement ont alors soutenu des manifestations d'extrême droite qui, contrairement à la grande majorité de la population, exigeaient la fin de toutes les restrictions et l'abandon des mesures de distanciation sociale.

Les objectifs réactionnaires poursuivis par l'élite dirigeante avec sa politique de retour au travail sont évidents pour tous. Tout d'abord, elle veut extraire de la classe ouvrière les sommes massives d'argent remises à l'oligarchie financière. Un deuxième facteur important est les efforts de l'impérialisme allemand et européen pour s’assurer une position favorable dans le cadre de l'intensification des rivalités entre les grandes puissances. «De plus, il y a des intérêts géostratégiques», notait un article dans Der Spiegel en avril, impliqués dans «la relance de l'industrie automobile». L'article faisait remarquer: «Les chefs d'entreprise veulent renforcer le marché européen pour agir comme un contrepoids à la puissance économique de la Chine et des États-Unis.»

Le WSWS a caractérisé la pandémie comme un «événement déclencheur», qui a considérablement accéléré les crises sociales, économiques et géopolitiques déjà très avancées du capitalisme mondial.

Il en va de même pour leur politique de guerre. Les États-Unis ont non seulement accusé la Chine d'être responsable de la pandémie, mais se préparent également de plus en plus agressivement à un conflit militaire avec ce pays, l'une des plus grandes puissances nucléaires du monde. Les puissances européennes exploitent également la crise pour faire avancer leurs plans de réarmement. Fin mai, les gouvernements d’Allemagne, de France, d’Italie et d’Espagne ont adressé une lettre conjointe à Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité, dans laquelle ils préconisaient un vaste renforcement des capacités militaires de l'UE en réponse à la pandémie.

Si les puissances européennes sont unies sur les bases fondamentales en ce qui concerne l'austérité, le militarisme et la guerre, elles sont absolument incapables de développer une stratégie commune pour lutter contre la pandémie. Alors que le virus commençait à se propager rapidement début mars, le gouvernement allemand a imposé une interdiction d'exportation des équipements médicaux de protection. Lors du dernier sommet de l'UE, les puissances européennes ont convenu de remplir les coffres des banques et des grandes entreprises avec 750 milliards d'euros supplémentaires; ils ont réduit le budget de l'UE pour la santé à un dérisoire 1,67 milliard d'euros.

L'opposition à ces politiques criminelles parmi les travailleurs et les jeunes monte partout dans le monde. Aux États-Unis, Trump a mobilisé des unités paramilitaires fascistes contre des manifestants pacifiques car il craint un mouvement puissant de la classe ouvrière contre ses politiques de retour au travail et de guerre, que les démocrates soutiennent pleinement. Les travailleurs ont commencé à s'organiser en comités de base indépendants pour s'opposer aux conditions de travail misérables qui leur sont imposées par la grande entreprise et les syndicats.

La colère est en ébullition également en Europe. Les mêmes grandes entreprises qui ont reçu des dizaines de milliards de deniers publics – y compris des constructeurs automobiles et des compagnies aériennes – saisissent l'opportunité de collaborer avec les syndicats pour faire appliquer les plans longtemps tenus en réserve pour les réductions de salaire et les licenciements collectifs. Plus tôt cette semaine, des milliers d’employés de la grande distribution en France se sont mis en grève pour protester contre les attaques contre leurs primes et leurs salaires. Une forte opposition existe parmi les enseignants et les élèves à un retour aux «conditions normales» dans les écoles.

Le mois dernier, des centaines de milliers de personnes ont manifesté à travers l'Europe en même temps que des manifestations de masse déclenchées par le meurtre de George Floyd aux États-Unis se répandaient dans le monde. Les manifestations ont non seulement exprimé une colère généralisée face aux actions de la police, mais aussi une opposition profonde aux politiques réactionnaires de la classe dirigeante. Ces politiques sont soutenues par des partis de la pseudo-gauche comme Podemos en Espagne, la France insoumise, Syriza en Grèce et le Parti de gauche allemand, qui soutiennent tous la volonté de leur propre gouvernement de relancer l'économie, de préparer la guerre et de renforcer l'appareil d'État répressif.

Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections européennes luttent pour armer l'opposition croissante des travailleurs et des jeunes d'un programme socialiste et internationaliste. La menace posée à la vie de millions de personnes par la pandémie et les guerres ne peut être évitée que par un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière contre le capitalisme et pour des gouvernements ouvriers. La richesse des super-riches, des grandes banques et des grandes entreprises doit être expropriée et la société doit être réorganisée selon des principes rationnels et scientifiques pour répondre aux besoins de la grande majorité. Il est grand temps de mener cette lutte. Contactez-nous dès aujourd'hui pour adhérer au Parti de l' égalité socialiste.

(Article paru en anglais le 31 juillet 2020)

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