Perspectives

Pourquoi les États-Unis effectuent-ils de moins en moins de tests de COVID-19?

Le 20 juin, le président américain Donald Trump s’est vanté d’avoir demandé aux responsables de la santé publique de réduire le nombre de tests pour le COVID-19, la maladie qui a infecté 5,2 millions d’Américains et en a tué plus de 166.000 depuis le début de l’année. J’ai dit à mes gens: «Ralentissez les tests», avait déclaré Trump.

Trois jours plus tard, il ajoutait: «Les cas augmentent aux États-Unis parce que nous testons beaucoup plus… Avec moins de tests, nous présenterions moins de cas!»

Les gens font la queue devant un site de test pour le COVID-19 pendant la pandémie de coronavirus, le jeudi 16 juillet 2020, à Opa-locka, en Floride. (AP Photo/Lynne Sladky)

Les hauts responsables de la santé publique américaine ont immédiatement cherché à minimiser les commentaires de Trump, déclarant que la politique américaine était d’augmenter, et non de diminuer, le nombre de tests. Mais sans aucune explication sérieuse de la part du gouvernement, le nombre de tests effectués chaque jour aux États-Unis a considérablement diminué au cours des deux dernières semaines.

Le 24 juillet, les États-Unis ont effectué 926.876 tests, selon le Projet de suivi COVID. Mais ce chiffre était tombé à seulement 668.546 samedi dernier. Le nombre moyen de tests quotidiens effectués est passé de 809.200 au cours de la semaine finissant le 26 juillet, à 712.112 la semaine dernière, soit une baisse de 12 pour cent.

En même temps, les tests mettent souvent plus d’une semaine à revenir, ce qui les rend pratiquement inutiles pour traquer et isoler ceux qui sont infectés avant que la pandémie ne s’étende encore davantage. Selon des données internes de «Quest Diagnostics» obtenues par CNN: «le délai moyen global de retour des résultats était de 8,4 jours».

Les experts de la santé publique affirment que le niveau des tests aux États-Unis est bien trop faible pour contenir la maladie. Une analyse de Ashish Jha et de son équipe du Harvard Global Health Institute a récemment montré qu’il fallait faire 1,2 million de tests par jour, avec des résultats à temps pour agir, afin d’empêcher le nombre de nouvelles infections quotidiennes d’augmenter.

Selon Jha, pour supprimer réellement la pandémie il faut faire des tests au rythme de 4,3 millions de tests par jour. C’est plus de six fois le niveau actuel et plus de quatre fois l’objectif proclamé par le gouvernement Trump, qui était d’atteindre un million de tests de coronavirus par jour.

Au milieu de cette pénurie massive, les responsables américains ont admis qu’ils donnaient la priorité aux tests pour «certaines personnes». En particulier les personnes riches et bien branchées peuvent passer des tests et obtenir des résultats en un jour, alors que pour les travailleurs ordinaires, les résultats peuvent prendre jusqu’à une semaine ou plus, s’ils peuvent les obtenir.

Le financement fédéral des tests et de la recherche des contacts, les seules mesures connues pour contenir la pandémie, représente moins d’un pour cent du total des dépenses fédérales consacrées à la lutte contre la pandémie – la grande majorité étant destinée à renflouer les grandes sociétés. Au niveau national, on n’a recensé que 28.000 cas de recherche de contacts le mois dernier, soit moins d’un dixième du nombre demandé par l’ancien directeur des Centres de contrôle et prévention des maladies (CDC), Tom Frieden.

«Au cours des sept derniers jours, les cas à l’échelle nationale ont diminué de 14 pour cent», s’est vanté Trump, mais cette baisse est due à la diminution des tests.

De plus, le mois dernier, le gouvernement a ordonné aux hôpitaux de contourner les CDC et d’envoyer toutes les données sur le COVID-19 à une base de données centralisée à Washington, ce qui fait craindre qu’on manipule les chiffres.

Nombreuses sont les informations faisant état de divergences dans les statistiques des États. La semaine dernière, l’État de Californie a révélé que plus de 300.000 dossiers médicaux n’avaient pas été traités, la plupart liés au COVID-19. Cela a conduit le principal responsable de la santé de l’État à démissionner.

Pour les travailleurs, il n’y a pas de tests systématiques, même s’ils sont forcés d’entrer dans des usines dangereuses. Ceux de l’automobile rapportent que les directions les laissent dans l’ignorance au sujet des multiplications de cas dans leurs usines ; les travailleurs dont le test est positif «disparaissent» tout simplement sans que leurs collègues en soient informés. Une déclaration du réseau des comités de sécurité de la base donne une idée de ce désastre:

Le travail est en train de devenir un film d’horreur quotidien. La semaine dernière, chez Ford Dearborn Truck, dans le Michigan, deux personnes sont tombées malades, on les a emmenées et les personnes en ligne ne savaient pas ce qui se passait. À l’usine Fiat Chrysler de Belvidere, dans l’Illinois, une personne a testé positif et la direction a également fait sortir les gens de la ligne en douce.

Dans ce contexte de pénurie de tests à l’échelle nationale, les responsables des deux partis poursuivent leurs efforts pour rouvrir les écoles. Cela ne manquera pas de provoquer une nouvelle escalade de la pandémie. Si c’est Trump qui dirige cette campagne, les gouverneurs des États des deux partis eux, la soutiennent. Le gouverneur de New York Andrew Cuomo, un Démocrate, a exigé ce mois-ci la réouverture des écoles dans tout l’État.

La chute des tests aux États-Unis s’inscrit dans la politique de «négligence maligne». Comme le «World Socialist Web Site» l’écrivait en mars, le gouvernement américain «prend la décision délibérée de minimiser sa réponse, d’adopter une attitude d’indifférence face à la propagation du virus».

Dès le début, l’establishment politique américain a considéré la pandémie comme un problème économique et non pas sanitaire. Fin mars, le Congrès a adopté, à la quasi-unanimité, la loi dite CARES, qui a sanctionné le renflouement de Wall Street par la Réserve fédérale, pour plusieurs milliers de milliards de dollars.

Une fois le plan de sauvetage adopté, l’establishment a exigé que les travailleurs reprennent le travail malgré que l’épidémie fît rage sur tous les lieux de travail. En outre, les États-Unis ne disposaient pas de l’infrastructure de test et de recherche des contacts nécessaire pour contenir la maladie. Comme l’avaient prédit les experts de la santé publique, cela a entraîné une résurgence majeure de la pandémie.

Aujourd’hui, cette campagne entre dans une nouvelle phase avec la réouverture des écoles, qui menace d’une nouvelle vague d’infections et met en danger la vie de milliers d’enseignants, d’élèves et de parents. Comme l’a averti l’épidémiologiste Michael T. Osterholm la semaine dernière, «les six prochains mois pourraient faire passer ce que nous avons vécu jusqu’à présent pour un simple échauffement en vue d’une plus grande catastrophe. Avec l’ouverture de nombreuses écoles et universités, la réouverture de magasins et des entreprises et le début de la saison de chauffage intérieur, le nombre de nouveaux cas va rapidement augmenter».

Les experts en santé publique sérieux sont unanimes sur la manière d’arrêter la pandémie: les entreprises non essentielles doivent être fermées, les tests et la recherche de contrats doivent être augmentés massivement et les travailleurs doivent disposer des ressources économiques nécessaires pour rester à l’écart des lieux de travail.

Mais toutes ces exigences élémentaires en matière de santé publique sont contraires aux prérogatives de la classe dirigeante, dont la seule préoccupation est de faire revenir les travailleurs dans les usines et sur les lieux de travail. S’ils meurent, ils peuvent être remplacés par d’autres qui ont désespérément besoin de travail. La classe capitaliste et les hommes politiques, les médias et la police qui la défend sont impitoyables dans leur défense de la priorité du profit sur les vies humaines.

Les milliers de milliards de dollars donnés aux super-riches doivent être récupérés. Les ressources doivent être mises à disposition pour les tests de masse et la recherche de contacts. Les médecins et les infirmières qui s’occupent des malades doivent recevoir tous des ÉPIS et toute autre protection nécessaires. Il faut aussi fournir une aide complète à ceux qui sont contraints à l’isolement et à la quarantaine. Les usines doivent être mobilisées pour fabriquer le matériel médical nécessaire dans le cadre d’un programme socialiste plus large, afin de répondre aux besoins essentiels des travailleurs en matière de soins de santé, de logement, d’éducation et d’emploi.

(Article paru d’abord en anglais le 11 août 2020)

Loading