En réponse aux provocations américaines, les responsables chinois appellent à une «coexistence pacifique»

Dans un discours liminaire le 24 juillet, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a essentiellement renversé près de 50 ans d'engagement des États-Unis avec la Chine et mis le cap pour une confrontation agressive avec Pékin. Il a dénoncé le Parti communiste chinois (PCC) en termes maccartistes et a appelé à la victoire du «monde libre» sur la «tyrannie». En rejetant la politique «d’endiguement», Pompeo a essentiellement rejeté la notion d'une nouvelle «guerre froide» au profit d'une guerre chaude: c'est-à-dire le glissement vers le conflit militaire.

Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi (Source: ministère chinois des Affaires étrangères)

Le discours démagogique de Pompeo a clairement suscité de profondes inquiétudes chez les dirigeants chinois. Il y a eu des réponses significatives du ministre des Affaires étrangères Wang Yi dans une longue interview avec l'agence de presse d'État Xinhua le 6 août et par l'ancien ministre des Affaires étrangères Yang Jiechi dans un long essai publié dans le Global Times le 7 août. Dans la hiérarchie du PCC, Yang est officiellement le plus haut responsable de la politique étrangère.

Les deux responsables appellent à la fin des tensions américano-chinoises, ainsi qu'au dialogue, à un engagement continu entre les deux pays et à une «coexistence pacifique», tout en soulignant les dangers d'une confrontation croissante. La «coexistence pacifique» était elle-même un terme de la guerre froide utilisé par l'Union soviétique qui collaborait avec l'impérialisme américain pour contenir les tensions, désamorcer les guerres et les conflits et éviter une autre guerre mondiale.

Wang a averti que les relations entre les pays étaient confrontées au «défi le plus grave depuis l'établissement des relations diplomatiques» dans les années 1970. Il a dit que la «cause profonde» résidait chez «certains politiciens américains qui sont partiaux et hostiles à la Chine» et qui diffament la Chine, ce qui relève d’un nouveau maccartisme. «En fin de compte, ils veulent entraîner la Chine et les États-Unis dans un conflit et une confrontation renouvelés et plonger à nouveau le monde dans le chaos et la division», a-t-il déclaré.

Wang a appelé les États-Unis à «cesser d'agir avec arrogance et préjugés» et à engager un dialogue constructif. Il a déclaré que la Chine était prête à reprendre les pourparlers avec les États-Unis «à n'importe quel niveau, dans n'importe quel domaine et à tout moment. Toutes les questions peuvent être considérées pour discussion.» Le message de conciliation n'était pas tant adressé au gouvernement Trump, mais aux démocrates, et plus largement aux alliés des États-Unis en Europe et en Asie, dans le but de faire baisser rapidement les tensions croissantes.

Cependant, les appels de la Chine à Washington tomberont probablement dans l'oreille d'un sourd. La cause profonde de la campagne téméraire des États-Unis contre la Chine ne réside pas dans l’attitude de tel ou tel politicien, mais représente la réponse de la classe dirigeante américaine à son déclin historique, maintenant accéléré par la pandémie de COVID-19. Le fait que la confrontation américaine avec la Chine ait été initiée par le gouvernement Obama et que le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden attaque Trump pour sa mollesse envers Pékin signifie que les sections dominantes de la classe dirigeante américaine considèrent la Chine comme la principale menace à la domination mondiale des États-Unis.

De plus, Pompeo mène une campagne concertée, surtout en Europe, pour aligner les alliés américains dans la campagne de guerre contre la Chine. La semaine dernière, il a fait la troisième de trois incursions dans les forums européens en deux mois, s'adressant au parlement tchèque dans un discours axé sur la Chine, qu'il a qualifiée de plus grande menace que la Russie et dénoncée pour ses «campagnes de coercition et de contrôle». Faisant directement appel à l'anticommunisme, Pompeo a appelé les politiciens réunis à soutenir la campagne punitive de Washington de sanctions et de pénalités économiques contre Pékin.

Dans son interview à Xinhua, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang, tout en appelant au dialogue, a néanmoins précisé que Pékin ne ferait pas de compromis sur ce qu'il considérait comme des «questions fondamentales» - y compris la souveraineté chinoise au Tibet, au Xinjiang, à Hong Kong et à Taiwan, qui sont de nouveau l’objet de campagnes cyniques à tout-va des États-Unis pour «les droits de l’homme».

Wang a également souligné l'hypocrisie totale des allégations non fondées d'espionnage du gouvernement Trump, y compris par des géants chinois de la technologie tels que Huawei. Tournant en dérision les appels américains à une coalition de «pays propres» qui excluent la technologie chinoise, il a souligné les révélations du lanceur d'alerte Edward Snowden sur l'espionnage américain à l'échelle internationale. Contrairement à la Chine, a-t-il déclaré, «les États-Unis sont derrière des scandales tels que PRISM et ECHELON. Ils effectuent des écoutes téléphoniques et une surveillance de masse dans le monde entier, et ces actes injustifiés sont déjà un secret de polichinelle ».

Dans son long essai, le haut responsable des Affaires étrangères chinois, Yang Jiechi, a également souligné l'accélération de la crise mondiale, écrivant que «le changement majeur qui se produisait une fois dans un siècle dans le paysage mondial s'accélère. L'instabilité et les incertitudes de la situation internationale augmentent considérablement».

Yang a longuement passé en revue le développement des relations américano-chinoises depuis la visite historique du président américain Richard Nixon en Chine en 1972, qui avait établi une alliance de facto contre l'Union soviétique. Il a souligné les avantages pour les États-Unis qui découlaient de cette relation, économiquement, à mesure que la direction du PCC se tournait vers la restauration capitaliste et s'ouvrait aux investissements étrangers et, sur la scène mondiale, faisait avancer les intérêts américains, comme en témoigne la pression sur la Corée du Nord.

En même temps, Yang a répété les critiques quelque peu feutrées de «certains hommes politiques américains» qui «par arrogance et ignorance, ont agi en violation de la Charte des Nations Unies et des normes fondamentales régissant les relations internationales, et se sont volontairement et manifestement ingérés dans les affaires intérieures d’autres pays». Il a déclaré que les tentatives de creuser un fossé entre le PCC et le peuple chinois étaient «vouées à l'échec» – reflétant sans aucun doute une sensibilité des dirigeants chinois aux tensions sociales croissantes dans le pays.

Les réponses des deux hauts responsables chinois des Affaires étrangères signifient un ton un peu plus conciliant de Pékin. Si le président Xi Jinping n'a pas répondu à la campagne anti-Chine de Washington avec le même degré de vitriol que les responsables de Trump, il a néanmoins réagi aux mesures punitives américaines par une réciprocité. Aux États-Unis, cela a provoqué des dénonciations de «l'agression» et de «l'expansionnisme» chinois.

Au sein des cercles dirigeants chinois, Xi a été critiqué pour ne pas avoir désamorcé les tensions avec Washington et pris des mesures pour mettre fin à la guerre commerciale entre les deux pays. Dans la perspective d'une villégiature annuelle en bord de mer des principaux dirigeants chinois et des «caciques du parti» à Beidaihe, certains articles de presse ont émis l'hypothèse que Xi se verrait sous pression même s’il a supprimé les limites de son mandat et que ses partisans dominent les instances du parti. La villégiature «secrète» de deux semaines vient de se terminer. Comme d'habitude, aucun commentaire ou déclaration officiel n'a été publié.

Néanmoins, peut-être pour apaiser les critiques internes de Xi, la réponse chinoise au discours de Pompeo et à la poursuite des mesures punitives contre les entreprises chinoises a été plutôt discrète. Xu Qinduo, un commentateur de la China Radio International, dirigée par l'État, a été cité dans le New York Times comme disant: «Il y a une approche selon laquelle nous ne devrions pas laisser le nationalisme ou une attitude impétueuse prendre le dessus sur notre politique étrangère. Une rhétorique dure ne doit pas remplacer la diplomatie rationnelle.»

Le New York Times anoté la semaine dernière que d'autres hauts responsables chinois avaient également réitéré l'appel au dialogue, notamment Cui Tiankai, l'ambassadeur aux États-Unis. Le haut diplomate chinois avait accusé les politiciens américains de mentir pour salir la Chine, mais avait également appelé à prendre des mesures pour éviter que les relations ne «dégénèrent» au cours des prochains mois.

La direction du PCC n'a pas de réponse progressiste à la marche vers la guerre des États-Unis. Des appels à l'impérialisme américain qui s'avéreront rapidement vains vont de pair avec une course aux armements avec Washington qui ne peut se terminer qu'en désastre pour l'humanité. Loin d'être socialiste ou communiste, le PCC représente les intérêts d'une minuscule couche ultra-riche et est incapable de faire appel à la classe ouvrière, que ce soit au niveau national ou international. Confronté à une crise sociale croissante au niveau national, le régime utilise des mesures d’État policier pour réprimer toute opposition.

En même temps, le gouvernement Trump poursuit ses provocations anti-chinoises pratiquement quotidiennement. La semaine dernière, le département d'État a annoncé qu'il classait le siège américain des Instituts Confucius – les organisations éducatives et culturelles du gouvernement chinois – comme une «mission étrangère», l'obligeant ainsi à déclarer ses biens et son personnel. Déjà, un certain nombre d'organisations médiatiques chinoises aux États-Unis ont été qualifiées de «missions étrangères», ce qui limite leurs opérations.

(Article paru en anglais le 18 août 2020)

Loading