Des millions de personnes rejettent l'appel du gouvernement britannique à reprendre le travail alors que les cas de COVID-19 se multiplient

Le gouvernement Johnson intensifie sa campagne de réouverture de l'économie malgré les preuves croissantes des dangers de l'infection et face à une opposition populaire grandissante.

Sa réponse à la pandémie a été motivée dès le premier jour par une politique malveillante «d'immunité collective» et par l'indifférence à la mort de dizaines de milliers de personnes.

Après que le gouvernement a abandonné toutes les mesures de confinement national à partir du 4 juillet, les infections à coronavirus ont augmenté dans de nombreuses zones densément peuplées. Le nombre de nouveaux cas était en moyenne de plus de 1000 par jour pendant la majeure partie du mois d'août. Au cours de la première semaine de septembre, les augmentations se situent officiellement déjà à 2000 par jour. L'analyse du King's College de Londres - utilisant des données provenant de quatre millions d'utilisateurs d'applications - montre que ce taux a déjà été atteint - une augmentation par rapport aux 1 300 cas par jour enregistrés la semaine dernière.

De nombreux employés de bureau refusent de risquer leur propre vie et celle de leur famille en retournant dans des lieux de travail dangereux. Au début du mois dernier, une enquête de Morgan Stanley a révélé que seulement 34 pour cent des employés de bureau britanniques avaient repris le travail. À Londres, ce chiffre est tombé à 29 pour cent. La semaine passée a vu passer ce chiffre seulement à 37 pour cent. Cela se compare au retour de plus des trois quarts des salariés en Allemagne, en Italie et en Espagne, et 84 pour cent en France.

Une enquête menée par des universitaires des universités de Cardiff et de Southampton a révélé que 90 pour cent des personnes interrogées aimeraient continuer le télétravail «dans une certaine mesure». Un sondage YouGov la semaine dernière a demandé si les entreprises, dont le personnel travaillait à domicile, devraient encourager leur retour au bureau. Seulement 31 pour cent pensaient qu'ils devraient le faire.

La semaine dernière, Transport for London (TfL) a signalé une augmentation de 17,2 pour cent du nombre de passagers du métro par rapport à la semaine précédente, mais c'était près de 30 pour cent de moins qu'à la même période l'an dernier. TfL a signalé une augmentation de 22,2 pour cent des trajets en bus la semaine précédente, en baisse de 54,3 pour cent par rapport à la même période l'an dernier. Les chiffres fournis par les exploitants ferroviaires privés révèlent que mardi dernier, il y avait trois millions de passagers de moins par rapport au jour équivalent en 2019.

La une du Daily Mail : «Ceux-ci sont de retour au travail… alors où se trouve les autres britanniques?»

En colère, le Daily Mail afait la une de mercredi avec une photo d'enfants retournant à l'école, à côté d'une photo ci-dessous d'une gare ferroviaire de Paddington presque vide à Londres. Son titre s’exclame: «Alors que des milliers d'enfants retournent à l'école, les trains, les routes et les bureaux sont vides: CEUX-CI SONT DE RETOUR AU TRAVAIL... ALORS OU SE TROUVENT LES AUTRES BRITANNIQUES»

Dans un billet du Daily Mail, Carolyn Fairbairn, directrice générale de la Confédération de l'industrie britannique (CBI), a précisé que la volonté de rouvrir les écoles «est une première étape vitale pour permettre aux parents de retourner au travail… elles doivent rester ouvertes autant que possible.» Le résultat de cette politique criminelle alimentera lui-même l'augmentation des infections, avec 10,3 millions d'élèves et 1,5 million d'enseignants et de personnel scolaire retournant en classe à partir de mardi, soit près de 18 pour cent de la population totale du Royaume-Uni.

Dès vendredi, des foyers d'épidémie avaient été signalés dans 100 écoles britanniques. Il y a eu 73 foyers dans les écoles écossaises, qui ont été rouvertes le 11 août par le gouvernement du Parti national écossais. En Irlande du Nord, il y a eu 15 foyers et au Pays de Galles un foyer. Même si les écoles anglaises n'étaient ouvertes que depuis deux jours, jeudi dernier, 5 foyers ont été enregistrés et vendredi 11 écoles signalaient des infections - plus d'un double en une seule journée.

De nombreux élèves utiliseront les bus et d'autres formes de transports en commun, alors que Transport for London déclare déjà que les mesures visant à limiter le nombre de passagers ne s’appliquent pas aux services scolaires, qui, eux, peuvent fonctionner à pleine régime.

Beaucoup des nouveaux cas de virus sont en rapport avec les voyages internationaux, comme les sept cas confirmés sur un vol touristique de la Grèce au Pays de Galles la semaine dernière. La semaine passée, l'Écosse et le Pays de Galles ont exigé que les arrivées du Portugal et de certaines parties de la Grèce s'auto-isolent, contrairement à l'Angleterre et à l'Irlande du Nord. Ceci malgré le taux d'infection sur sept jours au Portugal passant de 15,3 à 23 pour 100 000 personnes - au-dessus du seuil de 20 où une quarantaine est censée être appliquée.

Les conservateurs et leurs homologues en Écosse et au Pays de Galles ont imposé pendant des semaines des confinements locaux - décrits de manière idiote par le Premier ministre Johnson comme «un jeu de la taupe» [jeu d'arcade dont le nom est devenu synonyme de tâche répétitive et futile, ndt]. Celles-là ont été mises en place par le gouvernement, une politique de rechange car le gouvernement insistait sur le fait qu'il n'accepterait en aucun cas de nouveaux confinements nationaux, c'est une stratégie dépourvue des tests et dépistages adéquats et nécessaires pour lutter contre le virus.

Imposés au hasard, avec des règles contradictoires, ces «confinements» n'ont pratiquement pas eu d'effet pour estomper la propagation de la maladie. Des confinements ont été mis en place en vertu desquels deux ménages différents ne sont pas autorisés à se rassembler dans un même foyer, mais les mêmes ménages peuvent aller au café ensemble ou se déplacer librement vers un endroit à quelques kilomètres de là où les règles de confinement ne s'appliquent pas, pour faire ce qu’il leur plaît. Les résidents peuvent aussi partir en vacances à l'étranger à condition d'éviter de partager des chambres d'hôtel avec des personnes qui ne font pas partie du même ménage!

L'absurdité de l'ensemble du système est constatée dans les cas de Bolton et Trafford dans le Grand Manchester. Le Grand Manchester, qui compte une population de près de trois millions d'habitants dans deux grandes villes et huit autres villes, a été mis sous cloche à la fin du mois de juillet, ainsi que de grandes parties de l'est du Lancashire et du West Yorkshire.

Le mardi soir dernier, les populations de Bolton et de Trafford (plus de 430.000 au total) se sont couchées dans les conditions d'un confinement. Quelques heures plus tard, les mesures de confinement dans les villes devaient être levées. Mais mercredi après-midi, le secrétaire à la Santé, Matt Hancock, a été contraint de maintenir les restrictions en place après avoir «examiné les dernières données» montrant que «les taux d'infection augmentaient plus de 3 fois à Bolton en moins d'une semaine et doublaient à Trafford depuis le dernier examen des données.»

Après avoir été confiné localement pendant plus de quatre semaines, il a été révélé mercredi que Bolton avait le taux d'infection le plus élevé d'Angleterre, avec un taux de 76,5 pour 100.000 personnes au cours de la semaine se terminant le 31 août. Au cours des sept derniers jours, 220 nouveaux cas de COVID-19 ont été enregistrés à Bolton - un pic de 340 pour cent par rapport à la semaine précédente.

La montée du taux d'infection pourrait voir des millions de personnes supplémentaires - sur une zone encore plus grande du nord de l'Angleterre, avec une population touchée plus importante que celle de l'Écosse et du Pays de Galles - placées sous confinement local.

De grandes parties du nord-est de l'Angleterre, y compris le County Durham, notamment Darlington, Teesside, South Teesside et North Yorkshire, ont été ajoutées à la carte des «points chauds» de Public Health England après une résurgence du taux d'infection.

Leeds, l'une des plus grandes villes du pays, dans le West Yorkshire, a été classée cette semaine comme une «zone de préoccupation» et proche du confinement après une augmentation de 29,4 infections pour 100.000 personnes. Plus de 40 cas ont été identifiés mercredi. La semaine dernière, l'infection de 20 employés dans un entrepôt de distribution de la chaîne de boulangerie Greggs à Leeds a forcé sa fermeture.

Le gouvernement ne peut faire avancer son programme en faveur du grand patronat que grâce à la collusion du Parti travailliste et des syndicats. Mercredi, le dirigeant travailliste Sir Keir Starmer a rappelé à Johnson que, alors que le gouvernement se préparait à ouvrir des écoles, il lui avait envoyé «une lettre privée et confidentielle proposant d'aider à essayer de faire avancer les choses d'une manière qui garantirait le consensus et la confiance…» avant de se plaindre «et je n'ai même pas eu de réponse».

Les travailleurs doivent faire valoir leurs propres intérêts et s'opposer au programme meurtrier de la classe dirigeante. Ce qu'il faut, c'est la création de comités de sécurité de la base dans chaque lieu de travail et école, associant la lutte pour la sécurité au travail à la transformation de la société à partir d’une base socialiste.

(Article paru en anglais le 5 septembre 2020)

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