De passage au Minnesota, Biden tente de donner des airs «pro-travailleurs» à sa campagne de droite

Lors d'une rencontre télévisée sur CNN jeudi soir et d'un discours vendredi dans le Minnesota, le candidat démocrate à la présidence, Joe Biden, a voulu donner des airs «pro-travailleurs» à sa campagne électorale de droite.

De nombreux sondages montrent que l'avance de Biden dans les États contesté du Midwest est en train de s'effriter et les déclarations d'inquiétude se multiplient au sein du Parti démocrate concernant le manque d'enthousiasme des travailleurs et des jeunes pour le sénateur de longue date et ancien vice-président. Dans ces conditions, Biden accentue ses tentatives ridicules de se promouvoir comme un «travailleur ordinaire» d’une ville «pauvre» comme Scranton, en Pennsylvanie, en opposition au milliardaire Donald Trump.

Biden ne propose aucune réforme sociale significative pour aller de pair avec sa démagogie pseudo-populiste, s'abstenant même d'exiger le rétablissement de l'allocation fédérale de chômage de 600 dollars par semaine au milieu de la pire crise de l'emploi depuis la Grande Dépression. Les démocrates et les républicains au Congrès ont laissé cette allocation expirer à la fin du mois de juillet, menaçant des millions de travailleurs de se retrouver dans la misère, affamés et sans-abris. Biden ne s'oppose pas non plus à la campagne meurtrière de retour au travail et à l'école menée par Trump, à la demande de Wall Street, en pleine pandémie.

Le contenu réel de la défense supposée des travailleurs par Biden est le nationalisme économique, la promotion des syndicats pro-entreprises, l'agitation anti-chinoise et anti-russe et la glorification de l'armée américaine. Tous ces thèmes ont été révélés lors des événements de sa campagne cette semaine.

Jeudi soir, Biden a répondu aux questions des démocrates et des républicains lors d'un événement télévisé organisé près de Scranton animé par Anderson Cooper de CNN. Dans un effort pour souligner ses racines plébéiennes, il a critiqué un journaliste anonyme qui a fait remarquer que s'il était élu, Biden deviendrait le premier président depuis de nombreuses années à ne pas avoir de diplôme universitaire de l'Ivy League.

«Qui vous fait croire que je dois avoir un diplôme de l'Ivy League pour devenir président?» a demandé Biden, qui est diplômé de l'Université du Delaware et a obtenu son diplôme en droit à l'Université de Syracuse. (Biden a omis de mentionner qu'il a fréquenté l'Archmere Academy, une école préparatoire privée d'élite à Claymont, dans le Delaware).

Il a ensuite abordé un thème qu'il a développé dans son discours de vendredi à Hermantown, ville de l’Iron Range du Minnesota. «Je considère vraiment cette campagne comme une campagne entre Scranton et Park Avenue», a-t-il déclaré. «Tout ce à quoi [Trump] pense, c'est le marché boursier.»

Au cours de la rencontre télévisé, il a répété ce qui est devenu une partie de son discours habituelle de bas: une dénonciation de Trump pour avoir prétendument traité les soldats américains tués au combat de «nuls» et de «perdants».

Il a évité de répondre directement à une question directe qui lui demandait s'il soutenait le soi-disant «Nouvel Accord vert» («Green New Deal»), qui est promu par l'aile «progressiste» Bernie Sanders du Parti démocrate. Mais il a clairement fait part de sa servilité aux intérêts des sociétés pétrolières et énergétiques lorsqu'il a déclaré qu'il n'interdirait pas la fracturation.

Il a largement mis l’accent sur son soutien à l'élargissement du crédit d'impôt pour enfants, offrant 3000 dollars par enfant et par an à toutes les familles sauf les plus riches. Cette mesure dérisoire ne ferait pas grand-chose pour inverser la baisse du niveau de vie de la classe ouvrière et la concentration toujours croissante des richesses au sommet de l'échelle des revenus. En tout cas, comme Biden le sait bien, elle n'aurait pratiquement aucune chance d'être adoptée dans une administration Biden.

Biden a répété ces thèmes dans son discours du vendredi dans le nord du Minnesota. Ils ont toutefois été accompagnés par une forte dose de nationalisme économique «Made in America» destinée à surpasser le protectionnisme de «l’Amérique d’abord» de Trump. Comme dans son discours de la semaine dernière devant des bureaucrates réunis dans une salle du syndicat des Travailleurs unis de l'automobile à Warren, au Michigan, Biden a pris la parole après avoir visité un programme de formation d'apprentis dans un établissement de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers.

Hermantown est située dans une région qui a voté pour Trump en 2016, en grande partie à cause des pertes d'emplois massives dans l’Iron Range sous l'administration Obama-Biden. Chaque fois que le Parti démocrate cherche à faire appel aux travailleurs, cela prend inévitablement la forme d'un nationalisme économique, d'un chauvinisme national et d'un anticommunisme implicite ou ouvert. Tout cela a été mis en évidence vendredi.

En présentant Biden, la sénatrice du Minnesota Any Klobuchar a déclaré: «Nous avons besoin d’«acheter américain»». Elle a vanté l'administration Obama-Biden d’avoir «fait quelque chose au sujet du dumping de l'acier chinois».

Jouant la carte du populisme, Biden a mis en contraste le sort des travailleurs licenciés qui luttent pour payer leur hypothèque ou leur loyer avec celui des «gens au sommet». Il a déclaré: «Les milliardaires aux États-Unis ont gagné 300 milliards de dollars supplémentaires pendant la pandémie. Vous avez bien entendu! En pleine pandémie. On se demande qui a à coeur le sort des gens ordinaires».

Ce qu'il a omis de mentionner est le fait que les démocrates du Congrès ont voté à la quasi-unanimité pour le CARES Act de l'administration Trump, qui a fourni des billions de dollars aux entreprises et aux banques dans le cadre du plus grand renflouement de l'histoire mondiale, rendant possible l'explosion de la bourse qui a fait passer des centaines de milliards dans les poches des milliardaires. Ce pillage de la société se poursuit sous la forme de l'impression de monnaie de la Réserve fédérale, tandis que les mesures de secours déjà insuffisantes pour les travailleurs et les petites entreprises prennent fin.

Biden a ensuite recyclé sa formule Scranton contre Wall Street, en l'amendant pour dire: «Je considère cette campagne comme étant entre Scranton et Park Avenue. Tout ce que Trump voit depuis Park Avenue, c'est Wall Street. C'est pourquoi la seule mesure de la prospérité américaine pour lui est la valeur du Dow Jones.»

Il a ensuite attaqué Trump pour avoir dénigré des soldats, et a ajouté à cela le dénigrement de John McCain, le pilote de la guerre du Vietnam et prisonnier de guerre décédé devenu belliciste du Sénat. Se vantant de son amitié avec McCain, Biden a déclaré: «John McCain n'était pas un «nul» ou un «perdant», c'était un héros de guerre».

En présentant son plan «Acheter américain, Construire américain», il a déclaré: «Lorsque le gouvernement dépense l'argent des contribuables, nous devrions utiliser cet argent pour acheter des produits américains, fabriqués par des travailleurs américains, dans les chaînes d'approvisionnement américaines afin de générer une croissance américaine. Mon plan renforcerait la règle pour faire du «Acheter américain» une réalité».

Ce serait le cœur, a expliqué Biden, de sa politique visant à «récompenser le travail et non la richesse». À quoi il s'est empressé d'ajouter: «Je ne cherche pas à punir qui que ce soit... pas pour pénaliser la richesse, mais pour s'assurer que les riches et les grandes entreprises commencent enfin à payer leur juste part.»

En d'autres termes, Biden ne fera rien qui remette en cause les intérêts fondamentaux de profit de l'oligarchie financière des entreprises, dont la véritable «part équitable» à payer serait de 100 %, puisque c'est la classe ouvrière, et non les exploiteurs capitalistes, qui produit toute la richesse de la société.

La seule proposition de réforme substantielle de Biden était un programme d'infrastructure de 400 milliards de dollars, lui-même tout à fait inadéquat pour inverser le déclin de l'infrastructure sociale américaine et remédier au manque d'emplois décents et sûrs. Une toute petite fraction des billions remis aux grandes entreprises, qui ne serait, de toute façon, jamais mis en œuvre.

Malgré sa rhétorique pseudo-populiste, la campagne de Biden continue de virer vers la droite depuis les congrès du parti en août et le début officiel de la campagne d'automne le jour de la fête du Travail.

Au début du mois, Biden a déclaré à Stars and Stripes qu'il maintiendrait indéfiniment les troupes américaines en Afghanistan, en Irak et en Syrie et qu'il augmenterait probablement le budget militaire; il a utilisé une interview sur CNN pour attaquer Trump pour avoir manqué à la «sécurité nationale» américaine et manqué de respect envers l'armée; et il a prononcé un discours à Pittsburgh suivi d'une annonce de campagne dans laquelle il dénonçait les manifestants «violents» et demandait qu'ils soient poursuivis au pénal.

Lors des deux événements de cette semaine, Biden a poursuivi sa politique consistant à ne pratiquement rien dire des menaces de Trump de s'accrocher au pouvoir, quel que soit le résultat du vote du 3 novembre et de déclarer la loi martiale et de mobiliser des troupes pour réprimer les manifestations après le jour de l'élection.

Il n'a pas non plus mentionné la défense par Trump des meurtres de manifestants contre la violence policière et fasciste dans l'État de Washington et à Kenosha, au Wisconsin; l'appel du procureur général Williams Barr pour que les manifestants, ainsi que le maire démocrate de Seattle, soient accusés de sédition; et l'appel du secrétaire adjoint aux affaires publiques du département de la Santé et des services sociaux de Trump, Michael Caputo, pour que les partisans de Trump s'arment en vue de l'élection.

Biden a fait référence aux manœuvres dictatoriales de Trump lors d'un arrêt de campagne en Floride mardi, principalement pour souligner ses références anticommunistes. Il a comparé Trump à Fidel Castro en tant qu’aspirant dirigeant autoritaire dans le but de faire appel au sentiment d'extrême droite anti-Castro dans le sud de la Floride.

Pendant ce temps, la publicité en langue espagnole de la campagne de Biden en Floride a frappé une note ouvertement anticommuniste, présentant Trump comme «laxiste» envers le Russe Vladimir Poutine, le Chinois Xi Jinping et Nicolas Maduro du Venezuela.

(Article paru en anglais le 19 septembre 2020)

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