Perspectives

Alors que le nombre de décès liés au COVID-19 approche le million

L'OMS condamne l'incapacité des gouvernements à se préparer à une pandémie

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport la semaine dernière qui montre clairement qu’elle et d’autres organismes ont averti les gouvernements du monde entier pendant des années du danger d’une pandémie mondiale présentant les caractéristiques exactes de COVID-19. Ces derniers n’ont pratiquement rien fait pour se préparer ou travailler à la prévention d’une telle épidémie.

Le rapport a été publié par le Conseil de surveillance de préparation mondiale, une organisation gérée conjointement par l’OMS et la Banque mondiale pour surveiller la préparation internationale à la lutte contre les épidémies massives de maladies infectieuses. Il déclare d’emblée: «Jamais auparavant le monde n’a été aussi clairement averti des dangers d’une pandémie dévastatrice. Ni n’a-t-il disposé auparavant d’autant de connaissances, de ressources et de technologies nécessaires pour faire face à une telle menace. Pourtant, jamais auparavant le monde n’a été témoin d’une pandémie à l’impact social et économique aussi étendu et destructeur».

De tels avertissements ont été lancés par l’OMS elle-même. Dans le rapport «Un monde en danger» de l’année dernière, elle a clairement montré que la menace d’une «pandémie à propagation rapide due à un agent pathogène respiratoire mortel» pouvait tuer des millions de personnes et faire des ravages économiques. Les États-Unis et toutes les autres grandes puissances ont ignoré ces avertissements.

La conséquence en est une catastrophe mondiale sans précédent depuis les guerres mondiales du siècle dernier. D’ici la fin de cette semaine, un million de vies humaines aura été perdu à cause de la pandémie, un nombre qui devrait doubler d’ici le début de 2021. Des millions d’autres personnes souffriront de problèmes de santé à long terme causés par la maladie. Des centaines de millions de gens ont déjà vu leur vie brisée par la perte d’un emploi et la mort de collègues, de voisins, d’amis et de membres de leur famille.

Non seulement a-t-on ignoré les avertissements de l’OMS à maintes reprises, mais la pandémie, note le rapport, «a démontré la fragilité d’économies et de systèmes sociaux fortement interconnectés, et la fragilité de la confiance». Le document ajoute: «Elle a exploité et exacerbé les fissures au sein des sociétés et entre les nations. Elle a exploité les inégalités, nous rappelant sans ambiguïté qu’on ne peut avoir de sécurité sanitaire sans sécurité sociale. COVID-19 a profité d’un monde en désordre».

Plus précisément, l’impact catastrophique de COVID-19 est le produit d’un «monde en désordre». Le rapport indique que la pandémie «a contribué à une augmentation du populisme, du nationalisme et de l’autoritarisme» dans les pays du monde entier. La pandémie a également «alimenté la confrontation politique» et «exacerbé les vulnérabilités» liées à des inégalités sociales sans précédent.

En d’autres termes, la pandémie a mis en évidence la contradiction entre la nature hautement intégrée de la société moderne et le système d’État-nation dépassé et irrationnel du capitalisme.

Par conséquent, on n’a jamais mis à disposition les ressources nécessaires pour lutter contre les pandémies. Selon les données du document, les gouvernements du monde entier auraient dû ne dépenser que 5 dollars supplémentaires par personne et par an, soit un total mondial de moins de 40 milliards de dollars par an, pour se préparer correctement à une pandémie. À ce jour, le coût de la réponse à la pandémie s’élève à onze mille milliards de dollars et plus. On s’attend à ce que dix mille milliards de dollars supplémentaires soient perdus «en raison des fermetures d’écoles et d’une récession mondiale». C’est surtout la jeune génération qui en sentira le plus fort l’impact.

Le rapport décrit également les effets secondaires mortels de la pandémie. «On a suspendu les campagnes de vaccination dans le monde entier. Cela menace l’éradication de la polio et peut conduire à de nouvelles épidémies de maladies évitables, avec leurs propres décès, maladies et effets à long terme. L’accès interrompu aux soins pour le VIH, la tuberculose et le paludisme menace de causer plus d’un million de décès supplémentaires rien qu’en 2020-2021».

Des projections similaires estiment que 1,2 million d’enfants et 56.700 mères de plus vont probablement mourir dans le monde entier au cours des six prochains mois en raison de l’interruption des soins de maternité et de l’approvisionnement alimentaire.

Et il n’y a pas de fin en vue. Plus de sept millions de personnes ont contracté le virus rien qu’aux États-Unis, où 204.000 sont mortes. Le nombre de nouveaux cas en Espagne, en France et aux Pays-Bas — des pays qui avaient largement contenu la pandémie en mai, juin et une partie du mois de juillet — a atteint des niveaux égaux ou supérieurs à ceux de mai ou avril. Même l’Italie, l’épicentre mondial de la pandémie au début du printemps, connaît une résurgence des infections, avec près de 1.500 nouveaux cas signalés chaque jour. Les cas et les décès en Inde, au Brésil et au Mexique continuent de monter en flèche.

La nouvelle éruption de la pandémie en Europe est directement liée à la levée des restrictions de distanciation sociale et à la réouverture des industries non essentielles et des écoles ; comme le prévoyaient les scientifiques et les experts médicaux qui avaient mis en garde contre elle.

Toutefois, le fait que tant de morts et de souffrances continuent de se produire ne peut être simplement imputé à un manque de «bonne gouvernance», comme le rapport le laisse entendre. Chaque gouvernement capitaliste poursuit — implicitement et de plus en plus explicitement — une politique d’«immunité collective», c’est-à-dire de laisser délibérément le virus infecter la population, quel qu’en soit le coût en vies humaines.

Le fait que cette politique meurtrière soit commune à tous les grands gouvernements du monde fait mentir les tentatives d’attribuer la réponse criminelle et incompétente à la pandémie aux traits subjectifs de dirigeants individuels comme Donald Trump. Lui et d’autres dirigeants fascistes, tels que Modi en Inde et Bolsonaro au Brésil, incarnent très ouvertement le caractère criminel des oligarchies financières qui dirigent le monde. Leur accession au pouvoir est la manifestation de la descente du capitalisme comme système mondial vers la barbarie et la guerre.

Les politiques rationnelles, humaines et scientifiques, les ressources financières et la coordination internationale nécessaires pour contenir et éradiquer le virus vont à l’encontre des intérêts économiques des milliardaires qui dictent la politique des gouvernements. Dès le début, ils ont agi pour protéger et développer leurs portefeuilles d’actions, en mobilisant des billions de dollars pour le renflouement des entreprises, au prix potentiel de millions de vies.

«Pour surmonter la crise sanitaire, nous devons apprendre à vivre avec le virus.», a tweeté le président français Emmanuel Macron le mois dernier. «Il est probable que pratiquement tous les enfants, d’une manière ou d’une autre, contracteront le coronavirus», a déclaré le premier ministre de la région de Madrid, en Espagne, mercredi dernier — ceci dans un pays qui a vu ses infections quotidiennes passer de 300 en juin à 30.000 dimanche.

Le président Donald Trump a été très explicite lorsqu’il a déclaré lors d’un événement télévisé dans une mairie la semaine dernière, «vous allez développer une mentalité de troupeau», se rattrapant avant de dire «immunité de troupeau». Il a poursuivi: «Comme une mentalité de troupeau. Cela va être — cela va être développé au niveau du troupeau, et c’est ce qui va se passer.» En conséquence, a-t-il dit, la pandémie allait «disparaître».

Même selon les estimations les plus prudentes, une telle politique conduira finalement dans les années à venir à plus de 23 millions de morts dans le monde dus au COVID-19. Des projections plus pessimistes avertissent que jusqu’à 71 millions de personnes devront mourir pour que l’«immunité collective» au coronavirus se développe dans la population mondiale. Et cela ne tient pas compte de la réinfection, qu’on a déjà documenté.

Tous les efforts doivent être faits pour éviter un tel scénario apocalyptique. Avant tout, le facteur décisif sera, comme l'affirme l'Organisation mondiale de la santé, «le leadership politique». Non pas, cependant, la direction politique des gouvernements capitalistes, mais bien plutôt la direction politique de la classe ouvrière.

La classe ouvrière doit être claire sur le fait qu’il ne s’agit pas de faire appel aux gouvernements et aux institutions financières qui étaient avertis et ont quand même permis à la pandémie de se produire.

L'échec catastrophique à contenir la pandémie est le résultat d'un système social qui donne la priorité au profit privé sur la vie humaine. Les 40 milliards de dollars par an nécessaires pour prévenir une pandémie ont été jugés trop coûteux, alors même que les budgets militaires et les plans de renflouement des entreprises ont explosé partout dans le monde.

Les travailleurs doivent exiger la mobilisation de toutes les ressources matérielles et scientifiques nécessaires pour localiser et éradiquer la maladie. Cela nécessite une lutte contre l’ensemble du cadre capitaliste.

L’opposition croissante des travailleurs à la campagne meurtrière de retour au travail s’est exprimée dans les grèves et mouvements de protestation des enseignants, des travailleurs de l’automobile, des chauffeurs de bus et de nombreuses autres sections de la classe ouvrière à l’international. Ce mouvement doit être transformé en un mouvement politique indépendant, ayant une conscience de classe, de travailleurs de tous les pays, luttant pour mettre fin au capitalisme et établir le socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 21 septembre 2020)

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