L’Ordre des Médecins en France dénonce l’inaction officielle sur la pandémie

Hier, dans une entrevue accordé au Journal du dimanche, Patrick Brouet, le président de l’Ordre des Médecins, a attaqué l’inaction officielle face à la résurgence de Covid-19 en France. Cette inaction politiquement criminelle, décidée par le chef de l’État, prépare un nouveau pic de mortalité, dépassant celui du printemps, qui déborderait le système médical.

Selon Brouet, «si rien ne change, dans trois à quatre semaines, la France va devoir affronter pendant plusieurs longs mois d’automne et d’hiver une épidémie généralisée sur tout son territoire, sans base arrière dans laquelle puiser des renforts humains, avec un système de santé incapable de répondre à toutes les sollicitations.»

La semaine passée, les admissions en réanimation ont augmenté de 40 pour cent, les hospitalisations de 34 pour cent et les décès de 25 pour cent, avec 332 morts en hôpital ou en Ehpad. Le JDD cite les calculs concordants de sept scientifiques: «Sans mesure forte pour lutter contre l’épidémie, le nombre de patients admis chaque jour en réanimation dans un mois sera d’environ 650, équivalent à celui que nous avons connu au maximum de la première vague, et dépassera 1.200 mi-novembre.»

Ces calculs renforcent ceux annoncés par Londres sur l’accélération alarmante de la pandémie. Selon le Bureau national de statistiques britannique, le nombre de cas double toutes les semaines, ce qui ferait environ 50.000 cas par jour à la mi-octobre et donc des centaines de morts par jour deux semaines après. Lors du premier pic au printemps, il n’a fallu qu’une semaine pour que le nombre de morts en Grande-Bretagne passe de 200 à 1.000 par jour.

Le second pic en France sera encore plus difficile à gérer que le premier, qui était concentré dans le Grand Est, l’Île-de-France et les Hauts-de-France, car le virus est à présent diffusé à travers toute la France. En plus, dit Brouet, à l’automne «il va falloir affronter le Covid en prenant en charge tous les malades ainsi que les personnes âgées atteintes de grippe, les enfants touchés par la gastro.»

Seule une politique permettant à toute la population hormis les travailleurs essentiels de s’abriter à domicile empêchera une résurgence généralisée et dévastatrice de Covid-19. Afin de stopper un effondrement de l’économie, une telle politique comporterait nécessairement un soutien financier aux travailleurs et aux petits entrepreneurs pour leur fournir leurs revenus pendant la période d’inactivité qui serait imposée.

Selon un sondage Ifop ce week-end, 61 pour cent des Français seraient favorables à une telle politique de télétravail généralisé pour tous sauf les travailleurs essentiels. 72 pour cent soutiennent un confinement de 15 jours, et 83 pour cent acceptent de limiter leurs sorties. Ce n’est pas en fait une opposition des Français, souvent alléguée par la presse et les médias télévisés, qui empêche l’adoption d’une stratégie scientifique pour lutter contre le virus.

C’est l’exigence des marchés financiers et de l’aristocratie capitaliste que les travailleurs doivent à tout prix rentrer au travail, et donc les enfants à l’école, afin de générer des profits nécessaires pour les banques. Cette politique est défendue au sommet de l’appareil d’État par le banquier-président Emmanuel Macron.

«Il faut tout faire pour éviter le reconfinement total», aurait déclaré Macron lors d’un conseil de défense mercredi, selon le JDD. Macron aurait exigé ensuite des précisions sur «la capacité hospitalière à encaisser la vague qui arrive», selon un participant à cette réunion.

Or, la reprise du travail et la rentrée à l’école en présentiel, aboutissent selon les modélisations scientifiques à un pic de mortalité dépassant celui d’avril. Au printemps, un rapport officiel allemand du 18 mars avertissait du danger que «plus d’un million de personnes mourraient en 2020 dans la seule Allemagne.» Selon le JDD, au conseil de défense français du 12 mars, on a «brandi une prévision de centaines de milliers de morts.» C’est alors que s’est imposé le confinement. «Une différence de taille, cependant: ce scénario est aujourd’hui complètement écarté», écrit le JDD.

En clair, des centaines de milliers de Français pourraient mourir, et des millions d’Européens; Macron exigera néanmoins de garder le cap d’une politique irrationnelle, anti-scientifique et impopulaire, dictée par les banques et la défense des privilèges de l’aristocratie financière.

Les partis politiques et les organisations syndicales qui négocient avec Macron la mise en œuvre du plan de relance européen sont complices de cette politique meurtrière. Elle démontre leur mépris pour les vies de la population, et surtout des travailleurs, la classe la plus touchée par le virus, et notamment pour le personnel soignant.

Brouet a critiqué les illusions promues par Macron, comme quoi le système sanitaire pourrait encaisser n’importe quel pic pandémique de Covid-19: «les professionnels de santé, à l’origine du miracle du printemps, ne pourront pas pallier à nouveau les carences structurelles. Beaucoup sont épuisés, traumatisés. On ne sort pas indemne d’une confrontation quotidienne avec la mort. Comme moi, beaucoup regrettent que le bilan de la première période n’ait pas été fait ...»

Brouet a exigé que l’État accorde plus de contrôle aux médecins et assure la coordination entre médecins généralistes, hôpitaux et Agences régionales de santé: «L’hôpital est en première ligne, mais la majorité des malades du Covid n’iront pas à l’hôpital! Ce n’est pas l’hôpital qu’il faut protéger. Ce sont les patients!» Il a prévenu que sans cette réorganisation, il y aura «le même embouteillage qu’au printemps au 15 [numéro d’urgence], la répartition inégale de la pression sur les cabinets de ville, des médecins libéraux privés d’accès à leurs patients dans certains Ehpad.»

Brouet a souligné que la politique prônée par Macron produira une situation où une large majorité des malades n’aura pas accès aux soins. Il a dit, «Nous sentons monter dans la population et chez certains intellectuels l’idée que la vie du plus grand nombre ne mérite pas d’être gâchée pour protéger celle des plus âgés et des plus vulnérables. … Je souhaite faire là une mise en garde solennelle contre une rupture philosophique inacceptable.»

Il a poursuivi, «si on ne faisait rien pour contrôler l’épidémie, les réanimations seraient débordées et il faudrait trier les patients à leurs portes. Ceci reviendrait à laisser aux réanimateurs la tâche de procéder à ce tri. Or jamais un médecin ne doit accepter l’injonction de la société qui lui imposerait de ne pas prendre en charge un patient.»

Ce commentaire met en évidence le caractère essentiellement fascisant de la politique menée par Macron en France et par l’aristocratie financière à l’échelle internationale. Afin de sauvegarder leurs profits, ils tentent d’imposer à nouveau la situation barbare où les réanimateurs décideraient de la vie ou de la mort des patients, et où les personnes âgées malades de Covid-19 se verraient automatiquement coupées d’un traitement qui pourrait les sauver. Pour stopper une telle situation, il est urgent d’ôter le contrôle de l’économie aux élites capitalistes réactionnaires.

Ceci donne à nouveau raison à l’appel du Parti de l’égalité socialiste aux travailleurs à s’organiser indépendamment des organisations syndicales et à préparer un mouvement de grève générale contre le retour au travail, en France et à l’international, visant à faire chuter les gouvernement capitalistes et à transférer le pouvoir politique à la classe ouvrière.

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