Canada: Le syndicat Unifor a caché des reculs importants dans la convention collective ratifiée avec Ford

Peu après la clôture du vote électronique pour la ratification du contrat négocié entre Unifor et Ford Canada, les détails des principaux reculs convenus dans le dos des travailleurs sont apparus dans le Detroit Free Press. Ces concessions ont été intentionnellement laissées de côté par Unifor dans le résumé des «faits saillants» du contrat qu'ils ont présenté aux travailleurs, et elles n'ont pas été largement rapportées depuis dans les médias traditionnels.

Le président d'Unifor, Jerry Dias, lors d'une conférence de presse le 22 septembre. Dias et Unifor avaient annoncé leur accord avec Ford Canada en refusant de divulguer le moindre détail

Le silence du syndicat, de l'entreprise et des médias corporatifs sur les reculs a été jugé nécessaire afin de tromper les travailleurs sur les concessions considérables qu'Unifor a faites dans ce qu'il présente comme le contrat «modèle» pour les 17.000 travailleurs canadiens des Detroit Three.

Unifor a effectivement abandonné les principes sacrés des dispositions relatives à la journée de huit heures et à la rémunération des heures supplémentaires. En outre, le syndicat a accepté un plan visant à créer un troisième échelon important de travailleurs dans les ateliers en inondant les usines automobiles d'une nouvelle vague de travailleurs temporaires à temps partiel (TTP).

Unifor a accepté la mise en place d'un horaire de travail alterné (AWS). Cette concession, dont Ford s'est vanté dans un communiqué de presse, contribuera à «maximiser la flexibilité de la production» et l'«efficacité» de l'entreprise, en veillant à ce que le constructeur automobile reste «compétitif au niveau mondial».

L'AWS, d'abord introduit dans les usines automobiles américaines et largement détesté par les travailleurs là-bas, a été imposé lors de la restructuration de Chrysler et de GM menée par l'administration Obama en 2009. Il permet aux constructeurs automobiles de faire fonctionner leurs usines plus longtemps, en ajoutant l'équivalent de 49 jours de production supplémentaires par an par rapport aux horaires traditionnels des usines. Il permet également aux entreprises de réduire les coûts de main-d'œuvre de dizaines de millions en supprimant le paiement des heures supplémentaires pour les personnes travaillant plus de 40 heures par semaine et le samedi, qui étaient auparavant rémunérées à temps et demi.

Les programmes d’AWS peuvent obliger les travailleurs à travailler au moins 10 heures par jour, y compris au salaire normal le week-end. Les travailleurs sont à la merci des entreprises lorsqu'il s'agit de fixer les heures de travail. Dans de nombreuses usines, l'entreprise n'a qu'à donner un préavis de 14 jours et peut obliger les travailleurs à travailler chaque fois que la direction le juge nécessaire, y compris des semaines de travail avec des quarts de travail épuisants, même au-delà de 10 heures. L'ancienneté n'a pas d'importance. Il s'agit d'une disposition semblable au régime «sur appel», où l'entreprise peut obliger les travailleurs à faire ce qu'elle veut, quand elle le veut. L'entreprise peut changer les heures de début de travail chaque semaine si elle le souhaite.

L'AWS est également connu sous le nom d'horaire 3-2-120 parce que trois équipes travaillent deux quarts pendant 120 heures par semaine. Bien que les horaires de l'AWS changent, il y a eu des cas à l'usine d'assemblage Jefferson North de la FCA à Detroit, où une équipe «A» a travaillé 10 heures par jour sur le quart de jour de 6h à 16h30 du lundi au jeudi. Une équipe «B» a travaillé 10 heures sur le quart de nuit de 18h à 4h30 du mercredi au samedi, et une équipe «C» a travaillé 10 heures sur le quart de nuit le lundi et le mardi et 10 heures sur le quart de jour le vendredi et le samedi. Dans le cadre de cet horaire, la pause diner rémunérée – gagnée par les travailleurs de l'automobile il y a des décennies – a également été supprimée.

Les récents contrats des Detroit Three aux États-Unis ont ouvert la voie à l'utilisation accrue de travailleurs temporaires à temps partiel, moins bien payés, dans les usines. Le déploiement d'un nombre toujours plus important de TTP devient encore plus nécessaire pour l'extraction des profits des entreprises dans des conditions où l'épuisant AWS a un impact sur les taux de présence. Pour lutter contre l'absentéisme, dans les accords entre l’UAW et les Detroit Three, les absences et les retards ne sont plus «effacés» dans les contrats subséquents. Actuellement, FCA emploie le plus grand pourcentage de travailleurs de second niveau et de travailleurs temporaires parmi les entreprises automobiles américaines du Detroit Three, mais le nouvel accord avec Ford adopte des dispositions qui permettront à Ford de combler rapidement cet écart.

En réalité, si Unifor avait présenté ces dispositions ouvertement aux membres, son accord modèle avec Ford aurait très bien pu être rejeté de manière décisive. Il s'est avéré que le président d'Unifor, Jerry Dias, et ses collègues bureaucrates syndicaux ont réussi à faire adopter l'accord avec de fausses promesses de «sécurité d'emploi» et en faisant miroiter un investissement de 1,8 milliard de dollars dans l'usine d'assemblage d'Oakville pour la réoutiller en vue de la production de véhicules électriques. Comme l'a expliqué le WSWS dans son article initial analysant l'accord ratifié: en échange d'engagements d'investissement qui sont loin d'être finalisés, Unifor a accepté la destruction de centaines d'emplois pendant la durée du nouvel accord, en particulier parmi les anciens travailleurs mieux payés, qui seront poussés à la retraite.

Sur l'insistance d'Unifor, l'accord modèle avec Ford durera trois ans au lieu des quatre ans habituels. Cela signifie qu'il expirera en septembre 2023, en même temps que ceux conclus entre l'UAW et les Detroit Three. Unifor veut synchroniser ses contrats avec ceux de l'UAW et les Detroit Three, non pas pour faciliter une lutte commune des travailleurs de l'automobile nord-américains. Au contraire, Dias a souligné que la synchronisation des négociations permettra à Unifor de concurrencer directement l'UAW pour les produits et d'empêcher la «migration des investissements vers le Mexique». En d'autres termes, elle entraînera une nouvelle intensification de la course vers le bas des salaires et des conditions de travail, puisque les syndicats rivalisent pour démontrer lequel peut offrir les «coûts de main-d'œuvre» les plus bas.

Les travailleurs de l'automobile connaissent bien le mode opératoire antidémocratique de longue date d'Unifor, qui consiste à leur cacher des informations importantes lors des réunions de ratification des contrats afin de les inciter à voter «oui». En pratique, Unifor refuse de publier et de distribuer le contrat complet, avec tous les accords annexes et les «protocoles d'accord», tant que des mois ne se sont pas écoulés depuis le vote de ratification.

Cela est le cas pour des milliers de travailleurs des usines automobiles des Detroit Three au Canada. Après tout, le contrat modèle de 2016 chez General Motors, dans lequel Unifor garantissait que l'assemblage automobile à l'usine d'Oshawa serait sauvé, a été frappé que deux ans plus tard par l'annonce de la fermeture de l'entreprise sur la base d'une clause contractuelle jamais présentée ou discutée avec les travailleurs lors des réunions de ratification.

La violation flagrante par Unifor du droit démocratique fondamental des travailleurs de Ford Canada à être pleinement informés de ce sur quoi ils votaient doit être considérée comme un avertissement sérieux par les travailleurs de l'automobile de tout le Canada. Des reportages indiquent qu'Unifor pourrait annoncer un accord rapide avec la FCA dès ce week-end, alors qu’elle cherche à conclure le cycle de négociations actuel le plus rapidement possible.

Les travailleurs de la FCA doivent rejeter résolument tous les efforts visant à les pousser à voter sur un accord qu'ils n'ont pas vu, d'autant plus que Dias a déjà clairement indiqué qu'il suivra le modèle des concessions accordées à Ford.

Unifor, comme les autres syndicats procapitalistes du monde entier, ne représente pas les intérêts des travailleurs, mais plutôt ceux d'une bureaucratie privilégiée qui s'efforce avant tout de maintenir ses partenariats lucratifs avec les grandes entreprises et les gouvernements capitalistes. Les tentatives visant à «réformer» le syndicat ou à le persuader de «se battre» au nom des intérêts des travailleurs sont vouées à l'échec. Il convient de rappeler à cet égard que si plus de 1800 travailleurs – plus d'un dixième de la main-d'œuvre totale des Detroit Three au Canada – ont signé une pétition demandant qu'Unifor rende publics les accords dans leur intégralité avant tout vote de ratification, le syndicat l'a ignorée avec mépris. «Je ne cours pas après les souris quand je chasse les éléphants», a déclaré Dias lorsqu'on lui a demandé son avis sur la pétition.

Les travailleurs de FCA, GM et Ford doivent agir maintenant pour s'organiser indépendamment d'Unifor en créant des comités de la base pour bloquer ses efforts visant à imposer des accords de suppression d'emplois favorables aux constructeurs, comme il l'a fait chez Ford.

Ces comités devraient exiger la publication complète de tout accord conclu entre Unifor et FCA, et au moins une semaine pour étudier et discuter les termes avant la tenue de tout vote de ratification. Ils devraient également établir des liens avec les travailleurs de l'automobile aux États-Unis, au Mexique et au niveau international afin de préparer une contre-offensive unifiée des travailleurs de l'automobile contre le système à deux vitesses détesté et tous les reculs et suppressions d'emplois.

(Article paru en anglais le 3 octobre 2020)

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