Un universitaire promu par Jacobin pour faire campagne en faveur de la réouverture des écoles rencontre les responsables de Trump

Fin septembre, le magazine Jacobin, qui est affilié aux Democratic Socialists of America (DSA - les Démocrates socialistes d’Amérique), a publié un article promouvant la réouverture des écoles et la suppression d’autres restrictions qui visent à lutter contre la propagation du coronavirus.

L’article a pris la forme d’une interview avec deux épidémiologistes qui plaident pour que les États-Unis suivent le «modèle suédois» en encourageant de larges pans de la population à se laisser infecter par le COVID-19.

Mardi, la principale personne interviewée par Jacobin dans l’article, le professeur Martin Kulldorff de l’université de Harvard, a rencontré les responsables du gouvernement Trump chargés de formuler la politique de la Maison-Blanche en matière de pandémie.

Kulldorff, ainsi que la professeur d’Oxford Sunetra Gupta et le professeur de Stanford Jay Bhattacharya, ont eu des discussions avec le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, Alex Azar, et avec Scott Atlas. Atlas est un nouveau membre du groupe de travail de la Maison-Blanche sur le coronavirus et un partisan convaincu de la suppression de toutes les restrictions à la propagation du virus.

Martin Kulldorff (Crédit: «Contagion_Live» vidéo Youtube, capture d’écran)

Lors de cette réunion, les médecins invités auraient donné leur accord à la politique menée par la Maison-Blanche. Ils ont conseillé à Azar et Atlas de laisser le virus se propager de manière incontrôlée parmi les jeunes gens en bonne santé.

Kulldorff a déclaré après la réunion, selon le journal The Hill, «Nous avons eu une très bonne discussion. Il [Atlas] a posé beaucoup de questions, et nous avons présenté notre cas pour protéger les personnes vulnérables, et l’idée d’essayer de faire des confinements pour éliminer cette maladie n’est pas réaliste».

Atlas a dit au Congrès dans un courriel qu’il soutenait la position de Kulldorff et des autres participants à la réunion. «Leur protection ciblée des personnes vulnérables et leur politique d’ouverture des écoles et de la société correspondent à la politique du Président et à ce que j’ai conseillé».

C’est-à-dire que la politique promue par le magazine Jacobin correspond à la politique du gouvernement Trump.

Atlas a également déclaré qu’il soutenait la récente «Déclaration de Great Barrington» écrite par Kulldorff, Bhattacharya et Gupta. La synthèse de la «déclaration» stipule que «ceux qui ne sont pas vulnérables devraient immédiatement être autorisés à reprendre une vie normale».

La conclusion de base de la «déclaration» se résume à cela: des millions de vies de travailleurs doivent être sacrifiées au nom du profit. Aucun effort ni aucune ressource ne seront alloués pour contenir la maladie ou en atténuer l’impact.

La politique promue par Kuldorff, Atlas et Jacobin est fondée sur l’affirmation que le virus n’affecte pas les jeunes et les personnes en bonne santé, ce qui est faux. Il y a tout juste une semaine, un adolescent de dix-neuf ans de l’université d’État des Appalaches en Caroline du Nord, par ailleurs en pleine santé, est mort de complications neurologiques.

En outre, la propagation incontrôlée du virus parmi les jeunes et les personnes d’âge moyen entraînera inévitablement la propagation du virus parmi les personnes âgées, comme cela s’est effectivement produit en Suède.

Plus de 210.000 personnes sont déjà mortes du virus aux États-Unis et plus d’un million dans le monde.

Kulldorff a doublé la mise sur ses positions ces derniers jours sur Twitter. Le 2 octobre, il a tweeté une partie de son interview avec le site Reaction.life: «Nous ne fermons pas les écoles à cause de la grippe annuelle. Nous n’interdisons pas aux gens de conduire des voitures parce que des gens meurent dans des accidents de voiture. Nous laissons les gens vivre une vie normale avec les précautions habituelles».

Citant un article publié dans le journal britannique The Spectator, il a tweeté le 17 août: «Nous devrions apprécier les jeunes adultes qui contribuent à générer une immunité collective en menant une vie normale et en maintenant la société à flot. Lorsque les gens vous lancent des reproches malencontreux, en prétendant faussement que vous mettez les autres en danger, rappelez-vous que c’est le contraire qui est vrai».

Kulldorff encourage essentiellement les jeunes à sortir et à s’infecter, ce qui est tout à fait conforme à la politique de Trump qui consiste à « laisser foncer le virus».

Le rapprochement entre le magazine Jacobin et la politique de droite de Trump est notable, mais pas entièrement surprenant. Jacobin, ainsi que ses co-penseurs au sein de la DSA, fonctionne comme une faction du Parti démocrate.

Jacobin prépare la voie à la possibilité d'un futur gouvernement Biden. Si Biden devient président, le comité de rédaction de Jacobin sait très bien que rien de fondamental ne changera dans la politique américaine ou dans la réponse de la classe dirigeante à la pandémie. Son rôle est de préparer la voie à l'adoption par Biden de la politique d'immunité collective en essayant de lui donner un vernis de gauche.

Malgré l’affirmation de divergences majeures avec les républicains sur la politique sociale, les démocrates et leur principal représentant, le candidat présidentiel Joe Biden, ont clairement fait savoir qu’ils soutenaient la politique d’immunité collective. Joe Biden a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter la réouverture des écoles et des lieux de travail.

L’article original qui promouvait la politique d’immunité collective a suscité la consternation des lecteurs et du personnel de Jacobin. Sans doute certains membres du comité de rédaction ont-ils estimé que c’était peut-être un pas de trop et que cela nuirait à la crédibilité qu’ils ont encore auprès des jeunes et des travailleurs qui sont horrifiés par la perspective de millions d’autres morts inutiles.

Cependant, comme l’a écrit le WSWS dans sa première analyse de l’article de Jacobin: «Les mots ont un sens. En adoptant et en défendant ouvertement la politique du gouvernement Trump, les rédacteurs de ce journal se sont rendus complices des crimes du gouvernement. Les millions de travailleurs dont les amis et les proches sont morts inutilement n’oublieront pas les paroles et les actes de Jacobin».

(Article paru d’abord en anglais le 7 octobre 2020)

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