Un éducateur québécois exhorte les enseignants à créer des comités de sécurité de la base pour s'opposer à la réouverture imprudente des écoles

Malgré l'augmentation incontrôlée des cas de coronavirus, les gouvernements du Canada exigent que la réouverture inconsidérée des écoles et de l'économie se poursuive. Les gouvernements de toutes les tendances politiques sont catégoriques: les enfants doivent retourner en classe pour que leurs parents soient obligés de reprendre le travail et pour augmenter les profits des sociétés, quel que soit le coût en vies humaines.

Cette réalité est particulièrement frappante au Québec, où le premier ministre François Legault et son gouvernement de droite, la Coalition Avenir Québec (CAQ), ont poursuivi la réouverture de l'économie en avril et mai, alors même que les décès montaient en flèche. Avec une population de seulement 8,5 millions d'habitants, le Québec a enregistré 5.900 décès dus à la COVID-19 depuis le début de la pandémie, soit plus de la moitié des 9.540 décès recensés actuellement au Canada, bien que le Québec compte moins d'un quart des 37 millions d'habitants du pays.

La politique criminelle de Legault a entraîné une forte augmentation des nouvelles infections. Mardi, le Québec a enregistré 1.364 nouveaux cas, son plus haut total quotidien depuis le début de la pandémie. Un grand nombre des nouvelles infections enregistrées ces derniers jours sont liées à la réouverture des écoles. Dans toute la province, 916 écoles ont enregistré au moins une infection, selon les derniers chiffres du gouvernement (qui datent du 5 octobre), et 729 établissements ont traité des infections actives. Au total, 2.832 infections parmi les élèves et le personnel ont été enregistrées depuis la réouverture des écoles à la fin du mois d'août.

Le Grand Montréal, la ville de Québec et d'autres régions ont maintenant été désignés par le gouvernement Legault de «zones rouges». Les familles sont menacées d'amendes et de descentes de la police si elles reçoivent des visiteurs. Pourtant, le gouvernement est déterminé à garder les écoles ouvertes. À cette fin, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé mardi qu'à compter d'aujourd'hui, les élèves des écoles secondaires des «zones rouges» du Québec devront porter un masque en classe, et le gouvernement mettra en place un «système hybride», assouplissant quelque peu ses interdictions d'apprentissage en ligne pour les élèves des deux dernières années du secondaire.

L'opposition de la classe ouvrière à la politique meurtrière de l'élite au pouvoir pour la rentrée scolaire s'accroît. Le World Socialist Web Site a reçu l'appel suivant d'un assistant en éducation spécialisée d'une école primaire de la région du Grand Montréal. Il appelle les enseignants, les travailleurs de l'éducation, les étudiants et leurs proches à organiser des comités de sécurité de la base pour lutter contre la pandémie et sauver des vies. Nous demandons instamment aux enseignants et autres personnels de l'éducation du Québec et du Canada qui sont d'accord avec cet appel de nous contacter aujourd'hui pour obtenir de l'aide afin d'organiser un comité de sécurité de la base dans leur école.

En tant qu'assistant d'éducation spécialisée, confronté chaque jour à la menace réelle et croissante de contracter le coronavirus, je lance cet appel à tous mes collègues enseignants, éducateurs et travailleurs scolaires.

Il ne fait plus aucun doute que la réouverture des écoles est liée à la résurgence de COVID-19 dans la communauté. Alors que les cas montent en flèche dans la province et le pays, plus de 900 des 3.000 écoles du Québec, soit près d'un tiers, ont eu au moins un cas confirmé en quatre semaines seulement.

Les travailleurs, les étudiants et leurs parents se réveillent chaque matin en se demandant s'ils seront les prochaines victimes du virus mortel. Combien d'autres travailleurs et de jeunes doivent voir leur santé et leur vie sacrifiées? Et à quelle fin?

Le directeur de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, a ouvertement admis qu'il y aura de plus en plus de cas dans les écoles et dans la communauté, et que nous sommes entrés dans une deuxième vague de la pandémie qui menace d'être plus meurtrière que la première. Pourtant, le premier ministre Legault maintient que les écoles resteront ouvertes quoi qu'il arrive.

Toutes les raisons invoquées pour justifier la réouverture des écoles se sont révélées être des mensonges éhontés. Le ministre de l'Éducation du Québec, Jean-François Roberge, nous a sciemment menti lorsqu'il a affirmé que les écoles seraient sécuritaires, que les enfants contractent et transmettent rarement le coronavirus mortel et que la politique de rentrée scolaire du gouvernement est motivée par des préoccupations concernant la «santé mentale» des enfants et la réussite scolaire des jeunes vulnérables.

Le véritable objectif du gouvernement et de l'élite dirigeante en rouvrant les écoles est de forcer les parents qui travaillent à retourner sur le lieu de travail dans des conditions dangereuses, afin que les banques et les grandes entreprises puissent continuer à engranger des profits. Pour être franc, nous sommes sacrifiés pour les riches.

Tous les travailleurs de l'éducation savent qu'il est impossible d'appliquer correctement les règles de distanciation sociale et les autres mesures sanitaires nécessaires dans des écoles surpeuplées. Les aides-enseignants et les enseignants suppléants sont traités avec un mépris particulier. Travaillant dans plusieurs salles de classe, ils courent un risque élevé de contracter le virus et peuvent agir comme d'importants agents de transmission de la COVID-19. En d'autres termes, nous sommes traités comme des personnes dont on peut se passer.

Dans mon école, une classe a dû fermer après qu'un élève a contracté la COVID-19. Personne en autorité n'a exigé ni même recommandé que le professeur de la classe et les autres éducateurs soient testés, sous prétexte qu'ils portaient des masques et des visières (ou des lunettes). Les éducateurs ont donc continué à travailler, sans savoir s'ils étaient porteurs, au risque de propager le virus. Une semaine plus tard seulement, avant même que l'administration de l'école ne soit informée, les parents de l'enfant concerné ont reçu une lettre de la Santé publique indiquant que leur enfant pouvait retourner en classe. Ce n'est là qu'un cas parmi des milliers d'autres traités de manière aussi imprudente dans toute la province et le pays.

En attendant, que font les syndicats pour nous protéger? La réponse, évidemment: rien! Alors que les politiques gouvernementales et les directives de santé publique mettent en danger notre santé et même nos vies, la seule chose que font les syndicats est de se faire l'écho de ces mêmes directives, avec au mieux quelques critiques infimes – peu importe que la santé et la vie des travailleurs de l'éducation, de leurs familles et de la population en général soient en jeu.

De plus, en coulisses, les dirigeants syndicaux discutent avec le gouvernement et les grandes entreprises sur la manière de «relancer l'économie» sans provoquer la résistance de la classe ouvrière. Dans le cas du secteur public québécois, les syndicats s'apprêtent à accepter des reculs importants dans nos prochaines conventions collectives sous prétexte que la pandémie a rendu la «situation économique» «défavorable» à la lutte.

Alors que nous sommes traités comme de la chair à canon et que le gouvernement continue à affamer les soins de santé, les ultra-riches, bien protégés du virus dans leurs tours d'ivoire, ont profité de la crise sanitaire pour s'enrichir encore plus. Bénéficiant du renflouement des marchés financiers, des banques et des grandes entreprises par le gouvernement Trudeau à hauteur de 650 milliards de dollars canadiens, les 20 milliardaires les plus riches du Canada, dont le Québécois Alain Bouchard, ont vu leur fortune augmenter de 37 milliards de dollars canadiens depuis mars.

Pour protéger notre propre vie et celle de nos proches, les enseignants, tout le personnel scolaire, les parents et les élèves doivent former des comités de sécurité de la base, totalement indépendants de toutes les institutions gouvernementales, des employeurs et des syndicats procapitalistes.

De tels comités de la base ont déjà vu le jour dans les secteurs de l'automobile, des transports et de l'éducation aux États-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne, en Allemagne et ailleurs. Les travailleurs québécois et canadiens doivent se joindre à ces efforts afin que la classe ouvrière internationale puisse faire avancer sa propre solution à la crise sanitaire et socio-économique actuelle.

Un réseau de comités de sécurité dans les écoles pourra mobiliser tous les travailleurs pour imposer de réelles mesures de sécurité. Il devra également préparer, face à la menace croissante que représente la deuxième vague de la pandémie COVID-19, toutes les actions nécessaires – y compris une grève générale – pour imposer la fermeture des écoles, devenues vecteurs de transmission du coronavirus, et garantir que tous les élèves reçoivent un enseignement en ligne, en toute sécurité et avec tout le soutien logistique nécessaire.

Pour ma part, je ne suis pas prêt à laisser ma santé et ma vie, et celles de mes proches, entre les mains de ceux qui font passer les profits de l'élite financière et patronale avant les vies humaines. Chers collègues, qu'en pensez-vous?

Loading