«Moment périlleux» au Royaume-Uni: les hôpitaux ne peuvent plus répondre à la demande

Le ministre de la Santé, Matt Hancock, a déclaré la semaine dernière, lors de la conférence annuelle des prestataires de services de santé nationaux, que le Royaume-Uni fait face à un «moment périlleux» dans la lutte contre le COVID-19. Mais une fois de plus, on ne fait rien pour éviter le désastre qui menace.

Le gouvernement Johnson fonde ses actions sur une politique pseudoscientifique et meurtrière d’immunité collective depuis le tout début de la pandémie. Il a ignoré et minimisé les avertissements des scientifiques, des experts et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le résultat catastrophique à ce jour a été plus de 634.000 cas de COVID-19 et plus de 65.000 décès.

La semaine dernière, le nombre de personnes testé positif a triplé en quinze jours. Samedi, on comptait déjà 3.660 patients dans les hôpitaux, dont 436 occupaient des lits avec respirateurs. Vendredi dernier, 623 patients qui présentaient des symptômes ont été admis dans les hôpitaux du Royaume-Uni en une seule journée.

Le personnel clinique soigne un patient atteint du coronavirus dans l’unité de soins intensifs du Royal Papworth Hospital à Cambridge, en Angleterre, le 5 mai 2020 [Source: Neil Hall Pool via AP]

Les soins prodigués aux victimes de la stratégie d’immunité collective du gouvernement sont menacés. Le NHS se trouve face à un triple défi: épuisement du personnel; accumulation massive des cas qui n’ont pas encore été traités; et énorme augmentation de cas de COVID-19.

Pendant que Hancock s’exprimait, la ministre junior de la santé, Nadine Dorries, a prédit que les hôpitaux atteindraient un point «critique» dans les dix jours.

Les affirmations du gouvernement selon lesquelles les patients atteints de coronavirus et d’autres patients allaient pouvoir être soignés en milieu hospitalier ont été réfutées. Hancock a admis que la capacité du NHS à traiter les patients non atteints du coronavirus est menacée.

La semaine dernière, le Collège royal de médecine d’urgence (RCEM) a lancé une mise en garde sans équivoque: les hôpitaux sont presque pleins et la continuation de la propagation rapide du virus obligerait le NHS à «réduire les autres activités de routine pour se concentrer sur la lutte contre celui-ci». En soulignant les données de septembre, le Collège a précisé qu’elles montrent que «le nombre total de lits occupés par des patients COVID-19 confirmés a quadruplé au cours du mois dernier». Il a aussi précisé que «cinq fois plus de patients sont sous respirateur que le mois précédent».

La présidente du RCEM, le Dr Katherine Henderson, a averti: «Nous devons être clairs sur l’ampleur de ce à quoi nous faisons face à l’approche de l’hiver. Si nous ne prenons pas de précautions efficaces collectivement, le COVID continuera son explosion à travers le pays; cela pourrait avoir une conséquence dévastatrice: l’implosion de notre NHS cet hiver».

L’enquête annuelle menée par les prestataires du NHS confirme que cette implosion est imminente. Les directeurs généraux de 199 hôpitaux du NHS, des services de santé mentale, des services communautaires et des services d’ambulance ont répondu.

Parmi les principales conclusions, on peut citer:

* «Les répondants sont particulièrement préoccupés par la résilience et le bien-être de leur personnel après la première vague, 99 pour cent d’entre eux étant extrêmement ou modérément préoccupés par le niveau actuel d’épuisement professionnel de l’ensemble du personnel».

* 94 pour cent des répondants se trouvent extrêmement ou modérément préoccupés par l’impact des pressions saisonnières de l’hiver.

* 83 pour cent des répondants sont inquiets ou très inquiets d’un manque d’investissements dans l’aide sociale dans leur région.

* En réponse à l’environnement externe incertain, les répondants ont déclaré que le plus grand risque est la «tempête parfaite» de pénurie de main-d’œuvre, d’épuisement professionnel, une deuxième vague de coronavirus et un hiver potentiellement difficile».

L’Association médicale britannique (BMA), qui représente 159.000 médecins et 19.000 étudiants en médecine, a averti qu’un éventuel Brexit sans accord – dans lequel le Royaume-Uni quitte l’Union européenne sans accord commercial – serait une source d’incertitude pour les travailleurs du NHS venus travailler en Grande-Bretagne. Une telle situation réduirait également les chaînes d’approvisionnement en produits vitaux tels que les produits pharmaceutiques, les appareils médicaux et les équipements de protection.

Aucune des politiques gouvernementales en matière d’équipements de protection individuelle (ÉPI) imposées lors de la première vague en violation des directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), n’a été modifiée, même après le décès de 650 travailleurs de la santé et des services sociaux du COVID-19. Selon les enquêtes menées par leurs organismes professionnels, de nombreux travailleurs de la santé luttent toujours pour recevoir une protection de base contre le virus mortel. Aucun test de routine n’est effectué parmi le personnel du NHS. Le gouvernement conservateur a voté contre une motion au Parlement qui visait à effectuer des tests hebdomadaires dans les hôpitaux.

Suite à quatre décennies de mesures thatchériennes mises en œuvre par les gouvernements conservateurs et travaillistes successifs, le NHS est délabré à un point tel qu’il ne peut plus assurer son fonctionnement quotidien, et encore moins faire face à une pandémie majeure.

Selon les données du NHS Angleterre, en 1987, le nombre moyen de lits disponibles par jour pour toutes les spécialités s’élevait à 297.364. En 1997, ce chiffre avait été réduit à 193.625 par les gouvernements conservateurs. Les gouvernements travaillistes de Tony Blair ont réduit la capacité d’accueil en Angleterre de 35.000 lits supplémentaires au cours de leurs 13 années au pouvoir, pour atteindre 158.461.

Le financement du NHS a été sabré, et sa privatisation a été accélérée en vertu de la loi sur la santé et l’aide sociale adoptée en 2012. On a réduit la capacité en lits à 118.451 selon les données du NHS Angleterre. Même avant la première vague de la pandémie COVID-19, le taux d’occupation des lits au Royaume-Uni se situait à des niveaux très dangereux, supérieurs à 90 pour cent. Le niveau de sécurité considéré comme sûr était de 85 pour cent. Selon le Dr Henderson du RCEM, le «1er octobre, 96 pour cent de ces lits étaient occupés».

Avant que la pandémie ne frappe le Royaume-Uni, il y avait environ 4.200 lits dans les unités de soins intensifs (ICU) et les unités de haute dépendance (HDU). Le Royaume-Uni se classait 24e sur 31 autres pays européens en termes de lits d’ICU par habitant et 29e sur 31 pour l’ensemble des lits d’hôpitaux. La capacité en lits des ICU s’est légèrement améliorée depuis la première vague de COVID-19, mais dans de nombreux hôpitaux, cela était le cas à cause de la réduction de services et d’autres unités importantes.

Un professionnel de la santé de l’hôpital Royal Bournemouth a déclaré au WSWS qu’ils avaient augmenté la capacité de leur ICU en reprenant l’unité de soins coronariens (UCC), le pavillon 23, un service de cardiologie qui comptait 15 lits. Mais, plus tard, ce service ICU a été fermé afin de rétablir le CCU.

On a construit 7 hôpitaux de campagne «Nightingale» en Angleterre au cours de la première vague, dont certains ont déjà été réaménagés ou abandonnés. Face à une explosion de nouvelles infections, plusieurs des hôpitaux «Nightingale» sont en attente. Mais il n’y a pas assez de personnel pour assurer des traitements et des soins adéquats.

Les pénuries de personnel au sein du NHS sont telles qu’il y a plus de 110.000 postes vacants, dont plus de 40.000 postes d’infirmières.

À la fin du mois d’août, 4,3 millions de patients attendaient de subir des procédures non urgentes. Seulement un peu plus de la moitié ont pu obtenir un traitement dans les 18 semaines, bien que la Constitution du NHS stipule que «les patients ont le droit de commencer un traitement non urgent dirigé par un consultant dans les 18 semaines suivant l’orientation, sauf s’ils choisissent d’attendre plus longtemps ou, si une plus longue attente est cliniquement appropriée». Un nombre stupéfiant de 111.026 patients ont attendu plus de 52 semaines.

Le gouvernement conservateur utilise le désastre de la santé publique pour accélérer encore le processus de privatisation. L’une des premières actions du gouvernement a été d’utiliser les pouvoirs d’urgence afin de suspendre la réglementation qui oblige à faire des appels d’offres pour les nouveaux contrats de plus de 100.000 livres sterling. On pille ainsi des milliards de livres d’argent public par l’externalisation des services, remplissant les coffres des sociétés privées et de leurs actionnaires – principalement des bailleurs de fonds du parti conservateur.

Jusqu’à présent, on a remis 12 milliards de livres – soit un dixième du budget annuel du NHS – à des sociétés privées comme Deloitte, Serco, Sitel, Mitie, Amazon, G4S, Sodexo, Boots et Randox pour un système de suivi et de traçabilité qui ne fonctionne toujours pas! L’ampleur de cet assaut sur les fonds publics a été révélée par les chiffres publiés par le ministère de la Santé et de l’Aide sociale qui montrent qu’il y a actuellement 1.114 consultants de Deloitte qui sont payés jusqu’à 2.300 livres sterling par jour pour travailler sur le système «Track and Trace». Sky News a noté que sur la base de «la feuille de charges de Deloitte, et en supposant que ces consultants travaillent depuis avril, le coût pourrait atteindre 200 à 300 millions de livres sterling».

(Article paru en anglais le 15 octobre 2020)

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