Allemagne : le conseil étudiant de l'Université de Leipzig s'oppose à l'invitation du professeur d'extrême droite Jörg Baberowski

Le conseil étudiant (StuRa) de l'université de Leipzig a protesté mardi dernier contre une invitation adressée au professeur d'extrême droite allemand Jörg Baberowski. L'idéologue d'extrême droite a été invité par le ‘Paulinerforum’ à s'exprimer sur le thème « Pourquoi n'y a-t-il pas de paix? » dans l'église de l’université le 22 octobre. La rectrice de l'université Beate Schücking a l'intention de prononcer les salutations officielles.

Bâtiment principal de l’Université de Leipzig depuis 2012, l’Augusteum sur l’ Augustusplatz [source: Panterius Cesar/Wikimedia Commons]

Le StuRa a voté par 18 voix pour et deux abstentions en faveur d’une motion présentée par le porte-parole des Étudiants et jeunes internationalistes pour l'égalité sociale (IYSSE) à l'université. La motion disait:

« Le conseil étudiant proteste contre l'invitation du professeur d'extrême droite Jörg Baberowski dans le cadre du Paulinerforum à l'Université de Leipzig. L'Église évangélique [luthérienne] et la direction de l'université offrent une plate-forme à un idéologue d'extrême droite connu pour avoir banalisé les crimes des nazis, mené une campagne répugnante contre les réfugiés et encouragé la violence contre les opposants politiques. Il ne devrait pas y avoir de place dans notre université pour cela ! »

Pour justifier sa position, la motion déclarait: « Baberowski est une figure centrale des milieux d’extrême droite, il a créé le Salon Baberowski à Berlin, où se réunissent tous ceux qui ont un nom dans la Nouvelle droite.»

Il y a cinq ans, Baberowski a légitimé les incendies criminels contre les centres de réfugiés, déclarant dans une interview avec 3SAT: «Compte tenu des problèmes que nous avons en Allemagne avec l'immigration qui a lieu actuellement, ce à quoi nous avons affaire ici est plutôt inoffensif. »

«Chez Baberowski, son œuvre de recherche et ses déclarations sur la politique quotidienne se combinent en un amalgame de critiques d'extrême droite», a déclaré le professeur Andreas Fischer-Lescano dans le Frankfurter Rundschau.

«Dans son rôle d'historien, Baberowski banalise les crimes des nazis», a expliqué l'IYSSE dans la motion. Par exemple, Baberowski a réhabilité Ernst Nolte dans Der Spiegel en février 2014. Nolte est alors le plus important historien apologiste nazi. À titre de justification, Baberowski a fait remarquer à l'époque: «Hitler n'était pas un psychopathe et il n'était pas cruel. Il ne voulait pas qu’on parle de l'extermination des Juifs à sa table. » Baberowski a mis l'Holocauste sur le même plan que les fusillades pendant la guerre civile russe, commentant: «C'était essentiellement la même chose: des tueries à l’échelle industrielle.»

Il est particulièrement cynique de la part de Baberowski de parler de la question de la paix au vu de sa banalisation de l'Holocauste et des incendies criminels commis par des néonazis contre des centres de réfugiés. L'extrémiste de droite s'est prononcé dès 2014, lors d'une discussion au Musée historique allemand, en faveur de guerres contre les terroristes, faisant remarquer: «Si l'on n'est pas disposé à prendre des otages, brûler des villages, pendre les gens et semer la peur et la terreur, comme les terroristes le font, si on n'est pas prêt à faire de telles choses, alors on ne peut jamais gagner un tel conflit et il vaut mieux rester complètement à l'écart. »

Lorsque le conseil étudiant de l'Université de Brême a cité cette déclaration et plusieurs autres dans un tract, comme exemples d'une «glorification de la violence», du «racisme» et de «l'extrémisme de droite», Baberowski a poursuivi l'ensemble du système représentatif étudiant en justice et a exigé une interdiction de telles déclarations. Mais la Haute Cour régionale de Cologne a jugé que Baberowski avait été cité correctement et que l'évaluation de ses positions était légitime. Le professeur d'extrême droite a été contraint de retirer sa plainte et de payer tous les frais de justice.

Suite à sa défaite devant le tribunal, Baberowski a agi de manière encore plus agressive contre ses opposants politiques. Il a publiquement menacé ses collègues qui se sont prononcés contre la «Déclaration conjointe 2018» anti-réfugiés et a mobilisé les forces d'extrême droite contre des réunions organisées par des étudiants de l'Université Humboldt.

En janvier de cette année, il a arraché les affiches de l'IYSSE sur le panneau d’affichage universitaire pendant la campagne électorale pour le parlement étudiant. Lorsqu'un membre du parlement étudiant de l'IYSSE l'a pris en flagrant délit, Baberowski a fait tomber le téléphone en lui assénant un coup sur la main et a crié: «Tu veux un coup sur la gueule?» L'incident a été filmé.

Le 30 janvier à midi, Jörg Baberowski, professeur d'extrême droite à l'université Humboldt, agresse l'étudiant Sven Wurm. Wurm est membre du parlement étudiant de l'université Humboldt, où il représente l'International Youth and Students for Social Equality (IYSSE). Wurm avait surpris Baberowski en train de déchirer les affiches de l' IYSSE pour les élections étudiantes, qui se tenait ce jour-là.

Wurm a expliqué en février: «Par son attaque contre moi, Baberowski a encore intensifié la persécution continue de ses opposants politiques. Il n'agit plus en tant qu'idéologue d'extrême droite et apologiste nazi, mais directement en tant qu'activiste et agresseur d'extrême droite. Il veut intimider et forcer toute personne qui critique sa politique d’extrême droite de quitter le campus. »

Le fait qu'un tel extrémiste de droite reçoive une invitation à l'université du Paulinerforum et qu’il soit accueilli par la rectrice de l'université est une provocation politique délibérée. Le but est de faire des points de vue d'extrême droite la norme à l'université de Leipzig et de réprimer toute critique.

Il s’agit là d'un projet politique plus large. Aux côtés de la rectrice de l'université, le vice-président du siège de l'Église évangélique d'Allemagne (EKD), Horst Gorski, prendra la parole et donnera sa bénédiction à la réunion. En février, le gouvernement fédéral avait publiquement apporté son soutien au professeur d'extrême droite. L'élite dirigeante s’aligne de plus en plus ouvertement sur les forces d'extrême droite afin d'imposer sa politique de militarisme et d'inégalité sociale.

Il est donc d'autant plus important que les étudiants rejettent cette offensive de droite et protestent contre l'invitation de Baberowski. L’action de protestation est une manifestation de l'opposition généralisée au retour du fascisme et de la dictature. Le StuRA emboîte le pas à un certain nombre de conseils d’étudiants qui ont manifesté contre les positions d’extrême droite de Baberowski dans le passé.

Suite à l’attaque physique de Wurm par Baberowski au début de cette année, le parlement étudiant de l’Université Humboldt avait adopté une déclaration de solidarité condamnant Baberowski. Des déclarations similaires ont été faites par des représentants étudiants à Magdebourg, Brême et Vienne, qui ont à juste titre dénoncé le comportement de Baberowski comme un «scandale».

(Article paru en anglais le 17 octobre 2020)

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