Trump fait une sortie fracassante d’une interview après avoir été interrogé sur ses liens avec la conspiration du Michigan

Jeudi, la vidéo publiée par Donald Trump de son interview partielle avec Leslie Stahl de l’émission «60 Minutes» révèle que le président a mis fin abruptement à l’interview parce que Stahl l’a interrogé sur son rôle dans le complot des milices fascistes visant à kidnapper et tuer deux gouverneurs en exercice, la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, et le gouverneur de Virginie, Ralph Northam.

La sortie de Trump exprime le côté voyou non seulement de sa personnalité, mais de toute sa stratégie politique. Il s’est comporté comme un gangster, critiquant Stahl pour avoir osé poser des questions critiques, l’interrompant et l’insultant à plusieurs reprises.

Des hommes debout avec leurs armes lors d’un rassemblement au Capitole de l’État à Lansing, Michigan, le 20 mai 2020 (AP Photo/Paul Sancya)

Trump a nié toute implication ou responsabilité dans le complot, qualifiant Stahl de «méchante», ce qui révèle une extrême sensibilité sur la question des «comploteurs» et de leurs éventuelles connexions politiques. Trump a clairement fait part de son intention de mobiliser des partisans fascistes pour violer le résultat des élections du 3 novembre et chercher à garder le pouvoir. Le Parti démocrate a cessé de faire référence au complot, même si Trump le considère clairement comme un énorme handicap politique.

Après environ 30 minutes d’entretien, l’échange suivant a eu lieu:

Stahl: Qu’en est-il de la gouverneure du Michigan, il y avait ce complot, les gens allaient l’assassiner?

Trump: Je ne sais rien de ce complot. C’est mon ministère de la Justice qui l’aide. Mais les gens ne l’aiment pas tellement. Elle a mis tout le monde en confinement. Nous venons de gagner une décision de la Cour suprême du Michigan, qui trouve sa mesure inconstitutionnelle. La seule personne qu’elle n’a pas confinée, c’est son mari.

Stahl: Mais vous êtes une personne très puissante, et les gens qui vous aiment, vous aiment avec passion. Et si vous vous en prenez à quelqu’un comme vous vous en êtes pris à elle…

Trump: Je ne l’ai pas poursuivie.

Stahl: — Et puis il y a les complots et les menaces

Trump: Je ne l’ai pas poursuivie

Stahl: — Et pareil pour le Dr Fauci. Oui, vous l’avez fait.

Trump: Je l’ai aidée… Oh, je la critique. Je pense que la façon dont elle a mis le Michigan en confinement était une honte. La façon dont elle a fermé des églises dans le Michigan est une honte. Oui, je pense que c’est une honte.

Stahl: Et vous voulez l’enfermer?

Trump: Bien sûr que non… Mais quand ils mettent le Michigan en confinement, elle fait quelque chose de mal. Même chose en Pennsylvanie, même chose en Caroline du Nord.

Stahl: Donc vous ne voulez pas enfermer le gouverneur Whitmer, mais vous voulez enfermer…

Trump: Quand ai-je dit de l’enfermer? Pourquoi voudrais-je l’enfermer?

Stahl: Vous étiez devant un rassemblement de personnes qui le disaient, vous l’encouragiez…

Trump: Je n’ai jamais dit d’enfermer le gouverneur? Leslie, c’est une chose tellement méchante que vous dites. Je n’aurais jamais dit d’enfermer la gouverneure du Michigan.

Peu après cet échange, un conseiller de Trump a interrompu Trump et a dit qu’ils manquaient de temps. Trump a alors mis fin à l’entretien.

Cet échange soulève des questions sur ce que cache la campagne de Trump quant à ses liens avec les comploteurs et avec les milices que Trump prévoit de faire intervenir dans les semaines à venir.

Il a mis fin à l’interview de Stahl de manière abrupte dans un contexte où de plus en plus d’informations se font jour sur l’étendue des préparatifs de ces groupes fascistes, comme ceux liés au complot du Michigan, en vue des prochaines élections. Trump a ordonné à ces groupes de «se tenir prêts» à venir à sa défense. Trump a déclaré à plusieurs reprises que la seule façon dont il pourrait perdre les élections est qu’il y ait une fraude électorale massive – une affirmation qui n’a aucun fondement dans la réalité.

Un important rapport publié hier par le «Projet sur des lieux de conflits armés et les données d’événements» (Armed Conflict Location and Event Data Project – ACLED), en partenariat avec Hampton Stall de MilitiaWatch, détaille la «convergence» à l’échelle nationale des groupes d’extrême droite à l’approche des élections de 2020.

Le rapport, intitulé «Sur un pied d’alerte: les milices d’extrême droite et les élections américaines», avertit que ce processus constitue «une menace sérieuse pour la sécurité des électeurs américains. Tout au long de l’été et jusqu’à l’élection générale, ces groupes se sont affirmés, avec des activités qui vont de l’intervention dans les manifestations à l’organisation de complots pour l’enlèvement de personnes élues».

Le rapport, rédigé par Stall, Roudabeh Kishi et Clionadh Raleigh, est le fruit d’un examen minutieux, sur cinq mois, des données compilées sur l’activité de plus de 80 milices aux États-Unis cette année. Le rapport conclut: «Les données de l’ACLED et de MilitaWatch indiquent que les milices de droite ont régulièrement intensifié leurs activités, et ont pris une place de plus en plus importante dans l’environnement politique national».

Le rapport indique que Donald Trump est le principal responsable. «Un réalignement majeur a eu lieu dans les milices aux États-Unis, qui sont passées d’une position anti-gouvernement fédéral à un large soutien pour un candidat en particulier, ce qui a généralement positionné le mouvement de milices aux côtés d’un parti politique», explique-t-il. «Cela a eu pour conséquence de renforcer le lien entre les identités de ces groupes et la politique sous le gouvernement Trump».

Selon les auteurs du rapport, «Bien qu’on a signalé des activités de milice dans au moins 34 États et à Washington D.C. depuis la fin mai 2020, des endroits spécifiques existent où le risque d’activités de milices est plus élevé pendant la période électorale à venir et ses suites immédiates. Par exemple, les endroits qui ont connu un engagement important dans les manifestations contre le confinement dû au coronavirus sont à haut risque».

Les États présentant «le plus grand risque» de violence fasciste le jour des élections sont la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin et l’Oregon. Les États présentant un «risque modéré» sont la Caroline du Nord, le Texas, la Virginie, la Californie et le Nouveau-Mexique.

Des groupes fascistes de tout le pays jouissent du soutien des forces de l’ordre, indique le rapport. Il explique que la menace est plus grande dans «les espaces où les membres des milices cultivent des relations personnelles avec la police ou les forces de l’ordre; ou dans lesquels les forces de l’ordre pourraient avoir une attitude amicale à l’égard de la présence ou de l’activité des milices».

Cela rend le silence relatif des grands médias et du Parti démocrate d’autant plus dangereux et politiquement criminel. Plus se multiplient les détails sur la portée nationale du complot, ses liens possibles avec l’équipe Trump et le Parti républicain, plus les démocrates gardent le silence.

Dans un important discours prononcé avant-hier à Philadelphie au nom de Biden, l’ancien président Barack Obama n’a fait aucune référence au complot qui visait à tuer deux gouverneurs en exercice de son propre parti. Bien que la presse ait universellement déclaré que le discours était «cinglant», Obama n’a pas fait une seule référence à Whitmer, Northam, le Michigan, la Virginie, les Proud Boys, les milices, l’extrême droite, la dictature, ou bien la déclaration de Trump selon laquelle les fascistes devraient «se tenir prêts» pour le jour de l’élection.

Le Parti démocrate a pratiquement abandonné l’affaire de peur qu’en alertant le public sur la menace de dictature, il ne radicalise la population et ne suscite une opposition sociale à tout l’establishment politique.

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