Perspectives

La pandémie et le bilan politique du SEP lors de l’élection de 2020

David North a prononcé ce rapport le 1er novembre lors de la réunion finale de la campagne électorale 2020 du Parti de l’égalité socialiste, intitulée «À la veille des élections de guerre civile».

L’élection présidentielle de 2020 se tient au milieu d’une crise mondiale, déclenchée par une pandémie, qui ne peut être comparée qu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 et de la Seconde Guerre mondiale en 1939.

À l’heure où nous nous réunissons, le nombre de morts dans le monde a atteint, selon les statistiques officielles disponibles, 1.196.000. Le plus grand nombre de décès se situe aux États-Unis, où, à la date d’hier, 236.072 personnes ont perdu la vie. Au Brésil, 159.884 personnes sont mortes. Le bilan est de 122.111 morts en Inde, 91.743 au Mexique, 46.791 en Grande-Bretagne, 38.618 en Italie, 36.826 en France et 10.494 en Allemagne. Ces chiffres officiels sous-estiment le nombre total de décès.

Le virus COVID-19 se propage maintenant de manière incontrôlée. Au cours des deux dernières semaines, le nombre de décès a augmenté de 24,5 pour cent en Espagne, 129 pour cent en Pologne, 135 pour cent en Grande-Bretagne, 200 pour cent en France, 323,7 pour cent en Italie et 2286 pour cent en Allemagne par rapport aux deux semaines précédentes.

À la veille des élections de guerre civile

Aux États-Unis, où l’on n’a jamais maîtrisé la propagation du virus, la pandémie progresse dans pratiquement tous les États. L’interaction des efforts délibérés du gouvernement Trump pour propager le virus; de la politique plus large de réouverture des écoles; de l’obligation pour les travailleurs de rester au travail malgré des conditions dangereuses; de la priorité donnée au profit sur la vie; et de la baisse stupéfiante du niveau culturel de la population produite par 40 ans de politiques sociales réactionnaires ont entraîné la catastrophe actuelle.

Quelle que soit l’issue de l’élection de mardi, le nombre de morts continuera d’augmenter à un rythme qui effraie dans les semaines et les mois à venir. Dans sa dernière déclaration, Anthony Fauci a déclaré sans ambages que les États-Unis se précipitent vers la catastrophe: «Nous allons souffrir beaucoup. Ce n’est pas une bonne situation. Toutes les étoiles sont très mal alignées, alors qu’on entre dans la saison d’automne et d’hiver, où les gens se rassemblent chez eux à l’intérieur. On se trouve dans la pire des situations».

Si quelque chose est apparu clairement au cours des huit ou neuf derniers mois, c’est qu’il est tout à fait inadéquat de concevoir la pandémie en termes purement médicaux. Il s’agit avant tout d’une crise politique. Bien sûr, le virus tue des gens. Mais la réponse à la pandémie – l’échec ou, plus exactement, le refus de mettre en œuvre des politiques qui sauveraient des vies – ce sont les intérêts financiers de la classe capitaliste qui la déterminent. Toute discussion sur les politiques nécessaires pour combattre le virus qui exclurait l’examen des intérêts socio-économiques qui bloquent une réponse efficace à la pandémie est sans valeur.

De plus, l’échec à contenir la pandémie n’est pas seulement le produit des mauvaises politiques de quelques dirigeants politiques ignorants ou même criminels. Le fait que la pandémie fasse rage dans le monde entier; que le nombre de morts augmente rapidement dans les pays capitalistes avancés d’Europe occidentale; que le plus grand nombre de décès soit enregistré dans le pays capitaliste-impérialiste le plus riche et le plus puissant, les États-Unis: tout cela met en accusation l’ensemble du système capitaliste mondial.

Les affirmations selon lesquelles l’impact de la pandémie ne pouvait pas être prévu sont des mensonges évidents. Les scientifiques émettent des avertissements détaillés depuis des années. Mais comme tout autre problème social et sociétal majeur, les intérêts financiers des élites dirigeantes déterminent la réponse des gouvernements.

Une grande crise historique – et la pandémie est de cette ampleur – révèle et met à l’épreuve les perspectives et les programmes de tous les partis. Le bilan en vies humaines que j’ai déjà cité constitue une condamnation dévastatrice du programme et des politiques de tous les gouvernements capitalistes et partis de la classe dirigeante.

Mais comme il s’agit du dernier événement public de la campagne électorale du Parti de l’égalité socialiste, le moment est bien choisi pour examiner la réponse de notre parti à cette crise historique. Comment le SEP a-t-il fait face à la crise?

Le premier événement public de la campagne électorale présidentielle du SEP s’est tenu à Ann Arbor, dans le Michigan, le 24 février, il y a un peu plus de huit mois. À cette date, le nombre total de morts dans le monde s’élevait à 2699. À cette date, aucun décès n’était survenu aux États-Unis. Mais le Parti de l’égalité socialiste mettait déjà en garde contre le danger que représentait le déclenchement de la pandémie. En présentant le camarade Joseph Kishore comme candidat à la présidence du SEP, et en parlant au nom du parti, j’ai déclaré:

Les problèmes nationaux sont, par essence, des problèmes mondiaux, qui nécessitent des solutions mondiales coordonnées. Les puissances impérialistes sont engagées dans un renforcement militaire frénétique à la poursuite de leurs objectifs géopolitiques criminels. La Chine et la Russie renforcent également leurs forces militaires.

Mais alors que les États nationaux se préparent à se battre pour des marchés et des portions de territoire, le coronavirus ne tient pas compte des frontières et se répand dans le monde entier. Le virus, qui voyage sans passeport et sans prendre la peine de demander un visa, est totalement indifférent à la nationalité, l’ethnicité, la couleur de peau ou la religion de ses victimes potentielles.

Le 6 mars, le Parti de l’égalité socialiste a publié une déclaration intitulée «Ce qui doit être fait pour lutter contre la pandémie». À cette date, le nombre total de décès dus au COVID-19 dans le monde était de 3493. 15 décès avaient eu lieu aux États-Unis. Le WSWS a déclaré:

La pandémie de coronavirus continue de se propager dans des dizaines de pays à travers le monde dans ce qui est l’une des pires épidémies de maladies infectieuses depuis un siècle, menaçant la vie de millions de personnes.

Réfutant le rejet criminellement malhonnête de la Maison-Blanche sur la gravité de la maladie, le nombre de cas aux États-Unis continue d’augmenter rapidement. La réponse à tous les niveaux de gouvernement a été négligente et incompétente, révélant un manque total de planification et de préparation dans le pays capitaliste le plus riche du monde…

L’indifférence de l’administration Trump pour la santé de la population n’est pas meilleure, et peut-être pire, que l’attitude des pharaons de l’Égypte ancienne envers les esclaves. Les médias ont passé beaucoup plus de temps à déplorer la chute des valeurs boursières à Wall Street que la perte de vies humaines…

Cette catastrophe sociale doit être évitée. Toutes les couches de la classe ouvrière, les jeunes et les étudiants doivent exiger que les gouvernements prennent des mesures d’urgence pour arrêter la propagation du virus et fournir les soins nécessaires à tous ceux qui sont infectés par la maladie. Cela nécessite une réaffectation massive des ressources sociales.

Le principe qui doit guider la réponse est que les besoins de la société l’emportent sur les intérêts du profit. Les calculs capitalistes de la valeur des actions et des profits ne doivent pas être autorisés à limiter, à saper ou à empêcher la lutte contre la maladie.[1]

Le 13 mars, le nombre de décès causés par le COVID-19 s’élevait à 5493 dans le monde, dont 48 aux États-Unis. Le WSWS a publié un article intitulé «Le capitalisme est en guerre contre la société»:

Le déclenchement de la pandémie et ses conséquences ne peuvent être compris que dans le contexte du développement du capitalisme mondial au cours des quatre dernières décennies. Ces quatre décennies ont révélé toutes les caractéristiques socialement réactionnaires d’un système fondé sur la propriété privée des moyens de production. Dans ce système, toutes les considérations de besoin social sont subordonnées à la recherche du profit et d’une vaste richesse personnelle. La devise de l’oligarchie capitaliste est: «Si l’accumulation de nos milliards nécessite la mort de millions de personnes, qu’il en soit ainsi.»[2]

Le 17 mars, le nombre de morts dans le monde entier dus au COVID-19 était passé à 8046. Aux États-Unis, 121 personnes étaient décédées. Le comité national du Parti de l’égalité socialiste a publié «Un programme d’action pour la classe ouvrière». Cette déclaration a fourni une analyse détaillée du refus global des gouvernements capitalistes de prendre les mesures nécessaires pour arrêter la propagation du virus. Le comité national a déclaré:

Dans la mesure où la propriété privée fait obstacle aux mesures d’urgence, on doit s’en défaire. Toutes les industries que le gouvernement renfloue doivent plutôt être converties en services publics sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, et être réorientées vers la production de biens de première nécessité.

Si une guerre avait éclaté, les élites dirigeantes auraient restructuré la vie économique pour produire les instruments de la mort. Mais la classe ouvrière doit maintenant produire les instruments de la vie.

Deux intérêts irréconciliables de deux classes s’opposent. Les capitalistes se battent pour garantir leurs profits et s'assurer que leurs biens et leurs richesses restent intacts. Selon eux, on ne doit prendre aucune mesure qui empiète sur leurs intérêts. La classe ouvrière se préoccupe des intérêts de la grande masse de l’humanité, en partant non pas du profit privé, mais de la nécessité sociale.

Nous soulevons ces revendications afin de mobiliser les travailleurs, d’élever leur conscience de classe, de développer leur compréhension de la nécessité d’une solidarité internationale de classe et d’augmenter leur confiance politique. Nous ne faisons confiance à aucun gouvernement capitaliste pour combattre la pandémie, et nous nous attendons à ce qu’il résiste à ces exigences. Ce qui peut ou ne peut pas être réalisé sera déterminé dans la lutte.[3]

Au cours de la dernière semaine de mars, le Congrès a voté à la quasi-unanimité pour verser des billions de dollars à Wall Street et faire grimper la valeur des actions en chute libre dans le cadre d’une opération de sauvetage qui a largement dépassé le renflouement de 2008-2009. Une fois les dispositions du plan de sauvetage convenues et la loi CARES adoptée, le gouvernement et les deux partis capitalistes ont abandonné leurs efforts pour arrêter la propagation du virus. La politique d’«immunité collective», qui encourageait l’infection de larges pans de la population, est entrée en vigueur. C’est Thomas Friedman, le chroniqueur principal du New York Times, qui a donné le signal pour cette trajectoire meurtrière en vantant avec enthousiasme les politiques inhumaines mises en place par le gouvernement suédois.

Depuis la fin du mois de mars, 230.000 Américains ont perdu la vie à cause du COVID-19. Le total des pertes de vies humaines dans le monde depuis la fin du mois de mars s’élève à plus d’un million.

Tout au long de la campagne électorale, les politiques du Parti de l’égalité socialiste se sont basées sur une analyse marxiste de la crise capitaliste mondiale, sur les intérêts contradictoires des grandes classes sociales et de la logique de la crise internationale. Notre programme électoral a été conforme aux principes qui guident la lutte pour l’indépendance politique de la classe ouvrière; la lutte pour le pouvoir des travailleurs; et la construction d’une société socialiste aux États-Unis et dans le monde. Le SEP n’a pas de programme spécial pour les élections, déterminé par des calculs pragmatiques à court terme et follement impressionnistes de la prétendue réalité électorale. Le SEP reste un parti socialiste révolutionnaire pendant une année électorale.

Ce point essentiel doit être souligné lorsqu’on proclame de toutes parts que Trump et Biden sont engagés dans un conflit existentiel titanesque, dans lequel les forces du bien et du mal s’opposent de manière flagrante. Jamais le conflit entre deux factions de l’oligarchie américaine n’a été dépeint en des termes aussi monumentaux. On pourrait presque oublier que d’innombrables banques aux États-Unis et à l’étranger financent les plans d’affaires semi-criminels de Trump depuis près d’un demi-siècle, et bien avant son accession à la Maison-Blanche; et que Joseph Biden, le sénateur du grand paradis fiscal des entreprises du Delaware, qui a occupé ce poste pendant des décennies, a été l’auteur d’innombrables lois socialement régressives et oppressives.

Le New York Times – qui a répondu le mois dernier à l’infection bien méritée de Trump au COVID-19 par un éditorial qui lui souhaite un prompt rétablissement – prétend faire la leçon aux socialistes sur les raisons pour lesquelles ils doivent soutenir Biden «sans excuses ni embarras – et même avec un peu d’enthousiasme».

Le Parti de l’égalité socialiste rejette avec mépris ces appels cyniques à la collaboration de classe, à l’abandon d’une position de classe indépendante.

Ce n’est pas que le Parti de l’égalité socialiste sous-estime le danger que représente Trump, bien au contraire. Le SEP n’a cessé de mettre en garde contre le fait que Trump cherche à construire un mouvement fasciste. Mais nous avons également expliqué que Trump n’est pas seulement un gangster fou et cruel, mais le produit de la crise et des contradictions du capitalisme.

La lutte contre Trump et l’émergence du fascisme américain ne peuvent être développées tant que la classe ouvrière demeurera politiquement liée au Parti démocrate.

Le SEP a une politique non seulement pour le 3 novembre, mais pour tous les jours qui suivent l’élection. Les camarades Joe Kishore et Norissa Santa Cruz, ainsi que les autres intervenants, expliqueront plus en détail la politique de notre parti. Ils examineront les différents aspects de la crise politique. Mais ils souligneront tous que la seule réponse efficace aux efforts de Trump pour créer un régime fasciste est celle qui est basée sur la mobilisation sociale et politique indépendante de la classe ouvrière. Cette mobilisation doit commencer par préparer la résistance populaire de masse à toute tentative de Trump et des bandes fascistes qui bénéficient de ses encouragements de supprimer des votes et de renverser les résultats de l’élection.

Il n’y aura pas de retour à la «normale» après le 3 novembre. L’extrême tension qui entoure cette élection est l’expression de l’état explosif de la société américaine. Le capitalisme, rongé par les inégalités sociales, poussant à la guerre, est incompatible avec la démocratie. Pour que la démocratie survive aux États-Unis, elle doit être reconstituée sur des bases entièrement nouvelles, c’est-à-dire socialistes.

C’est pourquoi nous espérons qu’après avoir entendu les intervenants d’aujourd’hui, tous ceux qui participent à ce rassemblement Internet prendront la décision de rejoindre le Parti de l’égalité socialiste.

Nous ne sommes pas des faiseurs de miracles. Nous ne faisons pas de promesses et nous ne promettons pas de remèdes instantanés. Nous faisons face à une vaste crise historique sur laquelle repose le destin de l’humanité. Il n’y a pas de solution facile.

Nous sommes un parti révolutionnaire qui dit la vérité à la classe ouvrière. Si la classe ouvrière veut empêcher l’établissement de la dictature la plus horrible que le monde ait jamais connue, elle doit entreprendre la lutte pour le pouvoir. Ceux qui écoutent et qui sont d’accord avec cette perspective doivent prendre la décision de construire le mouvement qui lutte pour mettre fin au capitalisme, qui se base sur les leçons de l’histoire et qui a confiance dans la force de la classe ouvrière.

Trotsky l’a dit très bien et très simplement en 1938 lorsqu’il parlait du danger de l’arrivée du fascisme aux États-Unis. Il a dit que les travailleurs devront accepter le socialisme ou ils seront forcés d’accepter le fascisme. Nous devons dire la vérité. Nous ne pouvons assumer la responsabilité que pour nous-mêmes. C’est la conception qui guide notre mouvement.

Nous nous sommes battus tout au long de cette campagne pour expliquer les enjeux politiques à la classe ouvrière. Les citations que je viens de lire ne sont qu’un petit nombre des centaines d’articles et de déclarations que nous avons publiés cette année. Chaque mot que nous avons publié a été confirmé par les événements, de sorte que nous pouvons parler de l’avenir avec confiance.

Nous ne travaillons pas seulement pour le 3 novembre, ou le 4 novembre, ou pour le mois de novembre. Nous nous préparons aux grandes luttes qui nous attendent et nous sommes convaincus que nous trouverons une réponse de plus en plus large à mesure que les travailleurs reconnaîtront la justesse de notre analyse.

Notes:

[1] Ce qui doit être fait pour lutter contre la pandémie (7 mars 2020)

[2] Le capitalisme est en guerre contre la société (14 mars 2020)

[3] Comment lutter contre la pandémie de COVID-19: un programme d’action pour la classe ouvrière (17 mars 2020)

(Article paru en anglais le 2 novembre 2020)

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