Le syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile annonce un accord de principe avec General Motors

Lors d'une conférence de presse jeudi matin, le président d'Unifor, Jerry Dias, a annoncé qu'un accord avait été conclu avec General Motors dans le cadre des négociations pour un nouveau contrat de trois ans. L'accord de principe est intervenu environ trois heures après le dépassement du délai de grève de mercredi à 23h59. Mais le syndicat a demandé à ses membres restants chez GM Canada de s'abstenir de faire du piquetage car une «percée» était en vue.

Un vote de ratification aura lieu dimanche pour les 1100 travailleurs de l'usine de propulsion de GM à St-Catherines, les 300 travailleurs qui emboutissent les pièces de carrosserie automobile à Oshawa, et les 75 travailleurs d'un centre de distribution de pièces GM à Woodstock, en Ontario.

L’usine d’assemblage de GM d’Oshawa

Dias a souligné un nouvel accord d'investissement entre le syndicat et le géant de l'automobile, en vertu duquel 1,3 milliard de dollars seront dépensés pour lancer la production de camions légers et lourds dans l'usine d'assemblage d'Oshawa, récemment fermée. Les camions Chevrolet Silverado et Sierra seront produits pour répondre au volume élevé de ventes de ces véhicules par GM sur le continent. Grâce à cet investissement, on s'attend à ce que 1700 emplois d'assemblage soient créés par étapes au cours de l'année 2022 à Oshawa.

Unifor a déclaré que 109 millions de dollars supplémentaires seront dépensés pour «stabiliser» la production de moteurs à St-Catharines en fournissant des capacités pour augmenter la production pour les trois prochaines années. Environ 600 emplois y étaient menacés par la baisse des volumes de production. Environ un demi-million de dollars est prévu pour maintenir les 75 emplois à Woodstock.

Contrairement aux accords conclus précédemment avec Ford et Fiat-Chrysler, qui comprenaient des centaines de millions de subventions gouvernementales aux gigantesques constructeurs automobiles en échange de la conversion de leurs principales usines pour produire des véhicules électriques, Dias a déclaré que la part «écrasante» de l'argent qui sera dépensé pour le réoutillage des installations d'Oshawa proviendra directement de GM. Il a toutefois souligné que le syndicat se joindra à GM pour faire pression sur les gouvernements fédéral et ontarien afin qu'ils versent au constructeur automobile une somme plus modeste et non spécifiée.

Malgré la conférence de presse d’autofélicitation de Dias, la proposition de retour des opérations d’assemblage à Oshawa n'est pas due à un combat entrepris par Unifor. Après que GM ait annoncé que l'assemblage devait être arrêté d'ici la fin de 2019, Unifor a sabordé plusieurs arrêts de travail lancés par des travailleurs en colère. Au lieu de cela, Dias a supplié GM de reconsidérer sa décision sur la base de son partenariat corporatif lucratif avec le syndicat, et Unifor a attisé le chauvinisme anti-mexicain, accusant effectivement les travailleurs mexicains de «voler les emplois canadiens». Cela a inclus un boycottage réactionnaire des véhicules GM fabriqués au Mexique.

Le nouvel investissement de GM à Oshawa est strictement une décision commerciale qui peut tout aussi rapidement être modifiée si les conditions actuelles du marché changent. Le prix de l'essence a baissé, rendant les camions plus abordables. En conséquence, les usines américaines de camions légers et lourds de GM fonctionnent avec des heures supplémentaires régulières depuis plusieurs années pour produire les modèles Sierra et Silverado. Lors de sa propre conférence de presse jeudi, Mary Barra, PDG de GM, a noté que la demande est si élevée que les travailleurs de plusieurs usines travaillent «24 heures sur 24.» «Le fait est que nous ne pouvons tout simplement pas en construire assez», a-t-elle déclaré, «et parce que nous nous attendons à ce que la demande reste forte, nous devons augmenter la capacité.»

Barra et les autres dirigeants de GM auront sans doute aussi calculé que grâce à la complicité d'Unifor dans la fermeture de l'usine d'Oshawa et à la conclusion forcée d'un accord de fermeture d'usine, la société a maintenant les coudées franches pour embaucher des travailleurs de deuxième niveau, mal payés, avec des droits largement inférieurs, complétés par une armée d'employés temporaires à temps partiel (TPT) sans aucun droit.

Le nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada, qui a remplacé l'ALENA, incite les constructeurs automobiles à accroître leurs investissements aux États-Unis et au Canada au détriment du Mexique. Le nouveau pacte commercial continental comprend des dispositions qui lient les exemptions tarifaires transfrontalières aux constructeurs automobiles démontrant qu'un «pourcentage significatif» des véhicules qu'ils produisent en Amérique du Nord est fabriqué par des travailleurs gagnant au moins 16 dollars (US) de l'heure. Cette exigence, qui a été défendue à la fois par Unifor et par l'UAW, basée aux États-Unis, a quelque peu réduit l'attrait de l'industrie automobile mexicaine à bas salaires.

Selon Dias, une première équipe commencera à assembler un véhicule à l'usine d'Oshawa en janvier 2022. Une deuxième équipe commencera en mars 2022, et le deuxième véhicule sera ajouté au programme en mai de la même année. Dias a spéculé qu'une troisième équipe pourrait éventuellement être possible, mais aucun plan de ce type n'a été reconnu par GM.

Seuls 175 travailleurs de l'usine d'assemblage de GM à Oshawa, qui a fermé ses portes, sont actuellement marqués comme étant «en chômage technique» et donc éligibles pour les nouveaux emplois prévus. Le reste des 2600 anciens travailleurs d'assemblage ont pris leur retraite, reçu des indemnités de licenciement ou font partie des 300 travailleurs qui restent employés dans l'usine produisant des pièces de rechange.

Par conséquent, la grande majorité de la main-d'œuvre de l'usine d'assemblage rouverte sera constituée de travailleurs de deuxième niveau nouvellement embauchés. Ils seront donc soumis à une longue période de rattrapage de huit ans pour atteindre le salaire «normal». Ils bénéficieront également d'avantages inférieurs et seront inscrits de façon permanente à un régime de retraite de qualité inférieure. GM pourra également faire appel à des employés temporaires à temps partiel encore plus mal payés, qui ont été impitoyablement exploités par les trois constructeurs automobiles de Detroit pour faire baisser encore plus les coûts de la main-d'œuvre.

L'annonce de Dias ne contenait aucun détail sur les salaires, les avantages et les conditions de travail, bien que le président d'Unifor ait affirmé que l'accord du syndicat avec GM était conforme au «contrat type» négocié chez Ford et Fiat-Chrysler.

Des travailleurs de GM à St-Catharines, s'adressant au Bulletin d'information des travailleurs de l'automobile (Autoworker Newsletter) du World Socialist Web Site, ont exprimé leur malaise face au silence de Dias sur cette question. «Nous ne faisons pas confiance à Jerry», a déclaré un travailleur d’expérience. D'autres se sont inquiétés du fait que la viabilité à long terme de l'usine reste remise en question, étant donné que seul le volume supplémentaire et non les nouveaux produits ou les possibilités de voitures électriques sont dirigés vers St-Catharines. Lors de la ratification du contrat Fiat-Chrysler le mois dernier, des craintes similaires à l'usine d'assemblage de Brampton ont réduit le vote d'acceptation à un niveau historiquement bas de 59%.

Malgré les fanfaronnades de Dias, il a présidé pendant son mandat à une diminution constante des emplois dans l'assemblage automobile au Canada, combinée à une réduction inexorable des salaires et des avantages sociaux en raison d'une succession de reculs contractuels négociés par Unifor. Ces attaques sont le résultat de la perspective nationaliste-corporatiste du syndicat canadien, qui prétend que les travailleurs de l'automobile au Canada, aux États-Unis et au Mexique doivent se faire concurrence pour les investissements et les produits, et que les emplois et les salaires des travailleurs doivent être subordonnés à la rentabilité des sociétés.

Il y a tout lieu de penser que Dias et Unifor ont accepté, dans leur accord avec GM, de faire des concessions supplémentaires sur les règles de travail qu'ils gardent secrètes pour les travailleurs. Au nom du maintien de l'ouverture des usines menacées et de la garantie de nouveaux investissements, le syndicat a à plusieurs reprises fait des «accords parallèles» spéciaux. Ainsi, l'usine GM d'Ingersoll, qui a commencé comme une coentreprise avec Suzuki, a été autorisée à rester en dehors de l'«accord type» jusqu'à ce jour.

Dans le cadre des négociations actuelles des Trois de Detroit, le syndicat est resté silencieux jusqu’à la fin du vote de ratification sur le fait qu'il avait accepté que Fiat-Chrysler introduise le détesté horaire de travail alterné (AWS) dans ses usines canadiennes. En vertu de l'AWS, la direction de l'usine a toute latitude pour obliger les travailleurs à travailler sur des quarts de travail allant jusqu'à 12 heures ou plus, et les travailleurs perdent pratiquement tous leurs droits au paiement des heures supplémentaires.

Unifor n'a pu imposer son programme anti-travailleurs qu'en recourant à des méthodes ouvertement antidémocratiques. Comme d'habitude, les travailleurs de GM devront prendre Dias au mot quant au contenu du contrat proposé lorsqu'ils assisteront à la réunion de ratification en ligne et voteront ce dimanche. En violation flagrante de la demande largement soutenue des membres de la base d’Unifor pour la publication complète de tout accord de principe bien avant le vote de ratification, Unifor présentera une brochure biaisée des «points saillants» juste deux ou trois heures avant le début de la réunion.

(Article paru en anglais le 6 novembre 2020)

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