Les enseignants irlandais votent pour la grève alors que les taux d'infection s’envolent

Les écoles de la République d'Irlande ont rouvert la semaine dernière après les vacances de Toussaint de deux semaines, malgré le vote des enseignants du secondaire pour une grève contre les conditions de travail dangereuses si des mesures de sécurité liées au COVID-19 n'étaient pas mises en place au 30 octobre.

6759 enseignants, membres du syndicat de l'Association of Secondary Teachers in Ireland (ASTI), ont voté à une large majorité en faveur d'une action allant jusqu'à et y compris la grève, pour obtenir:

  • Une nouvelle définition de «contact rapproché» décrit comme étant plus de 15 minutes dans une salle de classe avec un cas COVID-19 positif
  • Un programme de tests en série pour les écoles
  • Une garantie de résultats de tests en 24 heures
  • Des dispositions permettant aux enseignants à haut risque d'enseigner à domicile ou d'avoir des «aménagements raisonnables» à l'école
  • Des ordinateurs portables gratuits en cas d'auto-isolement des élèves et des enseignants ou de fermeture d'écoles

Mais le vote tardif de l'ASTI, annoncé le 19 septembre, était un écran de fumée pour masquer le rôle que la direction d'ASTI, comme tous les syndicats, a joué pour se conformer pleinement aux exigences du gouvernement de rouvrir les écoles alors que la pandémie de coronavirus se propage.

La présidente de l’ASTI Ann Piggot (crédit: Association of Secondary Teachers- page Facebook)

Bien que les enseignants aient voté à une nette majorité pour la grève, la présidente de l'ASTI, Ann Piggot, est passée à la télévision avec le message inverse. Elle a déclaré à Susan Keogh de Newstalk Breakfast: « Je veux assurer à tous les parents de ce pays que les écoles du second degré seront sans aucun doute ouvertes lundi matin et que l'ASTI ne les empêchera pas d'ouvrir. Si nous faisons grève, c'est un pis-aller, nous n'avons pas l'intention de fermer les écoles. »

Le syndicat travaille également en étroite collaboration avec le gouvernement irlandais.

Immédiatement après le vote, Taoiseach (premier ministre) Micheál Martin a adopté la même ligne que Piggot. Martin a insisté sur le fait que les écoles ouvriraient indépendamment du vote et a déclaré qu'il y avait une « bonne relation de travail entre toutes les parties, et il y a une détermination de toutes les parties à garder nos écoles ouvertes ». C'était, selon Martin, un « objectif national très, très important pour le pays ».

L’Organisation nationale irlandaise des enseignants (INTO), qui compte environ 47 000 membres, fonctionne également comme un vecteur de la politique gouvernementale. Le jour du vote de grève des enseignants de l'ASTI, le secrétaire général d'INTO, John Boyle, a publié une déclaration qui ne mentionnait pas du tout le vote de l'ASTI. Au contraire, il a simplement insisté pour dire que: « Il appartient au gouvernement de faire correspondre son désir de garder les écoles ouvertes avec un engagement à travailler avec les acteurs de l'éducation et à doter le système des ressources pour mieux faire face aux effets de la pandémie dans les écoles primaires et spéciales. »

Cet «engagement envers les acteurs de l'éducation», se résumait en une ligne téléphonique pour accéder aux responsables du service de santé que seuls les directeurs d'école pourraient utiliser s'ils constataient un cas de COVID-19 dans leur école. INTO a insisté pour que ce numéro ne soit pas mis à la disposition des enseignants, des parents ou des élèves, clairement dans le but de garantir que les écoles restent ouvertes dans la mesure du possible.

De son côté, le Syndicat des enseignants d'Irlande a adopté la même position, appelant le 3 novembre à « un engagement continu et solide » entre les syndicats, le ministère de l'Éducation et les autorités de santé publique pour «garantir que les préoccupations des enseignants soient pleinement prises en compte».

Ceci malgré des taux d'infection dangereux à travers le pays.

Ayant rejeté les demandes répétées de l'Équipe nationale des urgences de santé publique (NPHET) pour un confinement intensifié, le gouvernement a soudainement changé d'avis à la fin du mois dernier suite aux indications faisant état d'une «détérioration rapide» de la situation et une reconnaissance du fait que les hôpitaux et unités de soins intensifs se remplissaient rapidement.

Les derniers chiffres du Centre de surveillance de la protection de la santé (HPSC) font état de 64 538 infections en République d’Irlande et de 1 940 décès. Bien que le taux d'infection ait quelque peu ralenti, vendredi dernier, le 6 novembre, 499 autres cas et 8 décès furent enregistrés. Environ 4,3 pour cent des tests effectués la semaine dernière étaient positifs. Parmi les nouveaux cas, 175 se trouvaient à Dublin, 72 à Cork, 29 à Limerick, 26 à Mayo et 21 à Meath, le reste étant réparti dans tout le pays.

A l’instar des actions des gouvernements de toute l'Europe, le gouvernement irlandais a introduit en octobre des mesures de confinement tardives et partielles visant à freiner les interactions sociales et les déplacements tout en maintenant les activités et la production des entreprises, les écoles ouvertes et le flux continu des profits. Ces mesures comprenaient une restriction des déplacements à un périmètre de 5 km, l’interdiction de visites en dehors de la parenté d’un même ménage et d’événements en plein air ou en intérieur en dehors des mariages et des funérailles. Les cafés, bars et restaurants sont limités aux services de plats à emporter et aux livraisons.

Le gouvernement a également accordé à la police le pouvoir de descendre dans les domiciles pour disperser les réunions, qui constituent désormais une infraction en vertu d’une nouvelle législation élaborée le mois dernier. 2 500 agents supplémentaires sont maintenant en service avec le pouvoir d'imposer des amendes immédiates et des peines de prison.

Ceci est conforme à l'insistance des grands médias et du gouvernement que la majorité des nouveaux cas du virus se produisent à domicile.

Pourtant, après l'ouverture des écoles en août, après les vacances d'été, les responsables de la santé publique ont annoncé, dès le 19 septembre, que des flambée du virus avaient eu lieu dans quatre écoles de Cork. Au cours des semaines suivantes le nombre de cas ont augmenté. Au total, 599 cas ont été détectés dans les quelque 4 000 écoles primaires et secondaires d'Irlande, et 156 clusters (foyers d’infection) - soit plus d'un cas par école - ont été enregistrées. Trente d'entre eux ont été enregistrés la semaine dernière seulement et 125 de ces clusters restent actifs.

D'autres institutions sont également dangereusement infectées.

41 des 500 gardiens et membres du personnel de la prison de Midlands à Portlaoise soit ont été testés positifs, soit présentent des symptômes ou bien s'isolent chez eux. Cinq des 810 détenus ont également été testés positifs. Les autorités pénitentiaires ont restreint les déplacements au sein de la prison et réduit le temps que les détenus peuvent passer hors de leurs cellules. On pense que l'infection des Midlands s'est propagée à la suite d'une réunion disciplinaire à laquelle ont participé un détenu et trois membres du personnel. La république d’Irlande compte 13 prisons et c'est la première fois que la transmission interne a été confirmée.

Selon les responsables du HSE, cinq foyers d’accueil font face à de graves incidents «rouges» d’épidemie, tandis que 35 autres ont des éruptions classées «orange». Une épidémie «rouge» est considérée comme se produisant lorsque, en plus des cas positifs de COVID-19, le foyer a une pénurie de personnel, des pénuries d'EPI ou un mauvais contrôle des infections. Environ la moitié de tous les cas de COVID-19 ont été dans des maisons de retraite.

Le 6 novembre, on a signalé que trois unités psychiatriques ont dû refouler de nouvelles admissions après que 55 cas ont été détectés parmi les patients et le personnel. 18 personnes sont décédées du COVID-19 dans des unités psychiatriques depuis le début de la pandémie.

Dans l'ensemble, une infection au COVID-19 sur cinq concerne des agents de santé. Le HSE a rapporté le 21 Octobre, le jour où le confinement actuel a été introduit, qu'il y avait 1697 personnels de la santé en congé de maladie à cause du virus. C'était cinq fois plus que le niveau de cet été. L'Irlande a l'un des taux les plus élevés d'infection de travailleurs de la santé diagnostiquée en Europe. Les syndicats de la santé en ont été aussi complices que leurs homologues dans l’enseignement.

Des milliers de cas ont également été signalés dans des abattoirs.

Les travailleurs ne peuvent pas aller de l'avant avec les syndicats. De nouvelles organisations partant de la base, des comités d'action, indépendants de la direction et de l'appareil syndical, sont nécessaires d'urgence. Ils doivent encourager la mobilisation la plus large de la classe ouvrière, au-delà des divers secteurs, industries, communautés et frontières nationales, pour s'opposer aux politiques d '«immunité collective» et de meurtre de masse de la classe dirigeante. En cela, comme dans tous les domaines, les travailleurs irlandais sont confrontés à une lutte commune avec leurs frères et sœurs de classe de toute l'Europe et du monde.

Nous appelons les enseignants, les parents et les élèves à rejoindre aujourd'hui le comité de sécurité des enseignants de la base mis en place par le Parti de l'égalité socialiste et à prévoir d'assister à notre prochaine réunion en ligne le samedi 14 novembre à 14 heures.

(Article paru en anglais le 9 novembre 2020)

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