Après avoir soutenu un rassemblement néofasciste à Washington

Trump signale qu’il continue les préparatifs d’un coup d'État électoral lors d’une intervention à la Maison-Blanche

Le président Donald Trump a mis fin vendredi à ses neuf jours de silence en annonçant son programme «Warp Speed» à la Maison-Blanche et revendiquant les récents progrès réalisés dans la certification d’un vaccin contre le coronavirus. L’événement était une tentative de minimiser l’augmentation exponentielle des cas de COVID-19 et des hospitalisations ainsi que le nombre croissant de décès aux États-Unis, et de réaffirmer l’opposition de son gouvernement à un confinement.

Il visait aussi clairement à marquer la poursuite de son effort historiquement sans précédent et anticonstitutionnel pour renverser les résultats de l’élection présidentielle et établir une dictature personnaliste.

Peu avant d’entamer ses remarques à la roseraie vendredi après-midi, Trump a tweeté son soutien aux forces d’extrême droite et fascistes qui prévoyaient de se rassembler samedi à Washington pour soutenir son refus de concéder l’élection à Joe Biden et ses efforts pour rester au pouvoir en annulant la nette victoire de Biden tant au niveau des votes populaires que du Collège électoral.

n fonctionnaire électoral du comté de Chatham pose une pancarte dans la zone d’observation publique avant le début de l’audit des bulletins de vote, le 13 novembre 2020, à Savannah en Géorgie [Source: AP Photo/Stephen B. Morton]

«Il est réconfortant de voir tout le soutien extraordinaire qui existe,» a écrit Trump, «surtout les rassemblements organiques qui se développent dans tout le pays, y compris un gros à Washington. Je vais peut-être même essayer de m’arrêter pour dire bonjour. L’élection a été truquée, d’un bout à l’autre!»

Au cours de ses remarques à la roseraie vendredi, Trump a fait référence au prochain gouvernement, en disant: «Qui sait de quel gouvernement il s’agira? Le temps nous le dira».

Les rassemblements «organiques» auxquels Trump a fait référence ont jusqu’à présent été de petits rassemblements de milices et d’autres éléments d’extrême droite dans les capitales d’États critiques qui sont passés de Trump à Biden le 3 novembre, notamment le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie, l’Arizona et la Géorgie, dont la campagne de Trump conteste tous les résultats.

En suggérant qu’il pourrait se présenter au rassemblement de Washington, Trump espérait clairement augmenter le taux de participation. Plusieurs rassemblements pro-Trump sont prévus, qui se tiendront autour de Freedom Plaza. Au moins un rassemblement antifasciste de gauche est également prévu à proximité.

Des groupes fascistes armés tels que les Proud Boys et les Oath Keepers font la promotion des manifestations pro-Trump. «Women for America First» organise un rassemblement qui, selon l’organisation, sera animé par la représentante républicaine élue Marjorie Taylor Greene de Géorgie, une partisane ouverte de la théorie fasciste de la conspiration QAnon. Sebastian Gorka, ancien conseiller antiterroriste de Trump, qui a des liens avec des groupes antisémites en Hongrie, devrait également prendre la parole.

Parmi les autres personnes qui ont promu les rassemblements, citons le fondateur d’Infowars et provocateur d’extrême droite Alex Jones, le président des Proud Boys, Enrique Tarrio, le «nationaliste américain» autoproclamé, Nicholas Fuentes, Jack Posobiec, qui a promu la théorie de conspiration du «Pizzagate» lors des élections de 2016, et Scott Presler, un partisan pro-Trump du groupe antimusulman ACT for America.

Trump est bien conscient que son attaque frontale contre les droits démocratiques est largement impopulaire et que toute tentative d’empêcher Biden de devenir président provoquera une opposition explosive de la part des travailleurs et des jeunes, y compris bon nombre de ses propres électeurs. C’est pourquoi il encourage les forces fascistes à intervenir et remplit le Pentagone de loyalistes d’extrême droite.

Lundi, il a renvoyé son secrétaire à la Défense, Mark Esper, qui s’était opposé à son plan de juin dernier qui visait à mobiliser des troupes en service actif pour réprimer les manifestations nationales contre les assassinats policiers. Il a remplacé Esper par un vétéran des forces spéciales, Christopher Miller, le nommant secrétaire à la Défense «par intérim», et a installé des islamophobes et des fascistes ouverts à des postes de haut niveau au Pentagone. Parmi eux se trouve le général à la retraite et commentateur de Fox News Anthony Tata, qui a qualifié Obama de «chef terroriste» et de musulman.

L’événement de la roseraie a également permis à Trump de présenter son vice-président Mike Pence, qui préside le groupe de travail de la Maison-Blanche sur le coronavirus. Pence est resté largement hors de vue depuis que les réseaux ont annoncé l’élection de Biden samedi dernier et que Trump a intensifié son coup d’État électoral. L’événement de vendredi visait à présenter l’image d’une Maison-Blanche unie dans la bataille pour renverser l’élection.

Il visait peut-être aussi à renforcer le soutien au sein du Parti républicain. En commençant par le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, le Parti républicain a globalement soutenu les fausses allégations d'irrégularités de vote et les poursuites judiciaires frivoles, destinées à retarder la certification des votes dans les États critiques et à créer un prétexte pour les assemblées législatives des États dirigés par les républicains pour passer outre les résultats du vote et sélectionner leurs propres listes électorales favorables à Trump.

Vendredi, le Wall Street Journal, citant des sources anonymes de la Maison-Blanche, a rapporté que, lors d’une réunion tenue mercredi, Trump s’est interrogé sur les chances de voir les assemblées législatives du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie, dirigées par les républicains, chercher à imposer leurs propres listes électorales favorables à Trump.

Le Wall Street Journal a écrit:

«Une stratégie potentielle discutée par l’équipe juridique du président serait d’essayer d’obtenir des ordres de la cour pour retarder la certification des votes dans les États critiques. Cela pourrait positionner les législatures des États contrôlés par les républicains pour nommer des électeurs pro-Trump qui feraient basculer le Collège électoral en faveur du président. Ces informations proviennent des personnes qui connaissent bien les discussions qui prennent place.»

L’éditorial principal du Washington Post a mis en garde contre un tel effort des républicains du Michigan, où l’avance de Biden est de 148.000, soit 2,6 pour cent.

Des indications existent d’une certaine distanciation de Trump par des républicains du Sénat qui continuent à soutenir son attaque sur le résultat de l’élection. Et ce, dans des conditions où les tribunaux ont rejeté les poursuites entamées par les républicains les unes après les autres; où la majorité du vote populaire de Biden a dépassé les cinq millions; et où son avance dans les États contestés est restée stable.

Vendredi matin, «NBC News» a rejoint Fox et l’Associated Press en accordant l’Arizona à Biden, qui maintient une avance de plus de 11.000 voix. Il a également été rapporté que la campagne Trump a retiré sa poursuite dans cet État.

Plus tard vendredi, la Géorgie, avec ses 16 votes électoraux, a été accordée à Biden, lui donnant un total de 306 votes électoraux, le même total gagné par Trump qui avait déclaré une victoire «écrasante» en 2016.

En outre, le propre département de la Sécurité intérieure (DHS) de Trump a diffusé jeudi une déclaration d’un groupe de fonctionnaires fédéraux, étatiques et locaux déclarant que l’élection «était la plus sûre de l’histoire américaine» et qu’«il n’y a aucune preuve» que les systèmes de vote ont été compromis.

La déclaration, qui s’en prend indirectement à Trump, a ajouté: «Bien que nous sachions qu’il existe de nombreuses allégations infondées et des possibilités de désinformation sur le processus de nos élections, nous pouvons vous assurer que nous avons la plus grande confiance dans la sécurité et l’intégrité de nos élections, et vous devriez aussi être de cet avis».

Cette déclaration, distribuée par l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures du DHS, a fait suite à un tweet de Trump répétant un faux reportage selon lequel le système de machines à voter Dominion «a supprimé 2,7 millions de votes Trump dans tout le pays».

Dans ces conditions, un certain nombre d’éminents républicains du Sénat ont demandé à Trump de permettre à l’équipe de transition de Biden d’accéder aux breffages des services de renseignement. Cette équipe est actuellement bloquée en raison du refus de l’administration des services généraux, dirigée par une personne nommée par Trump, de certifier que Biden est le vainqueur apparent de l’élection.

Pour leur part, Biden et les démocrates continuent de minimiser la gravité de l’attaque contre les droits démocratiques menée par Trump, la présentant en grande partie comme une «crise de colère» d’un perdant. Ils ne disent rien des actions de Trump pour encourager la haine fasciste, y compris du complot de kidnapping et de meurtre de la gouverneure démocrate du Michigan démasqué en septembre. De nouvelles informations ont révélé que les miliciens pro-Trump avaient l’intention de prendre d’assaut le parlement de l’État et de se livrer à un véritable massacre des législateurs.

Les démocrates craignent bien plus une éruption de l’opposition sociale et politique d’en bas à une tentative de renversement de la Constitution qu’ils ne craignent une dictature fasciste. Le choix de Ron KlainLeur, un agent démocrate de longue date, à la tête de l’équipe de transition de Biden illustre l’attitude lâche et fourbe des démocrates.

Klain, qui était à l’époque l’un des principaux collaborateurs d’Al Gore, a supervisé le recomptage des voix de la campagne Gore en Floride lors de l’élection de 2000 qui s’est soldée par le vol de la Floride et donc de l’ensemble de l’élection et par l’attribution par la Cour suprême de la Maison-Blanche au perdant du vote populaire, George W. Bush. Klain s’est opposé à toute mobilisation populaire contre le vol de l’élection et a soutenu la capitulation de Gore et du Parti démocrate après que la Cour suprême ait arrêté le décompte des voix en Floride.

(Article paru en anglais le 14 novembre 2020)

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