Perspectives

Thanksgiving en Amérique: Des files d'attente pour les denrées alimentaires et des expulsions en masse à mesure que les prestations expirent

À l’approche de la fête de Thanksgiving (l’Action de grâce) aux États-Unis, une catastrophe sociale se déroule dans toute l’Amérique à une échelle jamais vue depuis la Grande Dépression des années 1930.

En date de dimanche, on totalisait plus de 12,2 millions de cas confirmés de COVID-19 aux États-Unis et près de 257.000 décès. La semaine dernière, on a enregistré une moyenne de plus de 170.000 cas par jour, soit une augmentation de 59 pour cent par rapport à la moyenne des deux semaines précédentes.

Les hôpitaux sont débordés par l’augmentation du nombre de cas. Des milliers d’infirmières dans les hôpitaux du pays ont contracté le virus, ce qui entraîne un manque de personnel dans les hôpitaux et met les soins aux patients en danger. À El Paso, au Texas, on a mobilisé une unité de 36 soldats de la Garde nationale pour travailler sur un arriéré de près de 240 corps, victimes de COVID-19, à la morgue du comté. Les corps seront chargés dans des camions frigorifiques.

Le projet Marshall, un site web journalistique à but non lucratif, rapporte qu’au 17 novembre, au moins 197.659 détenus dans les prisons d’État et locales avaient contracté le virus et 1.454 en étaient morts. C’est un chiffre probablement sous-estimé en raison du manque de reportages.

Alors que l’augmentation des hospitalisations se poursuit sans relâche, les familles de la classe ouvrière à travers le pays sont confrontées à une crise de faim et de pauvreté, parallèlement à la maladie et à la mort causées par la pandémie. Des dizaines de millions de travailleurs ont perdu leur emploi ou sont touchés par des réductions de salaire ou d’heures de travail.

Les lignes alimentaires qui s’étendent déjà sur des kilomètres, les expulsions et les saisies et la perte des prestations de santé vont augmenter de manière exponentielle lorsque ce qui reste de l’aide gouvernementale sera épuisé immédiatement après Noël.

L’organisation de lutte contre la faim, Feeding America, avertit que quelque 54 millions de résidents américains, soit un sur six, sont actuellement confrontés à l’insécurité alimentaire. De nombreuses familles avec enfants étaient déjà confrontées à la faim avant que la pandémie frappe.

À Arlington, au Texas, 6.000 familles sont arrivées vendredi pour une distribution de dindes congelées devant un stade de sport. Le 14 novembre, les habitants de Dallas ont attendu jusqu’à 12 heures pour recevoir une dinde, 10 kg de denrées non périssables, 7 kg de fruits et légumes et des sacs de pain. Les photos de la file d’attente à la banque alimentaire montraient des milliers de voitures bloquées sur quatre voies, s’étendant sur plusieurs kilomètres.

Samedi, à Los Angeles, un millier de personnes ont fait la queue à pied pour une distribution de nourriture dans une église.

Le moratoire sur les expulsions imposé par les «Centres for Disease Control and Prevention» (CDC – Centres de contrôle et de prévention des maladies) expire le 31 décembre. Comme l’ordonnance n’annule ni ne gèle les loyers, tous les arriérés de loyer seront dus le 1er janvier. On estime que 11 à 13 millions de ménages locataires risquent d’être expulsés, selon la banque d’investissement et la société de conseil mondiale Stout.

Comme le gouvernement ne fournit pas d’aide financière réelle pour aider les familles à payer leur loyer, les propriétaires ont utilisé des tactiques sans scrupules pour expulser illégalement les locataires. Ils ont laissé les conditions dans les logements se détériorer, laissant aux locataires le choix entre partir ou vivre avec des moisissures ou des infestations de punaises de lit, de cafards et d’asticots. Les familles forcées de quitter leur appartement feront face à la vie dans la rue, devront habiter avec des parents ou des amis ou dormir dans des abris. Toutes ces alternatives sont autant de facteurs qui augmentent le risque de contracter le COVID-19.

De nombreuses familles qui ont du mal à payer leur nourriture et leur logement risquent d’être privées des fonds de secours COVID-19 restants d’ici la fin de l’année. L’allocation fédérale de 600 dollars destinée à augmenter les indemnités hebdomadaires de chômage a disparu depuis longtemps. Selon la Fondation Century, 12 millions d’Américains perdront leurs allocations de chômage le 26 décembre prochain, date à laquelle deux programmes majeurs de lutte contre la pandémie expireront. 4,4 millions d’autres personnes auront déjà épuisé ces prestations avant leur expiration.

Les deux programmes qui vont expirer sont le Pandemic Unemployment Assistance (PUA), qui fournit des prestations aux travailleurs indépendants non éligibles aux programmes d’État traditionnels, et le Pandemic Emergency Unemployment Compensation (PEUC), qui prolonge de 13 semaines supplémentaires les prestations des personnes qui ont épuisé les prestations d’État. Le Congrès a mis en place ces deux programmes dans le cadre de la loi CARES, qui a permis de distribuer des billions de dollars aux entreprises et aux banques.

Le président Donald Trump ne cache pas son mépris pour la population américaine et mondiale confrontée à la mort et à l’appauvrissement. Entièrement concentré sur son complot visant à annuler l’élection et à instaurer une dictature présidentielle, il ne dit rien sur le nombre croissant de maladies et de décès ou sur l’incapacité de millions de familles à payer le loyer et à mettre de la nourriture sur la table. Samedi, il a sauté une discussion sur la pandémie lors du sommet du G20 afin de jouer une partie de golf sur son domaine en Virginie.

Il y a une semaine, Trump a fait sa première déclaration publique depuis plusieurs jours pour réitérer son opposition à un confinement de l’économie pour contenir la pandémie et sauver des vies. Quelques jours plus tard, le président démocrate élu Joe Biden a donné une conférence de presse et a déclaré qu’une administration Biden n’imposerait jamais un confinement national. Cette déclaration faisait suite à l’appel de Michael Osterholm, membre de son propre conseil consultatif sur le coronavirus, en faveur d’un confinement national de six semaines et du versement d’un salaire complet aux travailleurs touchés.

Les deux parties ont comploté pour bloquer toute action du Congrès vise à offrir une nouvelle série de prestations de chômage et d’autres mesures d’aide aux travailleurs et aux petites entreprises après l’expiration, le 31 juillet, des prestations minimales prévues par la loi CARES.

La catastrophe sanitaire et la crise sociale sont les deux faces d’une catastrophe humaine qui est le résultat de politiques délibérées menées par le gouvernement Trump et, pour l’essentiel, soutenues par les démocrates. La motivation de la réponse bipartite à la pandémie n’est pas de sauver des vies, mais de protéger les intérêts économiques de l’oligarchie financière et patronale au pouvoir. La seule préoccupation est de sauvegarder voire étendre la richesse des milliardaires par des subventions gouvernementales et de l’argent gratuit de la Réserve fédérale, assurant ainsi une hausse record de la bourse.

Les intérêts antisociaux de l’élite financière sont le principal obstacle à toute mesure efficace pour contenir la pandémie et sauver des vies. On ne permet rien qui porterait atteinte à l’enrichissement personnel de magnats comme Jeff Bezos d’Amazon. Ce dernier a doublé sa fortune personnelle à 200 milliards de dollars au cours de la pandémie.

Mais afin de payer le renflouement et l’explosion de la dette des sociétés et des gouvernements, que font-ils? Les oligarques et leurs politiciens contraignent les travailleurs à entrer dans des usines et des lieux de travail où sévit le virus afin de continuer à faire des bénéfices. C’est le sale secret qui se cache derrière la campagne de retour au travail et à l’école, la pièce maîtresse de la politique mortelle d’«immunité collective» ouvertement poursuivie par Trump et tacitement soutenue par Biden et les démocrates.

Les travailleurs sont délibérément poussés au bord du dénuement et du sans-abrisme pour qu’ils soient forcés de retourner dans les usines, les lieux de travail et les écoles.

Les syndicats corporatistes soutiennent pleinement la campagne de retour au travail et à l’école. En même temps ils camouflent les épidémies de virus dans les usines et les écoles et en surveillant les lieux de travail pour bloquer l’opposition des travailleurs.

La colère grandit dans les usines et parmi les enseignants. Beaucoup suivent le mot d’ordre donné par le Parti de l’égalité socialiste et le «World Socialist Web Site» et forment des comités de sécurité indépendants des syndicats et du Parti démocrate pour coordonner les actions de défense de la santé et de la vie des travailleurs.

Seule l’intervention indépendante de la classe ouvrière en opposition aux deux partis capitalistes et au système de profit qu’ils défendent peut produire une solution progressiste et humaine à la fois à la pandémie et à la crise sociale.

La lutte pour sauver des vies et des moyens de subsistance est une lutte contre le système capitaliste. Elle nécessite l’expropriation de l’oligarchie patronale et l’utilisation de ses vastes richesses pour arrêter toute production non essentielle jusqu’à ce que la pandémie soit contenue; la protection complète des salaires et des revenus des travailleurs licenciés; la garantie de conditions de travail sûres aux travailleurs essentiels; et la mobilisation des ressources nécessaires pour reconstruire le système de santé et fournir des soins de santé gratuits pour tous.

Les travailleurs et les éducateurs doivent mettre en place des comités de sécurité de la base sur chaque lieu de travail et dans chaque école pour faire respecter des conditions de travail sûres. Ils doivent organiser des actions de grève si nécessaire et préparer le terrain pour une grève générale politique afin de mettre fin à la destruction de la vie et des moyens de subsistance des travailleurs.

La vie économique doit être réorganisée selon des lignes socialistes par la nationalisation de l’industrie des soins de santé, des banques et des grandes entreprises sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, de manière à fonder l’économie sur la nécessité sociale et non sur le profit privé.

(Article paru en anglais le 23 novembre 2020)

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