Alors que la pandémie devient incontrôlable, les gouvernements du Canada insistent pour garder l'économie «ouverte» afin de protéger les bénéfices des sociétés

La pandémie du COVID-19 s'accélère rapidement à travers le Canada, en conséquence directe de la réouverture imprudente et criminelle de l'économie et des écoles par l'élite dirigeante.

Il y a eu 5707 nouvelles infections à coronavirus lundi, établissant un nouveau record quotidien pour la deuxième fois en trois jours.

Les nouvelles infections quotidiennes atteignent en moyenne plus de 5000 par jour, soit plus de deux fois plus qu'au pic de la première vague de la pandémie au printemps dernier. Les décès augmentent également fortement. La COVID-19 a tué plus de 507 personnes la semaine dernière, le plus grand nombre de morts depuis début juin.

Un membre des Forces armées canadiennes travaillant dans une maison de soins infirmiers du Québec. (Ministère canadien de la Défense)

À moins que la classe ouvrière n'intervienne pour forcer la fermeture de toute production non essentielle avec un plein salaire pour tous les travailleurs touchés, des milliers de personnes perdront la vie dans les semaines et les mois à venir.

Le nombre total d'infections a presque triplé depuis la réouverture des écoles malgré les objections généralisées des enseignants et des parents début septembre. Le nombre total d'infections confirmées de la COVID-19 a dépassé 340.000 lundi, contre moins de 130.000 à la fin du mois d'août.

La flambée des cas ne devrait que s'accélérer. Vendredi dernier, l'Agence de la santé publique du Canada a estimé que si les niveaux actuels de contact social sont maintenus, il y aura 20.000 cas par jour d'ici la fin de l'année (voir: «Les travailleurs doivent se battre pour fermer les entreprises non essentielles et les écoles»).

Des épidémiologistes, des médecins en soins intensifs et d'autres médecins spécialistes ont lancé des avertissements répétés selon lesquels les systèmes de soins de santé seraient bientôt débordés. Pourtant, les libéraux fédéraux et les gouvernements provinciaux, quelle que soit leur allégeance politique, refusent de prendre les mesures nécessaires pour contenir la propagation du virus, à commencer par la fermeture de toutes les entreprises non essentielles. Les restrictions limitées qu'ils ont annoncées ces derniers jours ont un objectif primordial: permettre à la plus grande partie de l'économie – en particulier la fabrication, la construction, l'énergie, les mines et les autres secteurs des ressources – de continuer sans entrave afin que les profits continuent d’affluer vers l'élite patronale, quel qu'en soit le coût en vies humaines. Un élément clé de cette stratégie est d'obliger les enfants à fréquenter l'école en classe afin que leurs parents soient libres de générer des bénéfices pour les sociétés.

Le Globe and Mail a rapporté lundi soir qu'il y avait eu 36.476 autres infections confirmées à la COVID-19 au cours des sept jours précédents, soit une augmentation de 13% par rapport à la semaine précédente. Actuellement, il y a plus de 56.500 cas actifs de COVID-19 à travers le Canada, bien que même cela soit probablement une importante sous-estimation, car la recherche des contacts s'est effondrée dans bon nombre des zones les plus touchées, notamment Toronto, le Manitoba et l'Alberta.

Le virus sévit dans tout le pays, y compris dans des régions relativement épargnées par la vague initiale. Le Manitoba a maintenant le taux d'infection de loin le plus élevé de toutes les provinces, avec, lundi soir, 616 cas actifs pour 100.000 habitants. L'Alberta arrive en deuxième position, avec 298 cas actifs pour 100.000 habitants.

La soi-disant «bulle atlantique», qui s'est établie entre l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse en juillet après la première vague, et qui permettait de voyager dans la région, a éclaté. L'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve se sont retirées au début de cette semaine en réponse à un pic de cas au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Même le territoire éloigné du Nunavut dans l'extrême nord du Canada, qui a réussi à ne pas enregistrer une seule infection jusqu'au début de novembre, est maintenant confronté à une épidémie majeure.

En Ontario, qui a battu son record quotidien avec 1589 nouveaux cas lundi et 19 décès supplémentaires, le premier ministre Doug Ford a imposé vendredi dernier des restrictions limitées à la vie publique à Toronto et dans la région voisine de Peel. Les cas ont particulièrement augmenté à Peel, qui comprend la ville de Brampton, en raison de graves éclosions en milieu de travail. Les centres de livraison et de distribution, qui emploient du personnel faiblement rémunéré et très exploité, ont été particulièrement touchés.

L'annonce de Ford, présentée comme un «confinement», n'offrait rien aux travailleurs œuvrant dans des conditions dangereuses. Comme on pouvait s'y attendre, le premier ministre, qui a affirmé la semaine dernière que les écoles étaient «l'endroit le plus sûr pour les enfants en ce moment», a également refusé de fermer les écoles ou les garderies.

Au lieu de cela, les petites entreprises, y compris les magasins de détail, les restaurants, les coiffeurs, les gymnases et les salons de manucure, subissent le plus gros du confinement, le gouvernement leur ayant ordonné de fermer le service en personne pendant 28 jours à compter de lundi dernier. Les détaillants non essentiels sont autorisés à proposer le ramassage sur le trottoir et les plats à emporter au restaurant. Les événements publics en salle et les rassemblements sociaux sont interdits, à l'exception de ceux limités aux membres d'un ménage. Les rassemblements extérieurs sont plafonnés à 10. Dans leur ensemble, les mesures sont une aubaine pour les grands détaillants comme Walmart, Costco et Canadian Tire, qui peuvent rester ouverts parce qu'ils vendent des produits d'épicerie ou de la quincaillerie ou exploitent des pharmacies. D'autre part, les nombreuses petites entreprises contraintes de fermer sont laissées à elles-mêmes sans soutien financier.

Le gouvernement de l'Ontario n'a imposé aucune restriction supplémentaire aux principaux sites manufacturiers ou industriels, même s'il devient de plus en plus clair qu'ils sont les principaux vecteurs de propagation du virus. Un reportage récent de la CBC a noté que depuis le début de la pandémie, plus de 26.000 personnes ont demandé une indemnisation pour accident du travail parce qu'elles ont contracté le virus sur leur lieu de travail.

Faisant fi des preuves scientifiques et médicales, le premier ministre Justin Trudeau a cherché lors de sa conférence de presse vendredi dernier à rejeter le blâme sur la population pour avoir déclenché la résurgence de la pandémie en ne respectant pas les règlements de distanciation sociale. Décrivant la situation comme «frustrante», Trudeau a déclaré: «Je sais que nous avons tous entendu des histoires de gens qui ont jeté l’éponge et qui ne font plus leur part. Les personnes qui ont cessé de porter des masques ou les personnes qui sortent plus qu'elles ne le devraient. Et il est tentant pour nous tous de dire, d'accord, eh bien, peut-être que je peux me détendre un peu plus aussi. Mais la réalité est que nous devons aller dans la direction opposée.»

S'il y a quelqu'un qui a «jeté l’éponge» et renoncé à lutter contre la pandémie, ce sont les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada. Ils ont appliqué une politique imprudente de réouverture de l'économie et de retour à l'apprentissage en personne dans les écoles, ignorant les avertissements des experts en santé publique et les préoccupations des travailleurs et des familles. Ce programme homicide est motivé par leur détermination à faire payer les travailleurs pour le sauvetage de plus de 650 milliards de dollars canadiens des investisseurs et des grandes entreprises que le gouvernement Trudeau et la Banque du Canada ont orchestré en mars dernier.

Cette politique consistant à faire passer les bénéfices des sociétés avant la vie humaine s'exprime le plus clairement en Alberta, où Jason Kenney et son gouvernement du Parti conservateur uni (UCP) ont attendu jusqu'à mercredi pour dévoiler des mesures de distanciation sociale limitées malgré une croissance exponentielle des cas. Avec une population de seulement 4,4 millions d'habitants, la province a régulièrement enregistré plus de 1500 infections par jour ces derniers jours. Les chiffres officiels ne sont même pas près d'indiquer l'état réel de la pandémie, puisque le système de recherche des contacts de la province s'est effondré. Selon le Globe, la source de 90% des nouvelles infections ne peut plus être retracée.

Samedi dernier, 56 personnes étaient traitées dans des lits de soins intensifs dans la province. Seuls 70 lits de soins intensifs ont été réservés pour les patients atteints de COVID-19, ce qui signifie que les hôpitaux atteindront bientôt leur capacité. La Dre Lynora Saxinger, spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de l'Alberta à Edmonton, a écrit sur Twitter: «Au cas où quelqu'un se le demanderait, nous avons vraiment de gros problèmes dans les hôpitaux. Cela ne peut pas continuer. Il s’agit d’une pandémie mortelle, mais nous examinerons le nombre de décès excessifs en raison de l’incapacité de prendre les mesures appropriées.»

Bien consciente que l'opposition à la gestion désastreuse de la pandémie par l'élite dirigeante se fait de plus en plus sentir parmi les travailleurs, la Fédération du travail de l'Alberta a publié une longue résolution au cours du week-end, faisant un certain nombre de demandes politiques. Celles-ci comprenaient un confinement «disjoncteur» pour maîtriser les infections, le financement des écoles et des soins de santé pour embaucher du personnel supplémentaire, des inspections plus régulières des lieux de travail et l'adoption d'une stratégie «zéro COVID». Le fait que les bureaucrates syndicaux qui ont soutenu cette résolution n'aient aucune intention de se battre pour la moindre de ses revendications est mis en évidence par leur décision de la traiter comme un appel au gouvernement de l'Alberta. C'est au même gouvernement UCP qui a ravagé les dépenses publiques, licencié le personnel de l'éducation et de la santé, attaqué les droits des travailleurs (y compris le droit de refuser de travailler dans des conditions dangereuses) et gardé les opérations des sables bitumineux de l’Alberta et de la plupart des industries, incluant les abattoirs, en fonction à travers la pandémie, même quand il y avait des éclosions locales majeures.

Comme les syndicats à travers le Canada, les syndicats de l'Alberta ont bloqué toute opposition de la classe ouvrière au retour dangereux au travail et à l'école après le confinement initial au printemps. Leur opposition à toute lutte indépendante menée par les travailleurs contre les conditions de travail dangereuses engendrées par la pandémie a été soulignée le mois dernier, lorsqu'ils ont convaincu les travailleurs d'obéir à un ordre réactionnaire du comité du travail interdisant une grève sauvage des travailleurs de la santé contre la privatisation et les suppressions d'emplois.

Les conditions calamiteuses qui ont été produites à travers le Canada par les politiques désastreuses de l'élite dirigeante ne peuvent être contrées que par une action indépendante de la classe ouvrière pour forcer l'adoption des mesures radicales nécessaires pour arrêter la propagation de la COVID-19. Celles-ci devraient inclure la fermeture de toutes les entreprises non essentielles avec un salaire complet pour tous les travailleurs touchés, l'arrêt de l'apprentissage en personne dans les écoles et la fourniture de milliards de dollars au système de soins de santé pour garantir un traitement de haute qualité pour tous. Pour lutter pour ces revendications, les travailleurs doivent établir des comités de sécurité de la base dans chaque lieu de travail et école indépendamment des appareils syndicaux procapitalistes.

(Article paru en anglais le 25 novembre 2020)

Loading