Afrique du Sud: des cas de COVID-19 qui montent en flèche et une vaccination généralisée improbable

Dimanche, l'Afrique du Sud a signalé que son nombre total d'infections de COVID-19 avait atteint le million, neuf jours seulement après avoir signalé 900 000 cas.

Le taux de mortalité a presque doublé, la moyenne glissante sur sept jours des décès quotidiens passant de 0,25 pour 100 000 personnes à 0,48 pour 100 000 personnes en deux semaines. Le virus a maintenant tué plus de 27 000 personnes dans le pays le plus industrialisé du continent. Près d'un quart de tous les décès dus au coronavirus en Afrique.

La situation se répète en Afrique du Sud lors d'une une deuxième vague de la pandémie qui englobe une grande partie de l’Afrique ; celle-ci a connu une augmentation constante des infections depuis novembre.

Le Dr Zweli Mkhize, ministre sud-africain de la Santé, a déclaré à la South African Broadcasting Corporation: "Cette vague est apparue de manière assez imprévisible." Ce qui est un mensonge pur et simple.

La plupart des décès sont survenus après que le gouvernement du Congrès national africain (ANC) du président Cyril Ramaphosa ait organisé le retour au travail dans le but d'endiguer la chute des profits des grandes entreprises et l'insolvabilité imminente du pays. Il a ainsi annulé l'un des confinements les plus stricts au monde, mis en vigueur avec une brutalité policière extrême. Au deuxième trimestre de l'année, lorsque les restrictions étaient en vigueur, la production a chuté de 16,4 pour cent, tandis que le chômage augmentait. Celui-ci devrait atteindre 35 à 40 pour cent à mesure que les entreprises réduisent les effectifs ou ferment définitivement.

Le pays est maintenant confronté à une nouvelle variante plus virulente de COVID-19, appelée 501.V2, devenue dominante dans de nombreuses régions du pays. Ce qui est crucial et très alarmant, c’est que les nouvelles infections se propagent parmi les jeunes de 15 à 19 ans. Les quatre provinces du Cap oriental, du Cap occidental, du KwaZulu-Natal et du Gauteng, les régions les plus peuplées du pays, sont les plus durement touchées. Le taux de mortalité relativement faible dans les pays africains jusqu'à présent a été attribué en partie à leur population majoritairement jeune.

Ridhwaan Suliman, chercheur principal au Conseil sud-africain pour la recherche scientifique et industrielle, a déclaré que cette deuxième vague allait probablement voir des chiffres beaucoup plus élevés que ceux enregistrés lors de la première, le nombre de cas étant multiplié par deux tous les 14,5 jours. Le Dr Richard Lessells, spécialiste des maladies infectieuses, a averti: "Lorsque les gens reviennent de vacances dans les régions côtières, nous pouvons nous attendre à ce qu'ils ramènent la variante avec eux. Nous pouvons également nous attendre à ce que les voyageurs emportent la variante avec eux au-delà des frontières vers d'autres pays africains."

Lundi dernier, l'Association médicale sud-africaine a averti que le système de santé était sur le point d'être submergé par l'augmentation du nombre de patients COVID-19. Plusieurs hôpitaux et centres médicaux ont signalé des chambres débordant de patients atteints de coronavirus alors que les travailleurs de la santé étaient contraints d'annuler leurs vacances pour faire face à l'énorme afflux de patients.

Mediclinic International, l'un des trois principaux réseaux d'hôpitaux privés du pays, a souligné le terrible impact de la flambée de cas sur les ressources de soins de santé, y compris le personnel, les équipements et les lits dans la fourniture de traitement intensif aux patients gravement malades. Son porte-parole a déclaré: "Le nombre de patients se présentant dans nos services de soins a dépassé les chiffres précédents lors du premier pic et la majorité de nos unités de soins intensifs et de soins majorés fonctionnent à pleine capacité [dans la province du Cap-Occidental].

Ramaphosa, comme ses homologues du monde entier, a refusé de faire quoi que ce soit pouvant nuire à la capacité des grandes entreprises à faire des profits, annonçant au contraire une série de mesures visant à restreindre la liberté de mouvement et le comportement social. Celles-ci incluent l'interdiction des rassemblements à l’intérieur ou dehors, un couvre-feu entre 21 h et 6 h, la fermeture d’établissements non essentiels comme les magasins, restaurants, bars et tous les lieux culturels à 20 h, une interdiction de la vente d'alcool et la fermeture des plages et des piscines publiques dans les zones où l'infection est la plus répandue, notamment au Cap oriental, réputé pour ses belles plages de sable. Ramaphosa a rendu obligatoire le port du masque en public et le non-respect de cette obligation constitue une infraction pénale passible d'une amende et / ou d'une peine de prison.

Ramaphosa a tenu la population responsable de la propagation du virus, "Un comportement irresponsable dû à une intoxication alcoolique a contribué à une transmission accrue. Les accidents et la violence liés à l'alcool exercent une pression sur nos urgences hospitalières."

Le Dr Shabir Madhi, professeur de vaccinologie à l'Université de Witwatersrand, a noté que si les pays les plus avancés tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont conclu des accords avec les grandes sociétés pharmaceutiques pour garantir les doses de vaccin de leurs populations avant même qu'elles ne soient testées et approuvées, l'Afrique du Sud elle, n'a pas encore accès aux vaccins.

Ramaphosa a déclaré s'attendre à ce que 10 pour cent de la population soit vaccinée au cours des premiers mois de 2021 en raison de la participation du pays au Programme mondial d’accès aux vaccins anti-COVID-19 (COVAX) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), pour un coût de 140 millions de dollars. En réalité, il est peu probable que cela commence avant le milieu de l'année et ne sera disponible que pour l'élite financière en échange d’espèces ou couverts par des forfaits assurance maladie. Le gouvernement est également membre de l'Equipe de travail africaine sur l'acquisition de vaccins qui étudie d'autres moyens de financer les coûts d'achat de vaccins pour le continent et recherche des fournitures supplémentaires par le biais d'accords privés avec les sociétés pharmaceutiques.

Le Dr Madhi a souligné qu'il serait nécessaire de vacciner autant de personnes que possible pour pouvoir éviter ce qu'il craignait d'être "une troisième et une quatrième vague" et que les plans consistant à vacciner seulement 10 pour cent de la population seraient insuffisants.

La situation est rendue encore plus obscène parce que la société sud-africaine Aspen Pharmacare est sur le point de commencer à fabriquer plusieurs millions de doses par jour du vaccin pour Johnson & Johnson, qui mène des essais cliniques dans le pays. Mais sa production sera destinée à l'exportation, pas au peuple sud-africain. Alors que le géant pharmaceutique a promis de vendre ses vaccins à des prix abordables et de fournir un demi-milliard de doses à Covax pour aider les pays pauvres, rien ne garantit que l'Afrique du Sud soit l'un des bénéficiaires.

En tant que pays à "revenu intermédiaire", l'Afrique du Sud, qui souffre de niveaux grotesques d'inégalités et de pauvreté généralisée, n'est pas éligible aux vaccins bon marché des organisations d'aide internationales. Elle doit donc s'appuyer, comme d'autres pays pauvres et à revenu intermédiaire, sur Covax, un système complexe de partage de vaccins conçu par un consortium d'organisations internationales de santé, notamment l'Organisation mondiale de la santé, la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations et GAVI, the Vaccine Alliance.

Alors que les pays pauvres peuvent obtenir les vaccins gratuitement, les pays à revenu intermédiaire qui ne peuvent pas rivaliser sur le marché libre peuvent acheter chez Covax et recevoir des vaccins dans le cadre d'accords opaques et assortis de conditions. Il s'agit de payer d'avance sans savoir quel vaccin ils recevront ou quand les doses arriveront. Covax estime le prix par dose, mais l'acheteur doit supporter le risque si le coût réel s'avère plus élevé, si le vaccin échoue ou en cas d'empêchement. Seth Berkley, directeur général de Gavi, a déclaré qu'il pourrait obtenir deux milliards de doses initiales, puis plus ultérieurement. Cependant, il a refusé d'expliquer les transactions avec les sociétés pharmaceutiques, les qualifiant de confidentielles sur le plan commercial, même si elles étaient réglées avec l'argent des contribuables.

Des défenseurs de la santé en colère ont menacé de poursuivre le gouvernement sud-africain. Celui-ci a notamment présidé au pillage délibéré de l'argent des contribuables, ce qui fut révélé lors d’une vague de scandales de corruption, y compris dans le service public d'électricité Eskom et ses fournisseurs, et a conduit à de graves pannes, et parmi les employeurs ayant frauduleusement réclamé des fonds de secours COVID-19 sans les verser à leurs travailleurs.

(Article paru en anglais le 30 décembre 2020)

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