Ocasio-Cortez et ses collègues «  progressistes  » fournissent des votes pour la réélection de Nancy Pelosi à la présidence de l’Assemblée américaine

Dimanche, alors que le nouveau 117e Congrès se réunissait à Washington D.C., on a réélu Nancy Pelosi à la présidence de la Chambre. Les démocrates dits « progressistes » – avec à leur tête la représentante de New York, Alexandria Ocasio-Cortez – ont assuré son étroite marge de victoire.

Les quatre membres du « Squad » – Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib de Detroit, Ilhan Omar de Minneapolis, Ayanna Pressley de Boston – plus les « progressistes » nouvellement élus, Cori Bush de St. Louis et Jamaal Bowman de New York – ont voté pour la chef de file de l’establishment de droite du Parti démocrate. De ce groupe, trois – Ocasio-Cortez, Tlaib et Bush – se réclament de l’appartenance au parti démocrate-socialiste d’Amérique (DSA).

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, fait un geste envers les membres alors qu’elle s’adresse à la première session du 117e Congrès au Capitole américain à Washington, le dimanche 3 janvier 2021. (Erin Scott/Pool via AP)

Pelosi avait besoin de 214 voix pour obtenir son quatrième mandat de présidente de la Chambre. Elle a finalement obtenu les voix de 216 des 221 démocrates présents. Les 209 républicains présents ont voté pour le chef de la minorité à la Chambre, Kevin McCarthy. Les membres du nouveau Congrès ont dû prêter serment et se trouvaient physiquement présents au Capitole pour participer au vote pour le président.

Trois démocrates de la CIA, Elissa Slotkin (Michigan), Abigail Spanberger (Virgina) et Mikie Sherrill (New Jersey), ont voté « présent », tandis que les vétérans de l’armée, Jared Golden (Maine) et Connor Lamb (Pennsylvanie), ont voté pour d’autres démocrates. Golden a voté pour la sénatrice Tammy Duckworth (Illinois), tandis que Lamb a voté pour le président du caucus démocrate de la Chambre, Hakeem Jeffries.

Le secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste américain, Joseph Kishore, a déclaré après le vote : « Personne ne devrait être surpris qu’Ocasio-Cortez ait voté pour Pelosi pour le poste de Présidente. Le « Squad », le DSA, est une faction du Parti démocrate. Après tout, c’est la même personne qui a qualifié John McCain [défunt sénateur américain et faucon de guerre notoire] d’« exemple inégalé de décence humaine et de serviabilité américaine ».

En justifiant son vote pour Pelosi, Ocasio-Cortez a déclaré que «à une époque où le parti républicain tente un coup d’État électoral et tente de renverser les résultats de notre élection, on ne doit pas seulement se trouver uni en tant que parti. Mais on doit se trouver unis en tant que personnes qui ont un respect fondamental pour l’État de droit».

Cette affirmation selon laquelle le Parti démocrate peut ou va défendre les droits démocratiques contre les factions fascistes de l’élite au pouvoir représentées par Trump est entièrement fausse. Ocasio-Cortez et compagnie ont assuré la réélection de Pelosi alors même qu’elle et les autres de la direction démocrate du Congrès, ainsi que le président élu Joe Biden, minimisaient les efforts de Trump pour renverser l’élection et établir une dictature présidentielle, ainsi que ses efforts pour construire un mouvement fasciste.

Ils cherchent à chloroformer politiquement la classe ouvrière tout en conciliant et en capitulant devant l’extrême droite. Ils craignent l’émergence d’un mouvement de masse d’en bas contre Trump, qui pourrait menacer l’ensemble du système capitaliste, bien plus qu’ils ne craignent la croissance d’un mouvement fasciste.

En fait, ni Ocasio-Cortez ni aucun des autres prétendus «progressistes» n’ont contesté Pelosi ou le reste de la direction du parti à la Chambre et au Sénat. En plus de Pelosi, les démocrates ont réélu dans son intégralité la précédente direction démocrate du 116e Congrès. Il s’agit du chef de la majorité à la Chambre, Steny Hoyer, du chef de la minorité, Jim Clyburn, et du chef démocrate au Sénat, Charles Schumer.

La politique militariste de droite de Pelosi et du reste de la direction démocrate du Congrès est un fait connu.

Depuis le jour de l’inauguration de Trump, qui a déclenché une série de protestations nationales, Pelosi et ses collaborateurs ont travaillé à contenir et à dissiper l’opposition sociale de masse à Trump et à la canaliser derrière leur politique étrangère militariste, dirigée en premier lieu contre la Russie. Cela a pris la forme de l’enquête Mueller et de la débâcle de la mise en accusation, toutes deux axées sur la prétendue « mollesse » de Trump envers la Russie et son agressivité insuffisante face à Vladimir Poutine au Moyen-Orient et en Europe.

Dans le même temps, ils n’ont rien fait pour s’opposer aux mesures autoritaires de Trump, notamment l’envoi de troupes américaines à la frontière sud, la création d’un réseau de camps de concentration pour les immigrants, l’éviscération des droits d’asile et la déclaration d’« urgence nationale » de Trump pour s’approprier illégalement des fonds du Congrès pour la construction de son mur frontalier. Finalement, Pelosi et les démocrates ont financé le mur frontalier et la Gestapo de Trump chargée de l’immigration et des douanes (l'ICE).

Pelosi, Clyburn et Schumer ont dirigé l’opération pour torpiller le défi de Bernie Sanders aux primaires démocrates et assurer la nomination à la présidence du plus à droite des candidats démocrates, Biden. Cela fut le signal pour Sanders de reprendre son rôle de soutien à Hillary Clinton en 2016 et d’exiger que ses partisans votent pour Biden, qui était soutenu par Ocasio-Cortez, ses compagnons « progressistes » et leurs partisans au sein de la DSA et d’autres organisations de pseudo-gauche.

En ce qui concerne la pandémie, au niveau de l’État et au niveau local, les démocrates ont mené la même politique d’«immunité collective» que Trump a propagée au niveau national, entraînant plus de 360.000 décès dus à la COVID-19 aux États-Unis. À l’instar du président élu Joe Biden, aucun des démocrates n’appelle à un confinement national avec la paie des travailleurs afin d’arrêter la propagation du virus, qui tue plus de 3000 personnes par jour. Au lieu de cela, ils se joignent à leurs alliés de la direction des syndicats pour faire chanter les travailleurs sur les chantiers et les enseignants dans les salles de classe afin de maintenir le flux des profits des entreprises.

Pelosi et les démocrates se sont joints aux républicains pour obtenir un vote quasi unanime en faveur de la loi CARES en mars dernier. L’adoption du plan de sauvetage par l’oligarchie financière de plusieurs milliers de milliards de dollars est le plus grand transfert de richesse vers le haut de l’histoire des États-Unis. Le projet de loi a fourni des milliards en « assouplissements quantitatifs » aux grandes banques de Wall Street et des milliards de plus en subventions et en réductions d’impôts aux riches et aux personnes bien placées politiquement. En revanche, ils ont donné moins que le minimum aux travailleurs et aux petites entreprises, ce qui a entraîné un chômage, une faim et une souffrance sans précédent ainsi que la fermeture de petites entreprises dans tout le pays.

Tout au long du printemps et de l’été, alors que des millions d’ouvriers et de jeunes participaient aux manifestations contre les violences policières qui ont suivi le meurtre de George Floyd par la police le 25 mai, Pelosi et le reste de la direction du parti démocrate ont cherché à dissiper et à diviser le mouvement au moyen d’une campagne raciste qui accusait le « racisme blanc » d’être responsable de la violence des États. Cette campagne a culminé avec la profanation, dans tout le pays, de monuments érigés à la mémoire de personnalités de la révolution et de la guerre civile, dont George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Ulysses S. Grant. On a même attaqué les monuments aux abolitionnistes d’esclavage.

Pendant toute la durée du gouvernement Trump, Pelosi et les démocrates ont travaillé main dans la main avec le gouvernement Trump pour faire passer des budgets militaires records. Ils sont allés même jusqu’à passer outre son récent veto à la loi d’autorisation de la défense nationale de 740 milliards de dollars.

Les prétendus progressistes se sont ralliés à Pelosi en dépit du fait que les politiques de droite du Parti démocrate ont été responsables de pertes importantes pour les démocrates lors de l’élection du 3 novembre. Notamment, la perte de 11 sièges à la Chambre et la perte de gouvernorats et de législatures d’État dans tout le pays.

Les politiques réactionnaires de Pelosi sont la continuation du programme qu’elle poursuit depuis des décennies. En tant que présidente de la Chambre (2007-2009) sous George W. Bush, Pelosi a supervisé l’adoption de projets de loi de financement pour poursuivre les guerres en Irak et en Afghanistan. Elle a couvert l’espionnage de la NSA et le programme de torture de Bush et a soutenu la persécution des lanceurs d’alerte et des journalistes tels qu’Edward Snowden, Chelsea Manning et Julian Assange.

S’inspirant de Pelosi, Ocasio-Cortez a refusé, lors d’un récent entretien sur le podcast Intercepted de Jeremy Scahill, de demander la libération de Julian Assange. Elle a dit : « Il y a des considérations et des préoccupations autour de Julian Assange, pour être tout à fait franche. »

Ce dernier vote démontre une fois de plus la faillite de toutes les perspectives politiques basées sur l’affirmation que le Parti démocrate peut se faire pousser par la base à servir d’instrument de changement social progressif. Il réfute également les affirmations, propagées par Sanders, Ocasio-Cortez et la DSA, selon lesquelles un gouvernement Biden offrirait un « espace » pour les réformes sociales.

Il n’y a rien de progressiste chez Ocasio-Cortez et compagnie. Ce sont des politiciens bourgeois conventionnels qui n’ont aucune indépendance vis-à-vis des fractions de l’establishment du renseignement militaire et de Wall Street au nom duquel le Parti démocrate s’exprime.

(Article paru d’abord en anglais le 5 janvier 2021)

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