Le système de santé canadien croule sous les cas de COVID-19

Les systèmes de santé des deux provinces canadiennes les plus peuplées, l’Ontario et le Québec, sont au bord de l’effondrement suite à une montée en flèche des cas de COVID-19.

L’Ontario a enregistré jeudi plus de 3.500 nouveaux cas quotidiens et 89 décès, faisant de cette journée la plus meurtrière dans la province depuis le début de la pandémie. Le lendemain, vendredi, a marqué un nouveau record du nombre d’infections avec 3.800 nouveaux cas (plus 450 cas datant du début de la semaine et jusqu’ici non-déclarés).

«C’est la pire situation dans laquelle nous avons été», a lancé le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.

Selon l’Association des hôpitaux de l’Ontario (OHA), les hôpitaux de la province sont à 85 pour cent de leur capacité alors que les lits pour soins intensifs sont occupés à 78 pour cent, et à près de 100 pour cent par endroits. Fait plus inquiétant encore, 100 pour cent des lits de base pour les respirateurs sont occupés dans la province.

Le 1er janvier, le gouvernement de l’Ontario a envoyé une directive aux hôpitaux d’accroitre leurs capacités à 115 pour cent alors qu’il manque de personnel de la santé et que les travailleurs restants sont brûlés.

Débordé, l’hôpital de Windsor transfère des patients vers d’autres centres du sud-ouest de l’Ontario et utilise une morgue temporaire érigée au printemps pour faire face au nombre excessif de décès. À l’hôpital de London, une remorque réfrigérée a été installée après que la morgue régionale ait atteint sa pleine capacité.

La lourde charge liée au traitement des patients atteints de COVID-19 a entrainé une réduction drastique des autres services de santé partout dans la province. Selon Anthony Dale, président et PDG de l’OHA, dès que le cap des 350 unités de soins intensifs est atteint, ça devient très difficile pour les hôpitaux de fournir d’autres services et selon lui, ce chiffre pourrait osciller entre 500 et 800 d’ici le début de février.

«Des hôpitaux à Mississauga, Brampton, dans la région de York, dans certaines parties de Toronto, London et Windsord-Essex», explique le Dr Dale, ont déjà annulé «des traitements pour les maladies cardiaques et le cancer», ce qui «pourrait avoir un impact sur la qualité et la durée de vie».

La situation n’est pas moins dramatique au Québec, qui avait enregistré lors de la première vague du coronavirus l’un des taux de mortalité par habitant les plus élevés au monde.

Dimanche 3 janvier, la province a enregistré un nouveau record de 2869 cas de COVID-19, un niveau qui a connu une légère baisse le reste de la semaine pour s’établir vendredi à 2588 nouveaux cas. La moyenne mobile (sur 7 jours) de nouveaux cas quotidiens s’élève maintenant à plus de 2.500, alors qu’il était à 1.500 au début décembre.

Tous les indicateurs ont viré au rouge. Avec 1393 hospitalisations, dont 202 aux soins intensifs, l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) avertit que le système de santé de la province pourrait s’effondrer dans les 3 prochaines semaines.

Plus des deux tiers des lits réservés pour les patients atteints de la COVID-19 dans la grande région de Montréal sont maintenant occupés. Dans la province, ce taux avoisine les 60 pour cent. Les urgences débordent partout avec un taux d’occupation de 102 pour cent dans la province et 115 pour cent à Montréal, selon le site internet indexsante.com.

Faisant face à des éclosions qui ne sont pas uniformément réparties, des hôpitaux ont dépassé leurs limites à bien des endroits. Samedi 2 janvier, les urgences de plus de six hôpitaux du grand Montréal affichaient des taux de 131 à 160 pour cent d’occupation.

Avec les urgences qui débordent et les lits qui se remplissent à une vitesse effrénée, il devient de plus en plus difficile pour les travailleurs exténués de la santé d’offrir les services à la population.

«On roule chez nous à pratiquement 200 pour cent depuis le début du temps des Fêtes avec des pénuries de personnel et du personnel qui est étiré au maximum», a fait savoir le Dr Antoine Delage, pneumologue à l’hôpital Charles-Le Moyne de Longueuil, en banlieue sud de Montréal. Et il ajoute: «On a perdu le contrôle de l’épidémie».

Le Québec commence à envisager le recours au triage, comme on l’a vu en Italie ce printemps, en choisissant de brancher tel patient à un respirateur et de laisser mourir tel autre. La santé publique a publié en catimini le 10 novembre dernier sa mise à jour du «Protocole national de priorisation pour l’accès aux soins intensifs (adultes) en contexte extrême de pandémie» selon lequel, le triage serait mis en place une fois que le taux d’occupation des lits en soins intensifs sera de plus de 200 pour cent.

Bien qu’on n’en soit pas encore à ce stade, cela reste une réelle menace. Interrogé sur cette éventualité, le Dr François Marquis, chef des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuve-Rosement à l’Est de Montréal, a répondu que «honnêtement, c’est définitif que oui», avant d’ajouter que «tout ce que ça prend, c’est une éclosion majeure dans l’un des principaux hôpitaux de Montréal pour que les choses déraillent».

Même avec l’arrivée des vaccins contre le coronavirus, la situation demeure périlleuse partout au pays. Alors qu’on vaccine pour la quatrième semaine d’affilée, moins de 0,5 pour cent des Canadiens ont reçu une première dose.

Face à cette urgence non seulement médicale, mais aussi économique avec une forte montée du chômage, la classe dirigeante maintient sa campagne de retour au travail et de réouverture des écoles. Cette politique meurtrière, qui vise à maintenir le flot des profits au détriment des vies humaines, est appliquée par les provinces avec la bénédiction politique du gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Les restrictions minimales annoncées par les gouvernements provinciaux de Ford en Ontario et de François Legault au Québec sont complètement insuffisantes pour freiner la progression du virus mortel.

Si la plupart des commerces de détail, restaurants et lieux de loisir sont fermés, les lieux de travail non essentiels et les écoles, qui sont les principaux vecteurs de la transmission communautaire, demeurent ouverts. La réouverture des écoles a seulement été reportée d’une semaine au Québec, et d'un peu plus en Ontario.

Le «traitement-choc» proclamé par Legault en annonçant un couvre-feu entre 20h00 et 5h00 du matin n’est qu’un geste symbolique pour détourner l’attention de sa propre gestion désastreuse de la pandémie. Il ne servira pas à en freiner la progression. Il pourrait, en fait, augmenter le risque de contamination des travailleurs forcés de se rendre au travail: ces derniers devront acheter des produits essentiels dans un créneau horaire réduit, avec un nombre plus élevé de présences en même temps dans les magasins.

La catastrophe sanitaire et socio-économique en cours est le résultat de la politique de classe imposée par toute l’élite dirigeante au Canada et à l’échelle internationale, une politique qui fait passer les profits de la grande entreprise et de l’aristocratie financière avant les vies humaines.

Cela soulève l’urgente nécessité pour la classe ouvrière d’intervenir en tant que force politique indépendante. Les travailleurs doivent former des comités de sécurité de la base, complètement indépendants des syndicats procapitalistes, pour exiger la fermeture immédiate de toutes les écoles et de tous les lieux de travail non essentiels, avec pleine compensation financière pour les travailleurs touchés et la petite entreprise.

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