Inquiétude en Asie du Sud face à la tentative de coup d'État du président américain

La prise d'assaut du Capitole à Washington par une horde fasciste excitée par le président américain a provoqué des inquiétudes en Asie du Sud. Des commentaires ont également exprimé l'espoir d'une «transition ordonnée du pouvoir» vers le président élu Joe Biden et d’une «prédominance ultime de la démocratie» aux États-Unis.

Cette nervosité n'a rien à voir avec une allégeance à la démocratie. Biden ne représente pas plus la «démocratie» que Trump et il défend l'impérialisme américain et les mêmes intérêts de classe impitoyables.

Le président Donald Trump serre la main du premier ministre indien Narendra Modi lors de l'événement "Howdy Modi: Shared Dreams, Bright Futures" au NRG Stadium, dimanche 22 septembre 2019, à Houston. (Photo AP / Michael Wyke)

Partout dans la région, les classes dirigeantes se dirigent vers l’installation de régimes autocratiques sur fond de la crise politique et économique intensifiée par la pandémie de coronavirus. Ils craignent que la tentative de coup d'État aux États-Unis ne révèle à la classe ouvrière l'effondrement de la démocratie bourgeoise, non seulement au centre du capitalisme mondial, mais dans leurs propres pays.

Les élites dirigeantes sud-asiatiques sont fortement dépendantes économiquement et stratégiquement de l'impérialisme américain et l'instabilité politique à Washington a un impact direct sur toutes.

Le Premier ministre indien Narendra Modi a tweeté le 7 janvier: «Affligé de voir les nouvelles sur les émeutes et la violence à Washington DC. Un transfert de pouvoir ordonné et pacifique doit se poursuivre. On ne peut permettre que processus démocratique soit perturbé par des manifestations illégales. » De manière significative, il n'a pas condamné le coup d'État fasciste ni même utilisé le mot «coup d'État».

La déclaration de Modi reflète des préoccupations spécifiques quant aux implications des événements de Washington pour les relations de l'Inde avec les États-Unis.

Les gouvernements indiens ont développé ces deux dernières décennies des relations militaires, économiques et politiques de plus en plus étroites avec Washington. La bourgeoisie indienne espère que son alignement stratégique sur les États-Unis renforcera ses ambitions régionales et mondiales face à son grand rival chinois.

Ces relations sont favorisées par les États-Unis en raison de l'importance centrale de l'Inde dans l'offensive stratégique et militaire de Washington contre Pékin. Dans une guerre contre la Chine, les États-Unis doivent bloquer les routes maritimes de l'océan Indien, vitales pour les importations chinoises d'énergie et de matières premières.

Des relations géostratégiques étroites avec les États-Unis ont commencé sous le gouvernement du premier ministre Manmohan Singh, du Parti du Congrès, soutenu par les deux partis staliniens de l'Inde. Sous Modi, l'Inde s'est transformée en un État de première ligne pleinement intégré dans les plans de guerre de Washington. Trump s'est rendu en Inde en février dernier pour consolider ces liens.

New Delhi a signé des accords permettant aux forces militaires des États-Unis d'utiliser les ports et aéroports militaires de l'Inde. Le 27 octobre, moins de dix jours avant l'élection présidentielle américaine, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo s'est rendu en Inde pour signer l'Accord de base d'échange et de coopération. Il permettra le partage de la technologie militaire haut de gamme, des données classifiées de satellites et d'autres données entre les deux pays.

L'Inde est également devenue un membre clé du Quadrilateral Security Dialogue ou Quad – une alliance quasi-militaire contre la Chine à laquelle participent les États-Unis, le Japon, l'Australie et l'Inde. Les relations de New Delhi avec Washington ont provoqué des tensions frontalières avec la Chine l’année dernière, posant le danger d'une guerre entre les deux puissances nucléaires, impliquant les États-Unis et d'autres grandes puissances et ayant des conséquences catastrophiques à l'échelle mondiale.

Les grands médias et les élites dirigeantes aux États-Unis et en Inde se présentent comme de grandes démocraties – l'Amérique la plus ancienne démocratie du monde et l'Inde la plus grande du monde. Ces affirmations n’ont absolument aucun fondement.

La tentative de coup d'État de Trump a révélé l'effondrement de longue date de la démocratie américaine et les démarches de sections clés de l'élite dirigeante en faveur d'un régime fasciste pour écraser l'éruption de luttes révolutionnaires de la classe ouvrière. De même en Inde, le gouvernement suprémaciste hindou de Modi jette les bases d’un régime autoritaire.

Les médias indiens ont publié plusieurs commentaires sur les événements du 6 janvier. Beaucoup notent le rôle de Trump dans l'incitation à l'attaque sur le Capitole et la décrivent comme un «coup d'État». Ils concluent cependant que la situation reviendra d'une manière ou d'une autre à la normale.

Un éditorial d'Indian Express du 8 janvier déclare par exemple que la prise d'assaut du Capitole «est profondément troublante» et «un moment dangereux». L'Amérique, cependant, poursuit-il, «surmontera ce moment, comme elle l’a fait pour d’autres grandes crises […] Elle dispose encore d'institutions capables de résister aux excès de la direction politique du pays, même de sa plus haute fonction » .

L' Economic Times fut plus explicite. Dénonçant les actions des partisans de Trump comme déplorables, il déclare que, «pourtant, lors de leur pire jour, les États-Unis ont montré leur attachement à la république et à la démocratie». Le journal espérait que Biden deviendrait président, «non seulement pour faire face à la pandémie et à ses conséquences économiques, mais [qu’il] rétablirait les États-Unis dans leur rôle traditionnel de leadership mondial, et aussi pour combler le fossé qui divise l'Amérique et pour renouveler la politique de compromis et de consensus. »

Ce ne sont là que de pures illusions

Comme le World Socialist Web Site l’a toujours expliqué, Trump n’est pas une « personnalité maléfique », mais le représentant de l'oligarchie financière criminelle aux États-Unis. Biden et son Parti démocrate représentent les mêmes intérêts impitoyables de la classe dirigeante.

Au Sri Lanka, ni le président Gotabhaya Rajapakse ni son frère le premier ministre Mahinda Rajapakse n'ont prononcé un mot sur la tentative de coup d'État fasciste à Washington.

Le gouvernement sri-lankais à court d'argent, qui fait face à une crise économique aggravée par la pandémie de coronavirus et dépend des investissements et des prêts chinois, étudie cependant nerveusement les développements politiques aux États-Unis.

Vers la fin d’octobre, Pompeo s'est rendu à Colombo où il a rencontré Rajapakse et d'autres dirigeants politiques. Il a déclaré brutalement que le gouvernement devrait mettre fin à ses relations avec Pékin et s'aligner pleinement sur les intérêts américains.

Alors que les Rajapakse maintiennent un silence officiel sur la tentative de coup d'État de Trump, les médias sri-lankais ont fait leurs commentaires.

Le rédacteur en chef des affaires internationales du Daily Mirror, Ameen Izzadeen, a déclaré dans une tribune : «Ce qui s'est passé le 6 janvier était une sorte de coup d'État visant à subvertir la démocratie [...] Tout comme les terroristes du 11 septembre ont fait tomber les tours jumelles, les terroristes de Trump – certains d'entre eux armés – ont essayé de faire tomber l'édifice de la démocratie afin que le démagogue puisse continuer à être président pendant encore quatre ans ».

Le chroniqueur du Daily Mirror apoursuivi en déclarant pompeusement qu’«en battant Trump, Biden a sauvé l'âme de l'Amérique» – des commentaires destinés à entretenir le mythe que les démocrates seraient une sorte d'alternative progressiste.

Ce qui se passe aux États-Unis, le centre du capitalisme mondial, est la clé pour comprendre la situation politique partout.

La tentative de coup d'État fasciste aux États-Unis est la réaction contre-révolutionnaire d'une classe capitaliste en crise profonde et effrayée par des luttes ouvrières émergentes qui ouvrent la perspective d'une révolution.

À l'instar du virage autoritaire de ses homologues en Inde, le président sri-lankais Rajapakse rassemble les forces fascistes à mesure qu'il cherche à établir une dictature basée sur l'armée. Ces développements exigent d'urgence une lutte pour un mouvement socialiste international de la classe ouvrière, basé sur le programme de la révolution socialiste mondiale.

(Article paru en anglais le 12 janvier 2021)

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