La CRT espagnole moréniste nie qu’il y a eu tentative de coup d'État fasciste de Trump à Washington

La Corriente Revolucionaria de Trabajadores y Trabajadoras (CRT – Courant révolutionnaire des travailleurs), une organisation moréniste espagnole affiliée au Parti socialiste ouvrier (PTS) argentin et à Left Voice aux États-Unis, nie qu’il y a eu tentative de coup d’État fasciste du président Donald Trump le 6 janvier.

Sa réaction complaisante à la prise d’assaut du Capitole américain par une foule fasciste dirigée par Trump est directement liée à leur silence sur les appels des généraux espagnols à un coup d’État fasciste en Espagne. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour bloquer politiquement le développement d’un mouvement politique international de la classe ouvrière contre la menace du fascisme. Au lieu de cela, ils cherchent à subordonner les travailleurs et les jeunes au gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos, à la bureaucratie syndicale espagnole, et à leurs politiques meurtrières d’austérité et d’«immunité collective».

Le 6 janvier, Trump, en collaboration avec de hauts responsables de la police, de l’armée américaine et du Parti républicain, a lancé un coup d’État dans le but explicite d’empêcher la certification des résultats du Collège électoral lors du scrutin national de novembre. Leur but ultime était de renverser le résultat de l’élection présidentielle américaine.

Des partisans de Trump, le mercredi 6 janvier 2021, au Capitole à Washington. (AP Photo/John Minchillo)

Des milliers de ses partisans ont envahi le Capitole, armés de fusils et d’attaches de plastique qui auraient pu servir à ligoter des otages. Ils avaient pour objectif immédiat d’interrompre la session du Congrès au cours de laquelle la défaite de Trump à l’élection présidentielle de 2020 était en train d’être certifiée. Fait significatif, les responsables du Pentagone ont d’abord refusé les appels désespérés des représentants et des sénateurs à déployer des forces de la Garde nationale pour reprendre le Capitole aux émeutiers de Trump.

Malgré de multiples violations de la Constitution américaine, des dizaines d’arrestations et cinq morts, dont un policier, Trump a pu conserver son poste parce que des forces puissantes à Wall Street et dans l’armée et les services de renseignement américains débattent d’instaurer une dictature fasciste. La classe dirigeante soutient à l’unanimité sa politique meurtrière d’«immunité collective» sur la COVID-19.

La réaction du site Izquierdadiario.es de la CRT, cependant, a été de republier des documents de ses filiales américaine et argentine niant qu’une tentative de coup d’État fasciste avait eu lieu. Dans un article publié le 7 janvier, intitulé «La prise d’assaut du Capitole et la décadence de l’impérialisme américain», elle a écrit:

«La prise d’assaut du Capitole n’était pas une insurrection ou un coup d’État comme l’insinuent les membres de la presse bourgeoise, mais elle montre une extrême droite qui, loin d’accepter la défaite après le 3 novembre, a été enhardie pendant la transition.»

Le site espagnol Izquierdadiario.es a republié un article de Scott Cooper du site «Left Voice», dans lequel l’auteur minimise à nouveau le coup d’État, accusant quiconque qui parle de «coup d’État» d’être au «service» de la classe dirigeante:

«Les événements au Capitole mercredi dernier ont renforcé le nouveau gouvernement Biden/Harris en créant une unité bourgeoise – de la presse libérale au Pentagone en passant par les partis jumeaux du capitalisme – en réponse à la menace «trumpiste» et à la «défense de la démocratie». Ce n’est pas un hasard si les grands journaux capitalistes, dont le New York Times et le Washington Post, utilisent tous la rhétorique de la «tentative de coup d’État», de l’«insurrection» et de la «sédition» pour décrire ce qui s’est passé. Ils le font dans le but de renforcer le front bourgeois contre l’instabilité – incarné par Trump et ses plus ardents partisans – et de donner autant de légitimité que possible au nouveau gouvernement.

Izquierdadiario.es a republié un autre article du site «Left Voice», rédigé par Nathaniel Flakin – membre d’un groupe affilié en Allemagne, l’Organisation internationale révolutionnaire (RIO) – qui affirme que c’était «loin d’être» un coup d’État:

«Peut-être verrons-nous maintenant une répression majeure de la droite. Mais c’est peu probable qu’elle aille au-delà de quelques dirigeants… Cela ne veut pas dire que la foule au Capitole était une tentative de coup d’État fasciste – loin de là. Le fait est que l’État capitaliste pardonne sans cesse, même pour des bouleversements beaucoup plus graves de la droite.»

Le fait est que ce qui s’est passé le 6 janvier était une tentative de coup d’État et cela a été largement couvert par le WSWS depuis juin 2019, lorsque Trump a menacé de déployer l’armée contre les protestations multiraciales de masse contre le meurtre policier de George Floyd et les protestations contre les politiques d’«immunité collective». Dire le contraire, c’est endormir la classe ouvrière quant aux immenses dangers qui la guettent.

Appeler les choses par leur vrai nom n’est pas faire le jeu des fractions de la classe dirigeante. Biden et les démocrates font tout ce qu’ils peuvent pour minimiser la tentative de coup d’État fasciste. Leur réponse immédiate a été de plaider pour «l’unité» avec leurs «collègues républicains». En même temps, aucune section du Parti démocrate n’a demandé une enquête publique approfondie sur le coup d’État – comme les audiences du Watergate sur la tentative de cambriolage des documents du Parti démocrate sous le président républicain Richard Nixon dans les années 1970.

Minimiser la tentative de coup d’État fasciste, comme le fait izquierdadiario.es, sert le Parti démocrate et la classe dirigeante américaine dans ses mouvements vers la droite. En revanche, le Parti de l’égalité socialiste (États-Unis) demande une enquête complète, publique et en direct sur la tentative de coup d’État fasciste. La tâche principale est d’alerter et de mobiliser politiquement la classe ouvrière internationale.

Les mesures prises par la CRT pour minimiser le coup d’État de Trump sont directement liées à sa politique d’accalmie pour endormir la classe ouvrière en Espagne, au milieu de l’agitation croissante de la classe dirigeante pour un coup d’État fasciste à Madrid. Cela fait plus d’un mois que la première de deux lettres, signées par des centaines d’anciens officiers supérieurs de l’armée, a appelé le roi Felipe VI à soutenir un coup d’État contre le gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos. Il y a eu ensuite:

Des messages «WhatsApp» d’officiers à la retraite qui appellent à tirer sur «26 millions» de personnes et à imiter le coup d’État fasciste du général Francisco Franco, qui a lancé la guerre civile espagnole de 1936-1939;

Un manifeste signé par 750 officiers, dont 70 généraux, accusant le gouvernement du PSOE-Podemos de représenter «un risque sérieux pour l’unité de l’Espagne et l’ordre constitutionnel»;

Des discussions «WhatsApp» entre des officiers en service actif qui adoptent les demandes fascistes des anciens officiers.

La publication de vidéos de soldats espagnols en service actif scandant des chansons fascistes et néonazies et faisant le salut fasciste.

Des reportages sur un complot d’extrême droite, appelé Opération Albatross, visant à installer une dictature militaire sous le couvert d’un gouvernement d’unité nationale PSOE-Parti populaire-Vox.

Pour tout journal ou tendance qui se réclame du progrès, sans parler du socialisme, on prendrait ces menaces très au sérieux, surtout dans un pays qui a connu de nombreuses tentatives de coup d’État et des coups d’État réussis. Le plus célèbre est celui du général Francisco Franco en juillet 1936, qui a déclenché une guerre civile de trois ans et s’est soldé par l’exécution de centaines de milliers d’ouvriers de gauche. Le régime de Franco durera jusqu’en 1978.

Pourtant, l’IzquierdaDiario.es de la CRT a maintenu un silence assourdissant sur ces menaces de coup d’État, alors qu’elle minimise maintenant la tentative de coup d’État fasciste qui visait le Capitole à Washington.

La tentative de coup d’État à Washington a eu des répercussions directes en Espagne. Le parti fasciste Vox, étroitement lié aux officiers espagnols appelant au coup d’État, a attendu jusqu’à minuit, heure de l’Espagne, pour condamner la tentative de coup d’État de Trump, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit clair que le coup d’État allait échouer. Le même jour, le lieutenant général à la retraite Emilio Pérez Alamán a envoyé une lettre à la ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, pour dénoncer ses critiques tièdes des appels au coup d’État lancés par les officiers fascistes et il a demandé au gouvernement PSOE-Podemos de «changer de cap».

Le mois dernier, tandis que le WSWS publiait huit articles sur les menaces de coup d’État en Espagne, IzquierdaDiario.es n’a publié qu’un seul article, bref, le 4 décembre, intitulé «L’armée, le roi et le régime de 78». L’article vise à soutenir Podemos et son secrétaire général, le vice-premier ministre Pablo Iglesias, dans leurs efforts pour minimiser l’importance des menaces de coup d’État fascistes en Espagne.

La CRT dit à ses lecteurs: «Les lettres envoyées au roi et les discussions divulguées révèlent le nombre élevé d’officiers franquistes [dans l’armée…]. Compte tenu de ce fait, les différentes réactions aux lettres et aux discussions publiées sont à peu près ce à quoi on pouvait s’attendre». Le roi Philippe VI, poursuit-il, «n’a rien dit, comme on pouvait s’y attendre puisqu’il est le représentant d’une institution imposée par le régime franquiste, héritier direct de la dictature, et étroitement lié à l’armée».

Vox, affirme la CRT, «s’est distancé des discussions», tout en défendant «le contenu des discussions avec l’argument que “c’est privé”». La CRT a insisté sur le fait que cela «n’est pas surprenant, étant donné que ce parti politique s’appuie sur ces secteurs réactionnaires de l’armée». En fait, au Parlement, Vox a ouvertement approuvé les messages des généraux fascistes, comme l’a déclaré le législateur de Vox, Macarena Olona: «Bien sûr qu’ils sont notre peuple.»

Le fait que, compte tenu de l’histoire de la bourgeoisie européenne, un coup d’État fasciste n’est pas du tout inconcevable en Espagne signifie que la menace d’un tel coup d’État doit être prise très au sérieux. Le caractère criminel de la réponse complaisante de la CRT aux appels à un coup d’État fasciste en Espagne, la qualifiant d’«attendue» ou de «pas surprenante», a été mis à nu par la tentative de coup d’État de Trump à Washington. Face à un coup d’État fasciste qui se déroule en temps réel, la CRT, après avoir soutenu que les coups d’État fascistes n’étaient pas surprenants et que l’on pouvait même s’y attendre, elle insiste maintenant sur le fait qu’il n’y avait pas de coup d’État fasciste du tout.

Son seul article sur les menaces de coup d’État en Espagne est paru au moment même où l’État espagnol tentait de minimiser la crise. Il a été publié un jour après que le dirigeant de Podemos et vice-premier ministre Pablo Iglesias soit apparu à la télévision d’État en heure de grande écoute pour insister effrontément sur le fait que les menaces des officiers étaient sans importance. Iglesias a déclaré: «Ce que ces messieurs disent, à leur âge et déjà à la retraite, dans une conversation avec quelques verres de trop, ne constitue pas une menace.»

Iglesias est intervenu lorsque les menaces de coup d’État et les appels à tuer des millions de personnes sont devenus les principaux sujets de tendance de Twitter en Espagne. De larges masses de travailleurs – dont beaucoup sont nés à l’époque de Franco ou ont grandi avec des histoires de torture et de meurtre franquistes – ne prennent pas la menace d’un coup d’État fasciste à la légère. La CRT, qui parle au nom du même milieu petit-bourgeois aisé que Podemos, a plutôt aidé à faire le sale boulot dans les campagnes de Podemos qui visent à dissimuler la menace d’un coup d’État fasciste.

IzquierdaDiario.es a ensuite affirmé que la demande frauduleuse du gouvernement PSOE-Podemos au bureau du procureur pour enquêter sur les groupes de discussion WhatsApp vise à lutter contre le fascisme. Il a qualifié l’enquête de «tentative de séparer l’idéologie réactionnaire exprimée par ce groupe de soldats et l’armée... C’est aussi l’engagement administratif clair d’une stratégie pour confronter l’extrême droite».

Cela est absurde. Même le quotidien pro-PSOE El País, qui a travaillé jour et nuit pour minimiser l’importance des menaces de coup d’État, a admis que l’enquête du PSOE-Podemos était une mascarade, déclarant que «des sources consultées par ce journal ont déclaré qu’il était peu probable que la plainte aille très loin, parce que les remarques ont été faites dans un groupe de discussion privé».

Podemos, tout comme la CRT, n’a pas l’intention de «confronter» l’extrême droite. Tous deux craignent qu’une colère explosive ne se développe dans la classe ouvrière contre le gouvernement PSOE-Podemos à cause de sa politique meurtrière d’«immunité collective» sur la COVID-19, imposant un retour au travail et à l’école qui a fait plus de 70.000 morts et 2 millions de personnes infectées, pour financer le sauvetage des banques et des sociétés. Ils ont bien plus peur d’un mouvement de la classe ouvrière qui se retournerait contre le système capitaliste que du fascisme.

En fin de compte, les mêmes craintes qui poussent des centaines de hauts fonctionnaires espagnols à menacer d’assassiner en masse des millions de travailleurs de gauche motivent également les efforts de la CRT pour minimiser ces menaces.

La réaction de la CRT n’est pas un oubli ou une erreur politique. Au cours du mois dernier, les rapports sur le sentiment fasciste parmi les soldats en service actif et d’autres lettres et manifestes ont été largement suivis par des millions de personnes sur les médias sociaux et dans la presse bourgeoise. Pourtant, IzquierdaDiario.es a gardé le silence.

Au lieu de cela, au cours du mois qui a suivi les premières révélations du coup d’État, ils ont publié des dizaines d’articles sur divers sujets, notamment le scandale de corruption qui a englouti la monarchie espagnole. En effet, le CRT cherche à canaliser la colère croissante contre le gouvernement du PSOE-Podemos derrière une perspective procapitaliste. Il lance des appels creux pour un référendum qui donne aux travailleurs le choix entre une monarchie et une République capitaliste.

Le CRT incarne toute une couche sociale de la classe moyenne supérieure aisée qui est indifférente, voire hostile à la défense des droits démocratiques. Cette couche est organiquement hostile à l’émergence d’un mouvement socialiste de masse qui menacerait leurs revenus et leurs privilèges, sur la base des miettes que Podemos leur jette du haut de la machine étatique.

Terrifiée par les protestations croissantes de la classe ouvrière dans le monde entier contre la politique d’immunité collective de la classe dirigeante face à la pandémie de COVID-19, la dernière chose qu’ils souhaitent est de mobiliser cette opposition. Leur fonction est plutôt de désorienter et de démobiliser l’opposition sociale croissante et de l’empêcher de se libérer de l’emprise politique de Podemos.

Pour empêcher les conspirations fascistes de réussir, l’opposition ouvrière au fascisme, largement répandue, doit être transformée en un mouvement politique conscient. La WSWS appelle les travailleurs européens à soutenir la demande du Parti de l’égalité socialiste (États-Unis) pour une enquête ouverte, publique et en direct sur tous les aspects et tous les alliés du coup d’État fasciste du 6 janvier à Washington et la préparation d’une grève générale politique contre les menaces de coup d’État qui continuent à sévir en Amérique.

(Article paru en anglais le 13 janvier 2021)

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