Perspectives

Coup d’État fasciste à Washington: les démocrates appellent à l’unité, les républicains à la violence

La Chambre des représentants aux USA a voté mercredi la destitution du président Donald Trump une deuxième fois. L’unique chef d'accusation, d'avoir incité la prise fasciste du Capitole du 6 janvier afin de renverser le gouvernement et le résultat des élections de 2020, est pleinement justifié. Mais cette action n'enlèvera pas Trump de son poste, ne démasquera pas ses complices et ne stoppera pas la croissance d'un mouvement fasciste aux États-Unis.

Le président élu Joe Biden et les démocrates au Congrès ont passé la semaine depuis la tentative de coup d'État à plaider auprès des républicains pour «l'unité», la «guérison» et le «bipartisme». En coulisse, ils ont sans doute déjà donné des gages politiques aux républicains pour garantir qu’ils partageraient le pouvoir – malgré le fait qu'à partir du 20 janvier, les démocrates contrôleront les deux chambres du Congrès et la présidence.

On a vu hier l’orientation des individus que les démocrates appellent leurs «collègues républicains». Dans une déclaration de soutien à Trump, 197 des 211 républicains à la Chambre ont voté contre la destitution.

De nombreux démocrates ont plaidé auprès des républicains, lors du débat de mercredi, citant la menace de mort imminente contre les législateurs des deux partis au Congrès il y a seulement une semaine, alors que des voyous fascistes armés envahissaient leurs bureaux. Les Républicains ont réagi en dénonçant l'ensemble de la procédure.

Le représentant Jim Jordan de l'Ohio, qui a reçu la médaille de la Liberté de Trump en début de semaine, a parlé en premier au nom des républicains. Il a attaqué la «culture de l'annulation» qui aurait été à l'origine de la campagne de destitution et a prétendu que l'élection était «truquée», le slogan politique qui a mobilisé les fascistes.

Selon Louis Gohmert du Texas, la destitution «incite à la violence»; en clair, les démocrates seraient responsables de nouveaux outrages commis par les partisans de Trump. Andy Biggs, de l'Arizona, a dit que voter la destitution, «c'est verser de l'essence sur les braises» du soulèvement du 6 janvier.

L'un des plus fervents défenseurs de Trump, Matt Gaetz de Floride, a déclaré que l’on avait destitué Trump deux fois «pour avoir eu raison». Trump avait montré les activités de «la famille criminelle Biden», ce qui avait conduit à sa destitution en 2019, puis lors de l'élection de 2020, «le président a correctement souligné le vote illégal.»

Lauren Boebert, du Colorado, a commencé sa diatribe en s’écriant «Gloire à Dieu», avant d'attaquer «la gauche» pour avoir prétendument incité à la violence et justifié les manifestants mobilisés l’été dernier contre les violences policières. Boebert a failli en venir aux mains mardi avec la police du Capitole, dont les agents exigaient que les députés passent par des détecteurs de métal avant d'entrer dans le bâtiment. Elle porterait régulièrement une arme à l’intérieur du Capitole.

Scott Perry, de Pennsylvanie, est allé jusqu'à déclarer: «Ce qui s'est passé l'été dernier était bien plus proche d'une insurrection que tout ce qui s'est passé le 6 janvier.»

Ainsi les actions de Trump ont reçu et reçoivent encore le soutien de l'écrasante majorité de la délégation républicaine.

Une des fonctions-clé du Parti démocrate depuis de nombreuses décennies a été de dissimuler la transformation du Parti républicain en un mélange toxique de fascistes et de néo-nazis, présidé mais à peine contrôlé par des figures de l'establishment comme le leader de la minorité à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, et le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell.

Il est évident que les fascistes qui ont pris le Capitole comptaient prendre en otage les députés et les sénateurs, en tuer certains à titre d'exemple, empêcher le Congrès de certifier la défaite de Trump, et entamer des négociations, sous la menace d'exécutions, pour annuler le vote aux élections de 2020.

Si un siège prolongé s'était développé à Washington, des actions similaires auraient été reproduites dans les capitales des États à travers le pays. Des sections de la police et de l'armée auraient aussi pu venir en aide à Trump.

Ces derniers jours, on a su que: des bombes artisanales ont été placées aux sièges des Partis démocrate et républicain pour détourner la police; les alarmes installées dans la plupart des bureaux du Congrès se sont révélés être désactivés le 6 janvier quand les législateurs ont voulu appeler la police pour les aider; et on a vu un groupe de «touristes» guidés à travers le Capitole par des républicains avant le 6 janvier (malgré la pandémie) prendre des notes sur l’emplacement des bureaux, tunnels et autres passages – puis reparaître parmi les émeutiers du 6 janvier.

Si les événements s'étaient déroulés différemment le 6 janvier, avec des prises d’otages, ceux qui s'exprimaient hier à la Chambre, les «collègues républicains» des démocrates, auraient défendu les actions des fascistes et insisté sur la satisfaction de leurs revendications afin de «guérir» le pays. En clair, ils auraient exigé, sous une ou autre forme, l'annulation des élections de 2020.

Les dirigeants démocrates étouffent les preuves de plus en plus nombreuses d'une conspiration au sommet de l’État. Leur but, comme l'a annoncé Biden la semaine passée, est de préserver un «Parti républicain fort». En clôturant le débat, le leader démocrate de la Chambre, Steny Hoyer, a cité à plusieurs reprises Liz Cheney, présidente du caucus républicain et archi-réactionnaire, qui a condamné le rôle de Trump dans le coup d'État et voté la destitution. Il a aussi salué le vice-président Mike Pence, qui a soutenu l'attaque anticonstitutionnelle et illégale de Trump sur la légitimité des élections de 2020. Pence ne s’est rebiffé que lorsque Trump a exigé de sa part un acte directement illégal pour bloquer la certification du résultat de l’élection par le Congrès.

Dans l’analyse finale, le vote de destitution n’a aucun effet. Tout le cadre de la politique bourgeoise américaine se déplace violemment vers la droite, les fascistes étant encore plus étroitement intégrés aux structures de l'État.

Biden lui-même veut établir ce qui équivaut à un gouvernement de coalition avec les Républicains, même si les Démocrates contrôlent désormais les deux chambres du Congrès et l’exécutif. Il a fait exprès de prendre ses distances de la destitution de Trump et a rejeté les appels à la démission des Républicains co-conspirateurs de Trump, pour ne pas parler de leur arrestation et de leur poursuite.

Il a déclaré hier qu'il chercherait à faire passer un nouveau «plan de relance» face au coronavirus sur une «base bipartite». Ainsi, McConnell et d'autres réactionnaires auront un droit de veto. Ils exigeront des mesures comme l’octroi de l'immunité légale aux employeurs dont les travailleurs meurent de COVID-19 contracté sur le lieu de travail.

Ces discours sur «l’unité» et le «bipartisme», éternels mantras des démocrates, signifient en réalité que ceux qui ont incité l'insurrection fasciste n’auront aucun compte à rendre. La principale préoccupation des démocrates est de s’opposer non pas à la montée du fascisme mais au développement d'un mouvement de la classe ouvrière qui menace les intérêts de Wall Street et de l'impérialisme américain.

La question décisive est l'intervention indépendante de la classe ouvrière. Cela signifie la construction de comités de sécurité de base sur les lieux de travail et dans les quartiers pour défendre les travailleurs contre le virus, et la préparation d'une grève générale politique contre toute nouvelle tentative de prise du Capitole ou de l'une des capitales des 50 États. Toutes sont désormais ciblées par les conspirateurs fascistes.

Tant que la classe ouvrière n'interviendra pas de manière indépendante, contre tous les représentants politiques de la classe dominante, les conspirations fascistes se poursuivront. Mettre fin à la menace du fascisme exige de mobiliser la force indépendante de la classe ouvrière contre le système capitaliste, la source fondamentale de la poussée vers la dictature.

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