Le chef de la Réserve fédérale promet que le soutien massif à Wall Street ne cessera pas

Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a cherché à apaiser les craintes des marchés financiers qui craignent que la banque centrale ne commence à réduire ses achats d’actifs financiers. Il a insisté sur le fait que la Réserve fédérale était loin d’envisager une sortie des politiques monétaires qui ont vu Wall Street atteindre des sommets.

S’exprimant lors d’un événement en ligne à l’Université de Princeton jeudi, Powell a reconnu explicitement que les intérêts de l’oligarchie financière sont le moteur des politiques de la Réserve fédérale.

Le président de la Réserve fédérale Jérôme Powell témoigne devant la commission des services financiers de la Chambre des représentants à Washington, mercredi 2 décembre 2020 [Crédit: Greg Nash/Pool via AP]

Il a déclaré que la Réserve fédérale devait être « très prudente dans sa communication sur les achats d’actifs », car il existe une « réelle sensibilité » chez les investisseurs quant à un éventuel retrait du soutien qu’elle apporte depuis la mi-mars, lorsque les marchés financiers américains et mondiaux se sont gelés.

Depuis lors, la Réserve fédérale a augmenté son bilan à plus de 7000 milliards de dollars par rapport au niveau précédent de plus de quatre mille milliards de dollars. Ceci est le résultat des politiques d’assouplissement quantitatif mises en œuvre après le krach de 2008. Elle continue d’acheter des obligations du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires au rythme de 120 milliards de dollars par mois.

« Ce n’est pas le moment de parler de changer de politique », a déclaré Powell. Il a affirmé que l’une des leçons de la crise financière mondiale était de « faire attention à ne pas changer de politique trop tôt et, au passage, ne pas essayer de parler de changement de politique tout le temps… parce que les marchés écoutent.»

Sans doute, Powell avait à l’esprit l’expérience de 2018, lorsque la Réserve fédérale a relevé les taux d’intérêt de 0,25 points de pourcentage à quatre reprises, et a indiqué que d’autres hausses étaient à venir. La Fed avait alors déclaré qu’elle réduisait ses avoirs de 50 milliards de dollars par mois — un processus qui, selon Powell, était, à un moment donné, en pilotage automatique.

Les marchés ont répondu par une vente massive en décembre, après quoi Powell a rapidement inversé la tendance et a commencé à réduire les taux à partir du milieu de 2019.

Après le gel des marchés financiers à la mi-mars — une crise qui pourrait aller bien au-delà de ce qui s’est passé en 2008 — la Réserve fédérale est intervenue pour servir de filet de sécurité pour tous les actifs financiers.

Powell a déclaré que lorsque la Réserve fédérale disposerait de preuves évidentes des progrès accomplis dans la réalisation de ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation, elle « informerait le monde » de ses achats d’actifs.

« Nous communiquerons très clairement au public et nous le ferons… bien avant d’envisager activement de commencer à réduire progressivement les achats d’actifs», a-t-il déclaré.

Powell a également précisé que la Réserve fédérale n’irait pas intervenir pour hausser des taux d’intérêt. Il a déclaré que la Réserve fédérale ne réagirait pas à une augmentation soudaine de l’inflation, affirmant qu’une augmentation ponctuelle des prix ne signifiait pas « une inflation élevée et persistante ». Lorsque le moment sera venu de relever les taux, la Réserve fédérale le fera, mais « ce moment, d’ailleurs, n’est pas proche. »

L’une des raisons des assurances de Powell est que le rendement ou le taux d’intérêt des obligations du Trésor à 10 ans — la base des taux dans tout le système financier — commence à grimper.

Ceci dans des conditions où les niveaux records d’endettement, utilisés pour la spéculation financière, signifient que même une augmentation relativement faible, selon les normes précédentes, peut causer des problèmes majeurs. Ils sont passés à plus de 1 pour cent pour la première fois depuis de nombreux mois, et même dans le sillage des remarques de Powell, ils ont augmenté de 0,05 point pour atteindre 1,13 pour cent.

La hausse des taux reflète la crainte que les mesures de relance accrues du gouvernement Biden n’augmentent la dette publique et n’entraînent une chute des prix des obligations en raison de l’augmentation de leur offre. Cela pourrait produire une pression à la hausse sur les taux que la Réserve fédérale devra contrer par une augmentation des achats d’actifs pour les maintenir à un niveau bas.

D’autres membres des organes directeurs de la Réserve fédérale soutiennent la position de Powell. Ils voient aussi la nécessité d’aligner directement les actions de la Réserve fédérale sur les demandes des marchés financiers.

S’adressant à l’Association canadienne de l’économie des affaires mercredi, Lael Brainard, membre du conseil d’administration de la Réserve fédérale, a déclaré que l’économie américaine était loin des objectifs de la Réserve fédérale et que, même dans une perspective optimiste, il faudrait du temps pour réaliser de nouveaux progrès.

« Compte tenu de ma perspective de fond, je m’attends à ce que le rythme actuel des achats reste approprié pendant un certain temps », a-t-elle déclaré.

Wall Street a largement salué l’arrivée du gouvernement Biden, avec un marché en hausse de 13 pour cent depuis l’élection du 3 novembre. Mais on craint que la hausse continue ne crée une bulle qui pourrait éclater.

L’investisseur Jeremy Grantham, parmi les plus expérimentés, a averti que l’escalade actuelle de Wall Street rivalise avec les grandes bulles du passé.

Le commentateur du Financial Times, Robert Armstrong, s’est penché sur la question en exposant certains des signes d’une bulle financière. Il a souligné l’extraordinaire hausse de 40 pour cent de l’indice Nasdaq, fortement influencée par la technologie, l’année dernière.

Une autre indication, a-t-il dit, est le développement de ce qu’il a appelé la « folie » des investisseurs, comme l’illustre la hausse de 800 pour cent de l’action Tesla. La richesse de son propriétaire, Elson Musk, a grimpé à plus de 180 milliards de dollars, ce qui en fait l’homme le plus riche du monde. Une autre indication est l’augmentation du prix du bitcoin à plus de 40.000 dollars.

Il n’est pas possible de prédire exactement l’évolution future du marché. Cependant, il est déjà clair que son ascension vers des sommets records est complètement dissociée de l’économie réelle sous-jacente.

De plus, la hausse de la valeur des actions et le transfert sans fin de richesses à l’oligarchie financière — alors qu’on ne trouve pas d’argent pour faire face à la pandémie ou pour soulager la détresse sociale et économique de millions de travailleurs et de petits propriétaires — sont la force motrice centrale des politiques économiques et financières de l’État capitaliste.

Un tel programme, qui, comme l’indiquent les remarques de Powell, doit être intensifié, ne peut être mis en œuvre sans une attaque accrue contre la classe ouvrière. Car la classe dirigeante cherche à extraire de la plus-value pour essayer de maintenir sa montagne de capital fictif. Cela va élever l’inégalité sociale à des niveaux toujours plus élevés et entraîner des luttes sociales massives pour y faire face — comme les événements du 6 janvier l’ont clairement montré — la classe dirigeante se prépare à accepter des formes de pouvoir fascistes.

Article paru d’abord en anglais le 16 janvier 2021)

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