L’ex-président Nicolas Sarkozy condamné à un an de prison ferme

L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dites des écoutes.

Cette révélation d’agissement criminels par l’individu chargé de la plus haute responsabilité dans l’État marque un coup profond de plus à la légitimé du régime politique français. De plus, Sarkozy a tenté de s’acheter les services de la justice française afin d’étouffer les retombées de l’affaire Bettencourt, qui révélait comment une famille milliardaire au passé fasciste avait financé l’ensemble de l’establishment politique en France. C’est tout l’appareil d’État qui est mis en cause.

La décision sans précédent dans la Ve République d’imposer une peine de prison ferme à un président de la République reflétait l’opinion par les magistrats que ces comportements avaient sapé la légitimité du régime existant. Le parquet national financier (PNF) avait requis quatre ans de prison, dont deux ans ferme, à l'encontre de l’ancien chef de l’État, estimant que l'image présidentielle avait été « abîmée » par cette affaire aux « effets dévastateurs ».

Nicolas Sarkozy écope de trois ans d’emprisonnement dont un ferme ainsi que son avocat Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, qui comparaissaient aux côtés de l'ex-président. Une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant 5 ans a également été prononcée à l'encontre de Thierry Herzog. Les juges ont toutefois précisé que sa condamnation pourra être aménagée avec le port d'un bracelet électronique. Nicolas Sarkozy a dix jours pour faire appel, son avocat ayant déjà annoncé qu'il allait faire appel.

Selon Christine Mée, la présidente du tribunal correctionnel, le « pacte de corruption » conclu sur des lignes téléphoniques secrètes entre Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, exige « une réponse pénale ferme ». Elle a déclaré: « Les faits commis sont d'une particulière gravité, ayant été commis par un ancien président de la République. Il s'est servi de son statut et de ses relations politiques et diplomatiques pour gratifier un magistrat ayant servi ses intérêts personnels ».

Mée a poursuivi: « Cette affaire a porté gravement atteinte à la confiance publique en laissant penser que les procédures devant la Cour de cassation ne procèdent pas toujours d'un débat contradictoire devant des magistrats indépendants, mais peuvent faire l'objet d'arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts ».

Hier, Nicolas Sarkozy a accordé une entrevue au Figaro pour clamer son innocence. « J’ai reçu de très nombreux témoignages de soutien d’observateurs français et étrangers », a-t-il dit, avant d’ajouter qu’il ferait appel au besoin jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. « Ce serait pour moi une souffrance que d’avoir à faire condamner mon propre pays, mais j’y suis prêt car ce serait le prix de la démocratie ». Il prendra la parole aujourd’hui au journal de 20h sur TF1.

L’affaire dite « des écoutes » remonte à 2014. A l'époque, le PNF enquêtait sur les soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, qui était accusé de « recel de fonds libyens », « financement illégal de campagne » et d’« association de malfaiteurs».

Les enquêteurs ont découvert une ligne officieuse, secrète, entre deux téléphones portables au nom de Paul Bismuth, sur laquelle Nicolas Sarkozy et Herzog échangeaient. Dans cette affaire, il s'agissait de savoir si Nicolas Sarkozy a tenté, par l'intermédiaire de Herzog, d'aider Gilbert Azibert à obtenir un poste en échange d'informations le concernant dans l'affaire Bettencourt.

L’affaire Bettencourt avait éclaté en 2010, après les révélations par Médiapart d’entretiens impliquant Sarkozy. Le témoignage d’une comptable laissait entendre que la milliardaire Liliane Bettencourt, décédée en 2017, avait illégalement financé sa campagne électorale en 2007.

Claire T. a expliqué qu'elle retirait 50.000 euros par semaine des comptes de Bettencourt: « Une partie servait à payer des médecins, des coiffeurs, du petit personnel, etc. Et une autre, c'était pour les politiques ... Dédé, [le mari décédé de Liliane, André Bettencourt] arrosait large. Chacun venait toucher son enveloppe. Certaines atteignaient même parfois 100.000, voire 200.000 euros ». Elle citait aussi Patrice de Maistre, conseiller financier de Bettencourt, qui lui avait dit qu’il fallait 150.000 euros pour financer la campagne de Sarkozy.

Ces allégations touchaient directement le ministre du Travail de Sarkozy, Eric Woerth, qui était trésorier de sa campagne électorale, mais Sarkozy a toutefois bénéficié depuis d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt.

Sarkozy fait face à de nombreuses autres affaires, sur fond d’intenses rivalités au sein de l’élite dirigeante pour déterminer qui se présentera aux élections présidentielles de 2022, Sarkozy s’étant déjà brièvement présenté en 2017. A présent, il doit comparaître dès le 17 mars dans l’affaire Bygmalion, pour des soupçons de financement illégal de sa campagne en 2012. Le PNF porte aussi l’accusation dans le dossier des soupçons de financement libyen de sa campagne en 2007.

Parmi les autres mis en examen dans ces affaires figurent Woerth, l’ex-secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, et l’ancien ministre Brice Hortefeux. Le PNF a aussi confirmé le 15 janvier 2021 avoir ouvert une enquête pour « trafic d’influence » et « blanchiment de crime ou délit » visant les activités de conseil de Sarkozy en Russie.

La corruption politique révélée par ces affaires ne peut être combattue dans l’analyse finale que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre le régime capitaliste. Derrières ces diverses affaires et les multiples accusations criminelles touchant les plus hautes sphères de l’État, se trouvent des crimes politiques indubitables qui sont le fait non d’un homme, mais de tout l’ordre social. Les politiques menées à travers l’Union européenne au courant des trois décennies depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991 ont criminalisé le capitalisme européen.

Le père de Liliane Bettencourt, Eugène Schueller, avait fondé l'Oréal et financé le groupe fasciste La Cagoule qui durant la seconde moitié des années 1930 semait la terreur par ses violentes attaques contre des cibles juives et communistes. Or, cette famille a joué depuis lors un vaste rôle dans la politique française, en arrosant les partis établis et leurs dirigeants. En échange, ceux-ci permettent à l’aristocratie financière d’engranger d’immenses fortunes, réalisées aux prix d’une austérité toujours plus violente visant la classe ouvrière.

A présent, pendant la pandémie de COVID-19, cette politique est menée à travers des plans de relance européens de plus de 2.000 milliards d’euros aux banques et aux grandes entreprises. Le versement de ces vastes sommes d’argent public vers les ultra-riches se finance à travers une politique d’immunité collective où l’élite dirigeante garde les travailleurs au travail afin de continuer à verses des profits aux banques. Cette politique, contraire aux avis des médecins, s’est soldée par plus de 800.000 morts à travers l’Europe.

En plus, l’impérialisme français avance ses intérêts géopolitiques à travers de sales guerres néocoloniales, notamment autour de leur « pré carré » en Afrique, comme la guerre en Libye menée avec le soutien de la pseudo gauche. Le NPA et Mélenchon ont soutenu la guerre et applaudi le renversement par des milices islamistes du régime libyen de Kadhafi en 2011 par Sarkozy.

La criminalité et la logique de clan mafieux sous-tendent la politique de l’aristocratie financière en France et internationalement.

Le 6 janvier, Trump tentait un coup d’État fasciste sans précédent pour renverser le résultat des élections américaines. En France, la situation n'est pas fondamentalement différente, même si les appareils syndicaux et la pseudo-gauche tentent de couvrir la faillite du régime en saluant le « dialogue social » qu’ils mènent avec l’État et le patronat. Si aucun dirigeant bourgeois n’a encore ouvertement tenté de coup d’État, les présidents de la République au 21e siècle présentent un profil de criminalisation de plus en plus nette.

Jacques Chirac a été le premier président de la République condamné, en 2011 pour corruption dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris. A présent, son successeur a été condamné à de la prison ferme. Sous la présidence PS de Hollande, l’État a relancé les opérations « homo », c’est-à-dire les meurtres ciblés de citoyens français par les services de renseignement, souvent sur des théâtres de guerre.

Face aux explosions de la colère ouvrière contre la politique d’austérité et de guerre, avec la lutte des « gilets jaunes » en 2018, Macron a salué le dictateur collaborationniste Philippe Pétain. Depuis, il a mené une politique d’immunité collective face au coronavirus qui a fait plus de 85.000 morts qu’une politique scientifiquement fondée aurait pu en grande partie éviter. Seule une mobilisation politiquement indépendante et internationale de la classe ouvrière permettra d’imposer la fin de cette politique meurtrière et du système capitaliste qui la sous-tend.

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