L'Assemblée populaire nationale chinoise débute dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes

La réunion annuelle d’une semaine de l’Assemblée populaire nationale (APN) chinoise a débuté vendredi, assombrie par une montée continue des tensions avec les États-Unis. Quelques semaines à peine après son investiture le 20 janvier, le président Joe Biden a déjà entrepris d’intensifier la confrontation avec la Chine qui trouve son origine dans le «pivot vers l’Asie» du gouvernement Obama, dont Biden faisait partie, et qui s’est intensifiée sous Trump.

La discussion au sein de l’APN est façonnée par les craintes de Pékin que Biden poursuive les mesures de guerre commerciale agressives de Trump, les provocations navales dans la mer de Chine méridionale et le détroit de Taïwan à proximité du continent chinois, et un renforcement militaire plus large dans l’Indo-Pacifique en préparation de la guerre.

Des gens passent devant un écran vidéo qui montre une image du président chinois Xi Jinping lors d’une exposition à Pékin, le 1er mars 2019 [Source: AP Photo/Mark Schiefelbein]

Le jour de l’ouverture du Congrès, le premier ministre Li Keqiang a présenté le rapport de travail du gouvernement, axé sur l’économie dans le contexte du 14e plan quinquennal, qui a également été publié vendredi. Il a annoncé un objectif de croissance économique «supérieur à 6 pour cent», indiquant une reprise substantielle par rapport à l’année dernière où l’économie s’était contractée de 6,8 pour cent au premier trimestre avant de rebondir pour atteindre une croissance de 2,3 pour cent pour l’ensemble de l’année 2020.

L’objectif semble être une sous-estimation, selon des observateurs extérieurs. En janvier, le Fonds monétaire international a prévu que l’économie chinoise croîtrait de 8,1 pour cent en 2021.

Les chiffres de cette croissance soulignent la profonde inquiétude de Washington qui craint que la Chine éclipse les États-Unis: une situation intolérable pour l’élite dirigeante américaine qui utilisera toutes les méthodes, y compris la guerre, pour empêcher que sa domination mondiale soit minée. Dans son premier discours de politique étrangère, Biden a déclaré qu’il prévoyait une «concurrence extrême» avec la Chine.

La pandémie de COVID-19 a accentué cette rivalité. Malgré les faiblesses et le caractère bureaucratique de sa réponse au coronavirus, le régime du Parti communiste chinois (PCC) a réussi dans une large mesure à contenir sa propagation et à permettre une relance de l’activité économique. Le chiffre de 2,3 pour cent de croissance en 2020 était le plus rapide de toutes les grandes économies. En revanche, les États-Unis ont laissé le COVID-19 se propager, ce qui a entraîné plus d’un demi-million de décès et une contraction de l’économie.

L’année dernière, Homi Kharas, chercheur principal à la Brookings Institution, a indiqué que la Chine atteindrait la parité avec l’économie américaine d’ici 2028 en termes absolus, soit deux ans plus tôt que ce qu’il avait estimé précédemment. Les analystes de la banque d’investissement japonaise Nomura ont suggéré que la Chine dépasserait les États-Unis en tant que première économie mondiale encore plus tôt, soit en 2026.

Li s’est vanté que la Chine s’était remise d’une année «extraordinaire», en déclarant «Face à l’impact négatif et sévère d’une soudaine épidémie de coronavirus et d’une profonde récession économique mondiale, nous, le peuple chinois… avons réagi avec une ténacité extraordinaire».

Toutefois, les dirigeants du PCC sont parfaitement conscients qu’ils font face à la fois à la menace extérieure que représentent les États-Unis et aux dangers internes, surtout de la part de la classe ouvrière, en raison des tensions sociales aiguës alimentées par l’aggravation des inégalités sociales, la hausse du chômage et du sous-emploi et l’hostilité à ses méthodes de gouvernement oppressives d’État policier.

Dans un discours prononcé la semaine dernière devant les responsables du parti, comme l’a rapporté le New York Times, le président Xi Jinping a déclaré que la Chine entrait dans une période d’opportunité, car «l’Est se soulève et l’Ouest décline». Mais il a averti que «la plus grande source de chaos dans le monde actuel est les États-Unis», qui sont également «la plus grande menace pour le développement et la sécurité de notre pays».

Le régime de Pékin n’a pas de réponse progressiste à la volonté de guerre des États-Unis. Comme la perspective d’un compromis et d’un apaisement des tensions avec Washington est de plus en plus improbable, le PCC continue d’augmenter ses dépenses militaires dans une course aux armements imprudente avec les États-Unis qui ne peut que se terminer par un désastre. Li a annoncé que les dépenses militaires augmenteraient de 6,8 pour cent en 2021, pour atteindre 1,36 mille milliards de renminbi (210 milliards USD), comparativement à une hausse de 6,6 pour cent l’année dernière, mais moins que l’augmentation de 7,5 pour cent en 2019.

Xi en particulier, et plus généralement le PCC, est fortement dépendant de l’armée chinoise ou de l’Armée populaire de libération pour soutenir son pouvoir. Les généraux et les responsables militaires, ainsi que les hauts représentants de la police paramilitaire de l’Armée populaire utilisée pour la répression interne, constituent environ 400 des plus de 5.000 délégués du PCN – l’un des plus gros contingents de l’Assemblée.

L’accent mis sur la recherche et le développement est tout aussi important. Le premier ministre Li a déclaré que le plan quinquennal visait à augmenter les dépenses de recherche et développement d’au moins 7 pour cent chaque année afin d’établir «l’autonomie technologique» comme «soutien stratégique au développement national». Les principaux domaines de recherche comprennent l’intelligence artificielle de la prochaine génération, les semi-conducteurs et l’informatique quantique, ainsi que les voitures électriques et les technologies vertes.

Le président Trump a effectivement forcé la Chine à accroître ses investissements dans la recherche en imposant des sanctions paralysantes à des entreprises chinoises clés, dont le géant de la haute technologie Huawei. Plus de 60 entreprises chinoises, notamment le principal fabricant de puces informatiques, Semiconductor Manufacturing International Corporation, avaient été mises sur la liste noire au cours des dernières semaines du gouvernement Trump. Les sanctions visaient à couper l’accès aux composants et aux technologies de pointe, y compris les puces informatiques de pointe qui sont en forte demande.

Le gouvernement chinois investit massivement dans les dépenses militaires et de recherche, malgré les inquiétudes concernant l’impact des niveaux d’endettement très élevés sur la stabilité du système financier. L’année dernière, le ratio de la dette publique par rapport au produit intérieur brut a atteint 270 pour cent, contre 246,5 pour cent en 2019, après que Pékin a augmenté les dépenses afin de maintenir la croissance économique pendant la pandémie.

La semaine dernière, le South China Morning Post a noté que 15 des délégués de l’APN possédaient ou géraient des sociétés immobilières dont la dette combinée s’élevait à 2440 milliards de yuans (375,5 milliards USD). Le plus riche, Hui Ka-yan, est le président du groupe Evergrande et la 14e personne la plus riche de Chine, avec une fortune évaluée à 28,5 milliards USD. Leur présence au sein du NPC montre clairement quels intérêts le PCC représente: ceux des oligarques ultra-riches qui ont bénéficié des quatre décennies de restauration capitaliste en Chine.

Alors que les super-riches se sont encore plus enrichis pendant la pandémie, la grande majorité de la population chinoise a fait face au chômage, au stress financier et à l’incertitude. La semaine dernière, Xi s’est encore vanté que la Chine avait éradiqué la pauvreté absolue, la décrivant comme «un autre miracle dans les annales de l’histoire». Il ne manquera pas d’en faire grand cas la semaine prochaine, en déclarant que la Chine a atteint son objectif de devenir un «pays modérément prospère»: ce qui coïncide avec le 100e anniversaire de la fondation du PCC en juillet.

La croissance stupéfiante de l’économie chinoise au cours des 40 dernières années a sans aucun doute élevé le niveau de vie général – un fait sur lequel le régime du PCC s’est appuyé pour limiter l’opposition et la dissidence. Mais l’élimination de la pauvreté absolue – même si cela était vrai – est basée sur un seuil extrêmement bas de 620 dollars par an. La persistance de graves difficultés financières a été mise en évidence en mai 2019 lorsque le premier ministre Li a souligné que 600 millions de personnes en Chine devaient survivre avec un revenu mensuel inférieur à 1.000 RMB [155 USD], soit environ 5 dollars par jour.

Le commentaire de Li souligne la nervosité de Pékin face aux tensions sociales aiguës, qui ne sont qu’aggravées par la pandémie de COVID-19. Dans son rapport de travail, Li s’est fixé comme objectif de créer plus de 11 millions de nouveaux emplois urbains cette année, contre un objectif de 9 millions l’année dernière. Il prévoit d’atteindre un taux de chômage urbain de 5,5 pour cent, contre environ 6 pour cent l’année dernière. Ces chiffres, qui excluent les problèmes sociaux auxquels est confrontée la population rurale, sont très douteux.

Xi a beau se targuer de créer un pays modérément prospère, le régime du PCC est assis sur une bombe à retardement sociale que son énorme appareil d’État policier est incapable de contenir.

(Article paru en anglais le 6 mars 2021)

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