Pour une réponse politique indépendante de la classe ouvrière à la catastrophe du COVID-19 au Brésil!

La pandémie de COVID-19 au Brésil est devenue une catastrophe totale avec un nombre record de décès chaque jour, un effondrement du système hospitalier à l’échelle nationale, des variants plus contagieux qui se propagent rapidement, et moins de 5 pour cent de la population ayant été vaccinée.

Mercredi, le pays a enregistré un nombre record de 2.349 décès dus au COVID-19. Avec ce chiffre stupéfiant, 50 pour cent plus élevé que le pic atteint lors de la première vague de la pandémie, le Brésil a dépassé la barre des 270.000 décès dus au coronavirus. Sur ce total, 75.941 décès ont eu lieu cette année. Le même jour, on a enregistré 80.955 nouveaux cas, atteignant le nombre le plus élevé de nouvelles infections pour l’ensemble de la pandémie.

Des manifestants scandent des slogans lors d’une protestation contre la réponse du gouvernement au COVID-19, et réclament l’extension de l’aide d’urgence du gouvernement fédéral dans le cadre de la pandémie à Rio de Janeiro, Brésil, le jeudi 18 février 2021. (AP Photo/Silvia Izquierdo)

La gravité de l’effondrement du système de soins de santé du pays a été soulignée par une déclaration de la Fondation Oswaldo Cruz. Selon cette dernière, 15 des 27 capitales d’État du Brésil ont déjà 90 pour cent de leurs lits de soins intensifs occupés par des patients qui souffrent de cas graves de COVID-19. Dix autres capitales se trouvent dans une «situation extrêmement critique», c’est-à-dire que le taux d’occupation des unités de soins intensifs est supérieur à 80 pour cent.

La prédiction du neuroscientifique, Miguel Nicolelis, selon laquelle le Brésil pourrait atteindre 2.000 décès par jour dans les prochains jours, et 3.000 décès par jour dans les prochaines semaines, se réalise tragiquement. Cela signifie que les trois prochains mois verront un doublement du nombre total de morts dans le pays.

Le scientifique a défini le Brésil comme un laboratoire à ciel ouvert pour la création des mutations les plus dangereuses du COVID-19 et peut-être même d’un nouveau virus, un SARS-CoV-3 encore plus infectieux et mortel. Ce potentiel dévastateur a déjà été démontré par l’apparition de la variante P.1 du coronavirus l’année dernière à Manaus. Cette souche est plus contagieuse, elle peut provoquer des réinfections et elle est plus résistante aux vaccins.

La spirale incontrôlée de la pandémie au Brésil présente de graves dangers non seulement pour la population brésilienne, mais aussi pour la planète entière. Elle est le résultat de la politique criminelle d’immunité collective largement adoptée par les classes dirigeantes du monde entier. Elle est promue de la manière la plus agressive par le gouvernement brésilien qui a délibérément permis au virus de se répandre dans la société.

Aucune partie du pays n’a jamais mis en œuvre une politique scientifique de lutte contre la pandémie, notamment la fermeture de toutes les activités non essentielles, suivie de tests et la recherche des contacts.

En mai 2020, alors que le Brésil n’avait pas encore enregistré 12.000 décès dus au COVID-19, les représentants des plus grandes associations de la grande entreprise ont défilé aux côtés du président fasciste Jair Bolsonaro. Ils ont dénoncé les mesures restrictives minimales prises par les gouvernements locaux, affirmant qu’ils «sont allés trop loin.» Bolsonaro a promis aux capitalistes qu’il mènerait une «guerre contre les confinements».

Pas un seul parti de l’establishment politique brésilien, y compris la prétendue opposition dirigée par le Parti des travailleurs (PT), n’a résisté aux exigences sociopathiques de la bourgeoisie nationale. Au contraire, depuis lors, toutes les mesures prises par les gouvernements des États, toutes tendances politiques confondues, visent à mettre fin aux politiques de distanciation sociale.

Les éducateurs contestent la politique meurtrière de la classe dirigeante

Malgré l’exemple désastreux de la deuxième vague de la pandémie en Europe et aux États-Unis avec son nombre record de cas et de décès, et malgré l’augmentation stupéfiante de ces chiffres au Brésil même depuis la fin de l’année dernière, la classe dirigeante a exigé la réouverture générale des écoles dans tout le pays. Une campagne de propagande coordonnée entre le gouvernement fédéral, les gouvernements des États et les médias bourgeois a violemment attaqué les conclusions des études scientifiques selon lesquelles les écoles sont des vecteurs majeurs de la propagation du virus. Les gouvernements et les médias ont cherché à écraser l’opinion répandue au sein de la population brésilienne selon laquelle la réouverture des écoles n’est pas sûre.

Dans l’État de São Paulo, le plus touché par le coronavirus avec plus de 60.000 décès enregistrés, le gouverneur João Doria du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) a défini l’enseignement en présentiel comme un service essentiel, qui doit se poursuivre quelle que soit la gravité de la pandémie.

Le caractère meurtrier de cette politique a déjà été largement démasqué. Depuis que les écoles de São Paulo ont commencé à rouvrir le 1er février, on a déjà signalé 21 décès, deux étant des élèves et les autres des enseignants, ainsi que 4.084 infections confirmées au COVID-19 et 24.345 autres cas suspects.

Jeudi, cette situation a obligé le gouverneur, Doria, à annoncer des mesures plus restrictives pour éviter un effondrement total du système de santé, tout en soulignant qu’il ne s’agit pas d’un «confinement». Les industries et les services verront leurs heures d’ouverture et de fermeture échelonnées afin de réduire l’affluence dans les transports publics, tandis que les écoles privées seront autorisées à garder jusqu’à 35 pour cent des élèves en classe. Les écoles publiques de l’État de São Paulo auront une pause scolaire pendant les deux prochaines semaines, mais devraient reprendre les cours par la suite.

Une catastrophe encore plus grande a été évitée par l’action indépendante des enseignants de São Paulo, qui se sont mis en grève contre la réouverture des écoles le 8 février dans le réseau public de l’État, et trois jours plus tard, dans le système scolaire municipal de la capitale. Samedi dernier, les enseignants des écoles privées de São Paulo ont également voté pour entamer une grève à partir de ce jeudi.

Après un mois, la grève des enseignants de São Paulo est à un point critique. La grève se poursuit uniquement grâce à la détermination des enseignants de base, qui sont confrontés à un sabotage délibéré de la part des syndicats. L'APEOESP et le SINPEEM, les plus grands syndicats d'enseignants de São Paulo, travaillent sans relâche pour diviser les enseignants, supprimer leurs initiatives indépendantes et les épuiser afin d'enterrer la grève.

Mais le mouvement des enseignants est alimenté par de puissantes forces sociales. De nouvelles grèves d’enseignants se développent dans des États tels que Santa Catarina et Paraná. Mais plus fondamentalement, on observe un mécontentement croissant au sein de la population brésilienne dans son ensemble face à la négligence du gouvernement face à la pandémie. Une vague d’agitation se propage dans différentes couches de la classe ouvrière.

Des grèves et protestations ouvrières se répandent dans tout le Brésil

Aujourd’hui, la moindre goutte d’eau menace de faire déborder les digues qui retiennent l’opposition sociale.

L’augmentation du prix du carburant la semaine dernière a déclenché des grèves sauvages et des protestations de chauffeurs routiers, de chauffeurs Uber et de livreurs dans différentes régions du Brésil. À plusieurs reprises, les manifestants se sont dirigés vers les raffineries de pétrole, faisant de l’agitation parmi les travailleurs du pétrole, qui ont voté pour une grève contre la hausse des infections COVID-19 et les menaces de privatisation de leurs installations.

Des manifestations ont également éclaté parmi les opérateurs de centres d’appels. En mars de l’année dernière, ces derniers ont été à l’origine de la première réponse de la classe ouvrière brésilienne à la pandémie de COVID-19. Ils ont lancé un cri puissant: «Nous n’allons pas mourir dans nos cubicules!»

Réclamant de meilleurs salaires, s’opposant à l’annulation de leurs plans de santé et dénonçant les négociations entre l’entreprise et le syndicat, les opérateurs d’AlmaViva à Aracaju, Sergipe, ont organisé une manifestation lundi dernier. Les travailleurs ont scandé: «Grève, maintenant! Grève, maintenant!» Le lendemain, une manifestation spontanée contre des conditions similaires a eu lieu à l’entreprise Liq de Salvador, à Bahia. Le groupe de médias sociaux Senzala80, organisé indépendamment par les travailleurs de l’entreprise, a déclaré: «Cela s’appelle une rupture de contrat. Nous avons signé un contrat dans lequel on nous donnait le droit à un plan de santé, et en pleine pandémie, on nous a retiré notre droit aux soins de santé. Et le syndicat fait quoi pour les opérateurs? RIEN.»

Au cours de l’année écoulée, il y a eu des grèves continuelles par les chauffeurs de bus et les receveurs, qui ont subi 70.000 licenciements depuis le début de la pandémie et ont vu, dans de nombreux cas, leurs salaires retardés pendant des mois. Une grève des chauffeurs de bus a duré un mois à Teresina, la capitale du Piauí; lundi, on a lancé une grève à Vitória, la capitale de l’Espírito Santo; lundi prochain, une grève débutera à São Luís, la capitale du Maranhão. La même situation se développe dans de nombreuses autres villes.

Début février, la Confédération nationale des travailleurs des transports terrestres, qui regroupe plus de 300 syndicats de conducteurs de bus, a envoyé une lettre au gouvernement fédéral et au Congrès pour demander le financement des entreprises de transport du pays. Exprimant la nervosité des syndicats face à l’agitation dans leurs rangs, le document déclarait: «Nous soulignons que les mesures ci-dessus sont urgentes et visent, dans un premier temps, à atténuer le mouvement croissant de GRÈVE GÉNÉRALE stimulé (à juste titre) par les syndicats locaux et les fédérations.» Aucun syndicat local ne réclame la grève générale! Mais ils craignent d’être incapables de contenir les travailleurs de la base qui se dirigent dans cette direction.

La classe dirigeante partage l’ensemble de ces inquiétudes. Dans les hautes sphères de l’État, une alerte rouge s’est déclenchée la semaine dernière par l’éruption de manifestations massives au Paraguay contre la gestion désastreuse de la pandémie par l’allié fasciste de Bolsonaro, le président Mario Abdo Benítez. La menace que ces protestations traversent la frontière et «infectent» les masses brésiliennes, qui font face fondamentalement à la même catastrophe que leurs frères et sœurs paraguayens, n’est pas sous-estimée au sein des cercles dirigeants.

Un programme socialiste contre la pandémie du COVID-19

Jusqu’à présent, la réponse à la pandémie a été dictée par la classe capitaliste. Les intérêts privés sont passés avant l’intérêt social de préserver des vies. Alors que des centaines de milliers de personnes sont mortes du COVID-19 et des millions d’autres ont été jetées au chômage et la misère au Brésil. L’oligarchie capitaliste parasitaire a immensément augmenté sa part du revenu national.

Les mêmes activités économiques qui ont provoqué les épidémies de COVID-19 parmi les travailleurs ont garanti des profits obscènes aux sociétés capitalistes et à leurs actionnaires. Les entreprises de conditionnement de la viande ont enregistré des bénéfices records en 2020, bien qu’elles soient responsables de la propagation de la pandémie dans l’intérieur du Brésil et des plus grandes éclosions dans des États comme le Rio Grande do Sul, qui fait face maintenant à un effondrement total de son réseau de santé.

Le producteur d’acier Usiminas a connu une croissance de 243 pour cent de ses bénéfices en 2020, la plus élevée de ces dix dernières années. Pendant ce temps, la région de Steel Valley, dont l’économie est dominée par l’entreprise, a enregistré le deuxième taux de mortalité le plus élevé du Minas Gerais et est au bord de l’effondrement de son réseau de santé.

La fin du cauchemar prolongé de la pandémie de COVID-19 nécessite une lutte politique de la classe ouvrière contre le système capitaliste, organisée indépendamment des syndicats corporatistes et de tous les partis de la bourgeoisie.

La logique de développement du mouvement qui commence à prendre forme dans différentes sections de la classe ouvrière brésilienne va dans le sens de l’unification de ces luttes croissantes en une grève générale – une grève qui ferme toutes les activités économiques non essentielles, établisse le contrôle ouvrier sur les lieux de travail qui continuent à fonctionner, et exige un revenu complet pour toutes les familles ouvrières.

Pour ce faire, il est nécessaire de construire des comités de base dans les différents lieux de travail et quartiers, permettant aux travailleurs de se libérer du contrôle des syndicats sur leur mouvement. Ces comités doivent adopter un programme socialiste d'expropriation des grandes entreprises et des fortunes des capitalistes, et de réorientation de celles-ci pour répondre aux intérêts sociaux.

L’action indépendante de la classe ouvrière brésilienne aura une signification internationale immédiate. Des vies sont en jeu dans le monde entier, car les nouvelles souches plus mortelles du virus qui apparaissent au Brésil vont inévitablement traverser les frontières nationales. La lutte menée par les travailleurs brésiliens sera immédiatement relayée par leurs frères et sœurs du monde entier.

La construction du Groupe de l’égalité socialiste (GSI) au Brésil en tant que section du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), la seule force politique mondiale qui représente ce programme socialiste internationaliste, est l’étape la plus fondamentale vers la victoire de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 12 mars 2021)

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