L’élite dirigeante canadienne ouvre la voie à une troisième vague de COVID-19

Comme c’est le cas dans plusieurs pays, les nouveaux variants du coronavirus se répandent au Canada. Alors qu’on dénombrait seulement une poignée de cas il y a quelques semaines, on assiste désormais à une hausse marquée. Si les trois variants observés pour la première fois au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Brésil sont présents au pays, le variant B.1.1.7 responsable de la crise au Royaume-Uni semble être celui qui devient dominant sur le territoire.

Parmi les provinces les plus touchées, on compte l’Alberta avec plus de 700 cas et la Colombie-Britannique avec 576 cas.

En Ontario, qui vient en tête avec plus de 1.000 cas, les variants représentent désormais plus de 40% des cas dépistés. En plus du taux de positivité à plus de 5% dans les régions de Peel, York et Toronto, des centaines de cas présumés sont en analyse, ce qui signifie que l’ampleur de sa progression est certainement sous-estimée.

Même son de cloche au Québec. Si la province n’a relevé jusqu’ici que 343 cas du variant, près de 1.850 cas présumés sont à l’étude. Avec les 15 à 20% des nouvelles infections que représentent la B.1.1.7, une hausse des cas est à prévoir dans les semaines à venir. Selon les nouvelles projections de l’Institut national de la Santé publique du Québec (INSPQ), la province pourrait voir son nombre de cas quotidiens monter jusqu’à 4.000 par jour si rien n’est fait.

À l’image des États-Unis l’été dernier, la 2e vague au Canada risque de se prolonger en 3e vague alors que les réseaux de santé du pays ne se sont toujours pas remis du mois de janvier où le protocole de triage – servant à déterminer qui aura et n’aura pas accès aux soins en cas de saturation – est passé à un cheveu d’être déployé.

Malgré les dangers connus des variants, les gouvernements ont assoupli les mesures minimales déployées lors de la 2e vague, laissant le virus circuler librement dans la population.

En Alberta, le gouvernement de Jason Kenney a annoncé cette semaine la réouverture des centres sportifs et des bibliothèques, alors que son homologue du Manitoba a annoncé des assouplissements concernant la capacité des commerces.

En Ontario, si la province a dû imposer un confinement dans les districts de Sudbury, Thunder Bay et Simcoe-Muskoka suite à des éclosions liées au variant B.1.1.7, la situation ne l’a pas empêché d’assouplir les mesures dans 7 autres régions.

Au Québec, le gouvernement de la CAQ et son premier ministre François Legault ont fait passer 4 nouvelles régions au niveau d’alerte orange et ont annoncé la réouverture des restaurants dans toutes les zones orange. Ainsi, seules les régions de Montréal et ses affluents demeurent en zone rouge. Pour l’ensemble de la province, Legault a annoncé la reprise des activités parascolaires et du sport intraéquipe.

Quelles que soient les mesures qui restent, elles demeurent largement insuffisantes et comme le soulignent les projections des autorités, les gouvernements font exactement le contraire de ce qui devrait être fait pour empêcher une troisième vague.

De la même manière qu’elle a géré la première et la deuxième vague, la classe dirigeante canadienne refuse catégoriquement de mettre en place la moindre mesure qui pourrait venir toucher à ses profits, d’où son insistance criminelle à garder ouverts les écoles et les milieux de travail – les principaux vecteurs de transmission – afin de continuer à engranger les profits. À titre indicatif, pour la semaine du 27 février au Québec, 36% des nouveaux cas étaient liés au milieu de travail et 31,6% étaient liés aux écoles (40% si on ajoute les garderies).

Comme le démontrent les données et études scientifiques, le rôle des écoles dans la transmission communautaire n’est plus à prouver et c’est d’autant plus vrai avec l’arrivée des variants. Bien qu’elles ne représentent en moyenne que 30% des cas de COVID-19 dépistés, les écoles comptant au moins un cas se comptent par dizaines. Au Québec, plus d’une vingtaine d’écoles ont dû fermer après la découverte du variant et en Ontario, uniquement pour la ville de Toronto, c’est plus d’une dizaine.

Alors que les gouvernements utilisent hypocritement la santé mentale des jeunes pour les garder sur les bancs d’école, ils prétendent que la maladie ne représente aucun danger physique pour eux. Mais quel mensonge!

En plus de l’absence de données sur les conséquences à long terme pour ce groupe d’âge, plusieurs jeunes ont dû être hospitalisés et il y a eu des morts chez les moins de 19 ans. En fait, ce mensonge fait partie intégrante de la politique d’immunité collective qui consiste, entre autres, à laisser les jeunes attraper la maladie pour atteindre une supposée immunité naturelle à long terme. En plus d’être anti-scientifique et décriée par les agences de santé comme l’OMS (Organisation mondiale de la santé), cette politique adoptée publiquement ou en coulisses par l’ensemble de la classe dirigeante mondiale a causé la mort de 2,6 millions de personnes à travers la planète, dont plus de 22.000 au Canada.

Comme en témoignent les projections des autorités, une troisième vague est plus que probable si rien n’est fait. Cette perspective est appuyée par plusieurs experts tels que Raywat Deonandan, épidémiologiste de la santé mondiale et professeur associé à l’Université d’Ottawa. Selon ce dernier, une troisième vague est «mathématiquement inévitable» à cause de trois facteurs: l'historique des épidémies, l'arrivée des variants et la nature des mesures mises en place. Si les deux premiers facteurs soulignent la nécessité d'agir pour prévenir une nouvelle vague mortelle à l'échelle du pays, le troisième met directement en cause les autorités. Leurs décisions des dernières semaines démontrent qu’elles n’ont aucune intention d'implanter les mesures nécessaires pour enrayer la pandémie.

Contrairement à l'élite dirigeante, les travailleurs souhaitent empêcher une troisième vague et ses potentielles conséquences. Selon un sondage de Ipsos commandé par Radio-Canada fait auprès de 3.000 personnes sur l’état de la population et leurs attentes, 76% des répondants seraient prêts à faire un nouveau confinement pour limiter l’impact des variants.

Au niveau de la vaccination, malgré l’homologation des vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson par Santé Canada ces deux dernières semaines, il est virtuellement impossible que les provinces réussissent à vacciner suffisamment de gens pour empêcher une troisième vague. Même si la vaccination a débuté il y a près de trois mois, le Canada ne compte que 5,8% de sa population ayant reçu une première dose, alors que seulement 1,6% ont reçu les deux doses.

Ce fiasco dans la vaccination est la conséquence de politiques délibérées de l’establishment canadien sur des décennies. Alors que le Canada était l’un des pays avec l’industrie pharmaceutique la plus avancée dans les années 70, le gouvernement fédéral dans les années 80 a privatisé les Laboratoires Connaught de Toronto puis dans les années 90, il a réduit le budget du ministère de l’Industrie des deux tiers, coupant ainsi la majeure partie des investissements publics en recherche et en développement. Les compagnies ont emboité le pas au gouvernement durant ces décennies et ont déplacé leurs installations ailleurs, laissant ainsi le gouvernement et la population à la merci des marchés.

Mais plus largement encore, ce fiasco dans la vaccination ne fait que souligner l’incapacité du système capitaliste à se préparer et à gérer les crises. Une fois de plus, des millions de gens sont en danger non pas par manque de connaissances ou d’avancées scientifiques, mais à cause du système capitaliste où tout est subordonné au profit privé.

De plus, l’accès au vaccin est devenu une source de conflit international. Les grandes puissances, les États-Unis en tête, utilisent leur contrôle sur la production des vaccins pour faire valoir leurs intérêts géopolitiques. Le Canada est l’un des pays capitalistes avancés à continuer de bloquer une levée temporaire des brevets sur les vaccins de COVID-19 qui permettrait la production de vaccins génériques dans les pays moins avancés.

Avec l’incapacité des autorités à vacciner, certains experts se demandent même si l’objectif du premier ministre canadien Justin Trudeau de vacciner l’ensemble de la population avant la fin septembre est réaliste.

Bien que le temps commence à manquer, une troisième vague peut être évitée. Cela nécessite la fermeture complète des écoles, ainsi que des industries et commerces non essentiels, avec pleine compensation financière pour les travailleurs et petits commerçants ainsi privés de revenus. Des centaines de millions doivent être investis pour dépister, tracer et séquencer les cas, et aussi permettre aux hôpitaux d’avoir les moyens de soigner ceux qui développent des formes graves de COVID-19.

Cette stratégie, seule capable d’enrayer la pandémie, requiert la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. Des comités de travailleurs de la base, indépendants des syndicats pro-capitalistes, doivent être formés en éducation, en santé et dans les usines afin d’exiger la fermeture immédiate des écoles et des entreprises non essentielles.

De tels comités pourront solliciter et obtenir le soutien de la classe ouvrière partout au pays et à l’international, comme en témoignent les nombreux arrêts de travail organisés dans le monde pour préserver les vies humaines et la santé publique. Ce programme de lutte doit être guidé par une perspective socialiste, c’est-à-dire la réorganisation complète de la vie économique afin de satisfaire les besoins sociaux de la majorité, et non la course aux profits de la minorité possédante.

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