Les manifestations continuent contre les violences policières et la loi «sécurité globale»

Samedi, des dizaines de manifestations se déroulaient à travers la France pour marquer l’opposition aux violences policières et à la loi «sécurité globale» adoptée jeudi en première lecture au Sénat.

L’ONU a condamné la loi «sécurité globale» lorsque le gouvernement Macron l’a proposée l’année dernière, estimant que son interdiction de filmer la police nuisait au «contrôle démocratique des institutions publiques.» Néanmoins, les deux chambres du parlement français sont en passe d’approuver la loi. Dictée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, un ancien militant de l’Action française d’extrême-droite, elle vise à libérer l’État policier de toute contrainte lors de ses opérations contre grèves et manifestations.

Des manifestations étaient organisées à Lille, Rouen, Rennes, Nantes, Brest, Limoges, Toulouse, Marseille, Nîmes, Lyon, Strasbourg et des dizaines d’autres villes, à l’appel d’un collectif #StopLoiSecuriteGlobale. Celui-ci regroupe syndicats de journalistes, la Ligue des droits de l’homme et de groupes de «gilets jaunes» éborgnés ou mutilés par les forces de l’ordre.

Les forces de police ont autorisé les manifestations, alors que le gouvernement Macron avait annoncé jeudi l’imposition d’un nouveau vrai-faux confinement. Cela n’a fait que souligner à nouveau que l’exécutif, qui garde ouvertes les industries non-essentielles ainsi que les écoles, s’oppose à une véritable politique de distanciation sociale. Alors que la France a franchi le cap des 4,3 millions de cas et des 90.000 morts de COVID-19, il laisse les variants du virus se répandre.

Les manifestations ont révélé une contradiction: alors que le gouvernement est discrédité par sa politique sanitaire désastreuse et met en place un régime autoritaire, elles n’ont recueilli le soutien que de quelques milliers de personnes. Il est plus ou moins évident que c’est lié au silence des organisateurs de la manifestation sur les questions centrales posées aux travailleurs: l’austérité sociale, et surtout la pandémie de COVID-19. Ces groupes n’ont rien à dire sur la politique menée par Macron contre les travailleurs, voire en sont complices.

Les revendications des manifestants contre les violences policières sont légitimes et jouissent d’un large soutien. Après le passage à tabac l’année dernière par la police d’un producteur de musique pacifique, Georges Zecler, capturé par une vidéo chez lui à Paris, les Français n’étaient que 37 pour cent à faire confiance à la police, selon un sondage Ifop. Mais les déclarations des principaux intervenants dans les manifestations comme celles du collectif ont fait le silence sur la pandémie.

Les manifestants étaient 500 à Lyon, surveillés par un hélicoptère de la police, 400 à Rennes et 300 à Lille, ou ils scandaient «flics, violeurs assassins» et «police partout, justice nulle part». A Bordeaux, an cortège «Vérité et justice» regroupant plusieurs centaines de membres d’organisations représentant des «gilets jaunes» mutilés a traversé la ville. A Paris où les manifestants arboraient des pancartes «Liberté, égalité, éborgné» ou «Floutage de gueule, démocratie floutée», entre 5.000 et 10.000 personnes ont manifesté.

Plusieurs familles de victimes de violences policières meurtrières ont pris la parole à Paris. Assa Traoré, la sœur d’Adama mort étouffé par la police en 2016 et la dirigeante du Collectif Adama Traoré, a adressé la foule. Elle a fait la liste des exigences des manifestants, dont «la fin des contrôles d’identité permanents», la suspension des policiers accusés, et «l’interdiction des techniques d’étouffement.» Elle a scandé «Pas de justice, pas de paix» avec les manifestants.

«Dans le pays des libertés, on n’a pas le droit de tuer. Ne nous tuez pas, on n’a pas mérité ça», a déclaré Christian Chouviat, le père de Cédric Chouviat, un livreur de 43 ans mort étouffé par la police lors d’un contrôle en plein centre de Paris.

Les médias ont imposé un black-out quasi-universel des manifestations, malgré la large opposition suscitée par la politique d’État policier de Macron. Sur Twitter, toutefois, il y avait de nombreux tweets liés à la manifestation et au mouvement #BlackLivesMatter, un mouvement à caractère racial dont les cadres sont étroitement liés au Parti démocrate au pouvoir aux USA.

Alors que Macron mène une politique d’immunité collective qui s’est soldée par presque 900.000 morts de COVID-19 en Europe, et met en place un État policier, les organisateurs de la manifestation n’ont fait que demander à Macron et à Darmanin de négocier avec eux.

Leur appel à manifester demandait «l’ouverture de discussions avec le ministère de l’Intérieur et le groupe parlementaire La République en Marche», le parti de Macron. Il appelait à un «dialogue social» entre les syndicats et le gouvernement: «Cette proposition de loi vise à porter atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’informer et d’être informé, à la liberté d’expression, en somme aux libertés publiques fondamentales de notre République. Le dialogue social, la démocratie, c’est tout ce à quoi nous, journalistes, réalisateurs, citoyens, nous aspirons.»

Or, il n’y a rien à négocier avec Macron. Il a fait le choix d’une politique sanitaire mortifère pour les mêmes raisons qui lui dictent l’austérité à outrance et la militarisation de la politique de sécurité tant extérieure qu’intérieure de la France: il est au service de l’aristocratie financière et de l’impérialisme français, dans une crise économique et sociale mortelle du capitalisme mondial. Macron fera tout pour s’assurer que les travailleurs resteront au travail pour que les profits continuent à s’accumuler dans les poches des banques et du CAC-40.

Les confédérations nationales dont les syndicats de journalistes manifestaient hier – y compris la CGT et Solidaires – sont trempés dans cette criminalité politique. Ils ont organisé le retour au travail et à l’école à la fin de l’été 2020, quand le confinement du printemps avait limité la circulation du virus mais alors que le virus circulait encore, sans qu’un système de traçage adéquat soit en place. Il y a eu 62.000 morts de COVID-19 en France (soit les deux-tires) et 700.000 en Europe depuis.

A l’été, la CGT a signé un protocole pour approuver les plans de relance adoptés par l’Union européenne (UE), qui donnent plus de 2.000 milliards d’euros aux banques et aux grandes sociétés.

L’État et les organisations politiques et syndicales de la classe dirigeante font tout leur possible pour imposer une politique sanitaire mortifère, et cela impacte manifestement des couches sociales désorientées et démoralisées par l’isolement social lié à la pandémie.

A Marseille et à Annecy, plusieurs milliers de jeunes se sont réunis pour un «carnaval», sans masque et sans respect de la distanciation sociale. «Les jeunes en ont marre d’être confinés», a déclaré Romain à Marseille, où il y avait 6.500 jeunes qui participaient au carnaval.

«Je connais plein de potes qui partent à Madrid, où tout est ouvert, donc ça fait du bien de voir ça», a déclaré Quentin, un interne de médecine de 26 ans, au Monde.

Alors que plus de 30.000 nouveaux cas de COVID-19 sont diagnostiqués chaque jour en France, il est statistiquement certain que ce carnaval irresponsable a diffusé le coronavirus. Toutefois, les dénonciations sonnent creux dans la bouche du porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize, qui a pointé les «fêtards qui ont, dans l’irresponsabilité totale, participé à ce carnaval.» L’irresponsabilité qui infecte ces jeunes vient du sommet de l’État policier lui-même.

Casser la poussée vers l’État policier et stopper la pandémie par une véritable politique de distanciation sociale, nécessite la mobilisation internationale des couches les plus larges de la classe ouvrière. Il s’agit de briser le carcan politique imposé aux travailleurs par les appareils syndicaux et la politique raciale et nationale, et d’imposer des politiques ouvrières et socialistes. Ceci veut dire une rupture consciente avec le «dialogue social» et la construction d’un mouvement socialiste dans la classe ouvrière internationale, organisé indépendamment des syndicats, luttant pour le pouvoir.

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