Incendies meurtriers massifs dans les camps de réfugiés Rohingya du Bangladesh

De terribles incendies ont ravagé lundi soir le plus grand camp de réfugiés du monde, à Cox's Bazar au Bangladesh, coûtant la vie à au moins 15 réfugiés rohingyas . Quatre cent autres sont portés disparus et des dizaines de milliers de personnes sont sans abri.

L’enquête est officiellement toujours en cours, mais ces incendies mettent déjà en évidence le sort choquant des réfugiés rohingyas. Ayant été chassés du Myanmar voisin, la plupart depuis 2017, près de 900.000 sont toujours piégés dans des bidonvilles sordides et insalubres dans l'un des pays les plus pauvres du monde.

Camp de réfugiés rohingyas en flammes à Balukhali, dans le sud du Bangladesh, lundi 22 mars 2021. L'incendie a détruit des centaines d'abris et fait des milliers de sans-abri. (Photo AP / Shafiqur Rahman).

Les grandes puissances continuent de leur fermer leurs frontières ainsi qu’à des millions d'autres personnes dans le monde fuyant la répression et la pauvreté, aggravées par les ravages de la pandémie de COVID-19.

Mardi, sur la base d’informations provisoires, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré qu'en plus des décès confirmés, plus de 560 réfugiés avaient été blessés et quelque 45 000 avaient perdu leurs abris et leurs biens dans le brasier. Ces chiffres devraient augmenter au fur et à mesure que les évaluations se poursuivent.

Des responsables ont déclaré que les incendies auraient commencé dans l'un des 34 camps de Cox's Bazar avant de se propager à deux autres camps. Dans des vidéos partagées sur les réseaux sociaux on voit d'épaisses colonnes de fumée s'échapper de baraques et de tentes en feu, alors que des résidents bénévoles, des pompiers et des travailleurs humanitaires combattent les flammes et mettent les gens en sécurité.

Des témoins oculaires ont décrit des scènes déchirantes. «Les gens se transformaient en cendres devant mes yeux», a déclaré à la BBC Saiful Arakani, un réfugié de 25 ans qui tentait d’en sauver certains. «J'ai vu des gens fuir leurs foyers en criant: ‘Sauve ma mère, sauve ma sœur’. C'était le chaos total. Personne ne savait quoi faire ».

Une volontaire de Save the Children, Tayeba Begum, a déclaré: «Le feu s'est propagé si rapidement qu'avant que nous comprenions ce qui s'était passé, il avait englobé notre maison. Les gens criaient et couraient ici et là. Les enfants couraient également dispersés, pleurant pour leur famille. C'est l'incident le plus horrible auquel j'ai assisté récemment. »

L'incendie s'est déclaré lundi vers 16h00 et les pompiers l'ont presque éteint une heure plus tard. Mais une autre vague d'incendie s’est déclarée peu après 23h00 et brûlait toujours des baraques à minuit et demi, ont indiqué des réfugiés.

Certains témoins ont déclaré que des clôtures de barbelé récemment érigées autour des camps avaient piégé de nombreuses personnes et étaient responsables d’un certain nombre de victimes.

Le Comité international de secours (IRC) a déclaré: «Les informations initiales indiquent que les clôtures en fil de fer barbelé nouvellement installées ont sérieusement restreint la capacité des réfugiés à fuir le feu, notamment des femmes et des filles particulièrement vulnérables.» L'IRC a déclaré que l'incendie avait également détruit des cliniques de santé, des mosquées, des centres communautaires et un espace sûr de l'IRC pour les femmes.

Les incendies étaient les plus importants parmi de multiples incendies dans ce camp cette année. À peine quatre jours plus tôt, deux incendies distincts dans des camps ont détruit vendredi des dizaines de baraques. Deux grands incendies ont également touché les camps en janvier, créant des milliers de sans-abri et détruisant quatre écoles de l'UNICEF.

Un militant d'Amnesty International pour l'Asie du Sud, Saad Hammadi, a tweeté que «la fréquence des incendies dans les camps est trop pour une coïncidence, en particulier lorsque les résultats des enquêtes précédentes sur les incidents ne sont pas connus et qu'ils ne cessent de se répéter».

Le gouvernement du Bangladesh fait pression pour que 100 000 des réfugiés déménagent sur l'île de Bhasan Char, à 60 kilomètres du continent. Jusqu'à présent, environ 13 000 Rohingyas ont été expédiés vers cet île basse et boueuse propice aux inondations et aux cyclones, formée en 2006 par une accumulation de limon à l'endroit où la rivière Meghna pénètre dans le golfe du Bengale.

Dans le même temps, le gouvernement cherche à nouveau à renvoyer les Rohingyas au Myanmar, d'où ils ont fui la violence génocidaire de l'armée, soutenue par Aung San Suu Kyi, qui était la dirigeante de fait du gouvernement jusqu'au coup d'État militaire du premier février.

Au total, il y a plus d'un million de réfugiés rohingyas au Bangladesh, certains vivant dans des conditions misérables dans les zones urbaines. Le gouvernement du Premier ministre Sheik Hasina les considère comme un fardeau pour le pays et les a qualifiés de menace pour la «sécurité», attisant la chasse aux sorcières contre eux dans les médias.

Les camps de réfugiés de Cox's Bazar sont parmi les plus surpeuplés au monde, avec plus de 40 000 personnes par kilomètre carré. Ils ne disposent pas d'installations adéquates d'approvisionnement en eau, d'assainissement et d'égouts, et sont constamment menacés par la propagation de diverses maladies, y compris le COVID-19.

Parmi les personnes directement responsables du traitement inhumain des Rohingyas, une minorité majoritairement musulmane qui vit au Myanmar depuis des siècles, figurent Suu Kyi. En décembre 2019, elle a comparu devant la Cour internationale de Justice de La Haye en tant que grossier apologiste de l'armée accusée de violations des droits de l'homme, y compris de génocide, contre les Rohingyas.

Depuis 2017, l'armée de Myanmar s'engage dans des opérations brutales pour terroriser la population Rohingya, à qui les droits de citoyenneté sont refusés et qui est qualifiée d'«immigrants clandestins». Une mission d'enquête de l'ONU a révélé que des forces militaires avaient tué plus de 10 000 personnes, détruit près de 400 villages et chassé près de 750 000 Rohingyas de leurs foyers.

Mais Suu Kyi a affirmé (article en anglais) que l'exode des Rohingya était simplement le résultat du conflit entre les groupes séparatistes armés Rohingya et l’armée, et non une politique consciente de nettoyage ethnique.

La responsabilité incombe également aux gouvernements des pays avancés du monde entier, dont ceux de l'Australie, qui ont refusé l'asile aux Rohingyas.

Les gouvernements australiens successifs, tant du Parti travailliste que de la Coalition libérale-nationale, ont refoulé (article en anglais) les bateaux de réfugiés rohingyas et incarcéré tous ceux qui arrivaient en Australie, souvent sur des îles isolées du Pacifique ou de l'océan Indien, ou les ont soumis (article en anglais) à des conditions misérables, sans droits fondamentaux, munis de visas temporaires.

À l'échelle mondiale, la réponse des gouvernements à la pandémie de COVID ont porté la crise mondiale des réfugiés à un niveau sans précédent. En mai dernier, 177 pays avaient totalement ou partiellement fermé leurs frontières, abrogeant le droit d'asile.

Selon les dernières statistiques disponibles du HCR (décembre 2019), avant même la pandémie, au moins 79,5 millions de personnes dans le monde avaient été contraintes de fuir leurs foyers. Il y avait également des millions d'apatrides, privés d'accès aux droits fondamentaux tels que l'éducation, les soins de santé, l'emploi et la liberté de circulation.

Le traitement des Rohingyas va de pair avec la réaction de l'administration Biden aux États-Unis à l'exode humain en cours depuis le Salvador, le Honduras et le Guatemala, pays depuis longtemps soumis à une pauvreté et une répression soutenues par les États-Unis. Le gouvernement américain a fermé ses portes et détient 15 000 enfants non accompagnés en tant que délinquants.

Des mesures similaires sont prises dans toute l'Europe, entraînant la continuation des noyades en mer Méditerranée au cours des premiers mois de 2021.

Telle est la réponse cruelle et irrationnelle du système capitaliste à la souffrance humaine à une échelle sans précédent, de l'Asie à l'Afrique en passant par les Amériques. Cela pose la nécessité pour la classe ouvrière internationale de s'unir au-delà des frontières nationales contre les élites financières dirigeantes sur la base d'un programme socialiste mondial.

Cela nécessite la défense inconditionnelle du droit des travailleurs de vivre et de travailler dans le pays de leur choix, avec pleins droits de citoyenneté, dont le droit aux soins de santé, un revenu viable et la capacité de travailler et de voyager sans crainte de répression ou d'expulsion.

(Article paru en anglais le 24 mars 2021)

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