Les élections en Israël: blocage politique alors que le parti fasciste gagne des sièges

Le parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahou a remporté le plus grand nombre de sièges, mais sans obtenir la majorité de 61 sièges nécessaire pour former un gouvernement de coalition. Ses adversaires politiques, un ensemble varié de partis de droite, de centre et de gauche, ont également peu de chances de pouvoir former une majorité.

Le parti de droite Yamina de Naftali Bennett (sept sièges) et le parti islamiste Liste arabe unis de Mansour Abbas (six sièges) n’ont pas encore déclaré leur soutien, ce qui en fait des «faiseurs de roi» potentiels dans les négociations de coalition.

Benjamin Netanyahu [Photo: Bureau du Premier ministre israélien].

Avec environ 10 pour cent des votes devant encore être comptés— les bulletins à double sceau des soldats, des prisonniers et des patients du COVID — dans un système électoral qui exige que les partis obtiennent au moins 3,25 pour cent des voix pour entrer au Parlement (le nombre de sièges s’attribuant proportionnellement au nombre de votes), le résultat final n’est pas attendu avant jeudi soir.

Il semble probable qu’Israël connaîtra des semaines de marchandage politique, tandis que la possibilité d’une cinquième élection sans précédent à l’automne prochain ne peut être exclue.

Le résultat incertain des quatrièmes élections israéliennes en deux ans reflète la fragmentation et la ruée vers la droite de la politique israélienne. Les forces explicitement de droite et d’extrême droite sont âprement divisées sur leur soutien ou leur opposition à Netanyahou. L’ensemble de ces forces a remporté 72 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Les partis «centristes» ont remporté 25 sièges et les gauches nominales, le Labour et le Meretz, fortement axés sur la politique identitaire, ont porté leur nombre de sièges à 12.

Ce résultat témoigne de la profonde crise politique de l’État israélien et de l’absence de tout moyen, au sein de l’establishment politique qui permettrait à la classe ouvrière, juive et arabe, d’exprimer ses préoccupations et ses intérêts sociaux. Bien que les circonstances économiques soient différentes, grâce à son trésorier américain, «la seule démocratie du Moyen-Orient» n’est pas plus capable de se mettre d’accord sur un gouvernement fonctionnel que son voisin du nord, le Liban.

Les élections de mardi ont suivi l’effondrement de la coalition d’urgence nationale de Netanyahou avec le Parti bleu et blanc de l’ancien chef d’état-major des Forces de défense israéliennes, Benny Gantz. Gantz s’est battu pendant trois élections contre le maintien au poste de Premier ministre d’un Netanyahou qui comparaîtra prochainement devant un tribunal pour se défendre contre de nombreuses accusations de corruption liées à des tentatives d’obtenir une couverture médiatique favorable, avant de se faire acheter par la promesse de Netanyahou d’un poste de Premier ministre tournant, divisant ainsi son propre parti et son bloc politique.

La méfiance entre les différents membres de la coalition était telle que le cabinet se réunissait rarement et n’avait pas réussi à se mettre d’accord sur la nomination du procureur général, des hauts fonctionnaires des ministères de la Justice et des Finances et d’autres postes. Mais c’est l’incapacité à établir un budget sur deux ans — Israël est maintenant sans budget depuis plus de deux ans — comme convenu dans l’accord de coalition, qui a déclenché les élections.

Alors que plus de 30 partis se sont présentés aux élections dont beaucoup sont dirigés par des dissidents du Likoud ou des politiciens qui avaient précédemment servi sous Netanyahou, aucun d’entre eux — qu’il soit de droite, de gauche ou du centre — n’avait de divergences de fond avec Netanyahou. L’élection était donc un choix entre un groupe diversifié d’opposants de droite et un président sortant d’extrême droite de mèche avec des fascistes purs et simples, des bigots religieux et des suprématistes juifs.

Une fois le décompte confirmé, le président, Reuven Rivlin rencontrera les chefs des différents partis parlementaires et choisira le chef de parti qui a le plus de chances de former une coalition majoritaire stable. S’il ne parvient pas à former un gouvernement dans les 42 jours, Rivlin pourra désigner un autre leader pour former un gouvernement. Si cela échoue également, une nouvelle élection doit être organisée.

Le taux de participation de 67 pour cent était le plus faible depuis 2009 et les citoyens arabes sont beaucoup moins voté. Selon les derniers chiffres de Ha'aretz, le Likoud a remporté 30 sièges et les partis religieux Shas, Judaïsme unifié de la Torah et Sionisme religieux ont obtenu respectivement neuf, sept et six sièges. Parmi les opposants à Netanyahou, Yesh Atid a remporté 17 sièges, Bleu et Blanc huit, Israël Beiteinu et le Labour sept chacun, Nouvel espoir six, Meretz cinq et la Liste arabe commune six.

Le fait que le sionisme religieux fasciste ait remporté presque autant de sièges que le parti travailliste, le parti fondateur de l’État d’Israël qui a gouverné le pays pendant 30 ans, donne la mesure de la dérive vers la droite de la politique officielle et de l’effondrement de ce qui passe pour la gauche.

Le sionisme religieux fait partie de l'alliance d'extrême droite de Netanyahou, qui comprend également le Pouvoir juif, ouvertement raciste – l'héritier politique du parti Kach de Meir Kahane, qui a été interdit en tant qu'organisation terroriste – et le parti ultra-conservateur religieux et homophobe Noam. Le sionisme religieux prône l'expulsion de la population palestinienne, la violence contre les Arabes et l'éradication de la laïcité et des mariages mixtes.

Si Netanyahou parvenait à former un gouvernement, Itamar Ben-Gvir, le numéro trois du sionisme religieux, se verra probablement attribuer un poste ministériel, aux côtés du leader de l’alliance, Bezalel Smotrich. Avocat, Ben Gvir est surtout connu pour avoir défendu des colons accusés d’attaques terroristes juives et de crimes haineux contre des Palestiniens. Il est aussi connu pour avoir représenté Lehava, une organisation qui lutte contre les mariages mixtes juifs avec des non-juifs.

Ce sont les forces sur lesquelles Netanyahu compte pour obtenir une majorité. Son but est d’acquérir l’immunité parlementaire, de neutraliser le pouvoir judiciaire et la Cour suprême et d’éviter un procès et probablement un emprisonnement, alors qu’Israël s’oriente vers des formes de gouvernement toujours plus autoritaires.

Netanyahou s’était déchaîné contre les citoyens palestiniens d’Israël, environ un cinquième de la population, les dénonçant pour avoir «voté en masse» et avoir adopté la loi sur l’État-nation juif qui consacre leur statut de citoyens de seconde zone. Mais malgré ses dénégations, cela n’exclut pas totalement la possibilité de conclure un accord avec la Liste arabe unie. Ce parti a récemment coopéré avec le gouvernement à la Knesset et s’est séparé de la Liste arabe commune, appelant à un renforcement du maintien de l’ordre pour prévenir la criminalité dans les villes et villages arabes.

Yair Lapid, leader du parti centriste et d’opposition Yesh Atid, a indiqué sa volonté de compter sur le soutien de la Liste arabe commune dans une future coalition. Ce serait la première fois qu’un parti palestinien ferait partie d’une coalition gouvernementale.

La campagne n’a pas abordé le conflit de longue date avec les Palestiniens, l’annexion progressive de facto de la Cisjordanie ou la catastrophe économique et sociale à laquelle est confrontée la classe ouvrière. Quelque 17 pour cent des Israéliens étaient au chômage en février, alors que Netanyahou rouvrait l’économie pour s’assurer une élection «feel good». Selon une récente enquête de l’Institut israélien pour la démocratie, seuls 24 pour cent des Israéliens ont jugé positive la façon dont le gouvernement avait géré la crise sanitaire. Ils sont encore moins nombreux à approuver ses mesures visant à atténuer les retombées économiques et sociales.

Netanyahou a au contraire axé sa campagne presque exclusivement sur un déploiement massif de vaccins, acheté à un coût énorme pour le contribuable. Dans ce cadre, environ 5,2 millions d’Israéliens ont reçu leur première dose et 4,2 millions (46 pour cent de la population) la seconde dose.

Lors de cette élection, Netanyahou s’est retrouvé sans soutien politique ouvert de la part du nouveau gouvernement Biden aux États-Unis, contrairement aux nombreux cadeaux politiques de Donald Trump. Le soutien de Trump comprenait la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan en Syrie, capturé en 1967, le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, le lancement du «deal du siècle» qui ignorait les Palestiniens, la sanction de l’annexion par Israël de 30 pour cent de la Cisjordanie et la facilitation des accords d’Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

Biden a soutenu Israël contre l’annonce par la Cour pénale internationale de l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre contre Gaza et les Palestiniens. Mais les démocrates espéraient clairement qu’un partenaire plus fiable au Moyen-Orient émergerait de l’élection. Le président Biden a pris quatre semaines depuis son entrée en fonction pour parler enfin à Netanyahou, l’association intime de celui-ci avec Trump constituant un problème sur le plan intérieur, mais en aucun cas un problème sans solution.

(Article paru d’abord en anglais le 25 mars 2021)

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