Les hôpitaux débordés, Macron défend son laissez-faire face au coronavirus

Hier, le Journal du dimanche (JDD) a publié une entrevue avec Emmanuel Macron dans laquelle il défendait la gestion catastrophique de la pandémie de COVID-19 par l’Union européenne (UE) et refusait toujours un confinement strict, alors que les hôpitaux sont totalement débordés.

Quelques pages plus loin, le JDD apprenait à ses lecteurs que les hôpitaux en région parisienne commencent à faire le tri des patients. Face à l’afflux de cas graves, ils doivent choisir quels patients soigner, ou pas, condamnant ainsi à mort des patients qu’ils auraient normalement pu sauver. Néanmoins, alors que l’Europe franchit le cap des 900.000 morts et la France dépasse la Russie et le Royaume-Uni comme pays d’Europe avec le plus de cas de COVID-19 (4,5 millions), Macron déclare qu’il ne changera pas sa politique sanitaire en faillite.

Dans un article intitulé « J’assume totalement », Macron a affiché un mépris flagrant pour les vies des Français: « Pour les jours qui viennent, nous allons regarder l’efficacité des mesures de freinage et nous prendrons si nécessaire celles qui s’imposent. Mais à cette heure rien n’est décidé».

Or, ce prétendu « freinage » est une débâcle, le nombre de cas journaliers de COVID-19 étant passé en un mois de 25.000 à plus de 40.000. Déjà 95.000 personnes sont mortes de COVID-19 en France, et seuls les 3,8 pour cent des Français sont pleinement vaccinés. Macron compte faire toutefois subir sans broncher à la population un nouveau pic pandémique, longtemps prédit par les scientifiques, dû à la généralisation du variant anglais.

Macron a insisté que malgré l’hécatombe annoncée, il refuse toute fermeture, même temporaire, des écoles et des industries non-essentielles: « Nous faisons tout pour renforcer les protocoles sanitaires afin de pouvoir maintenir les écoles ouvertes ». Alors que des morts à une échelle horrifiante se profilent, Macron a martelé que la fermeture des écoles, point central de toute politique véridique de confinement visant à stopper le virus, «doit demeurer un dernier recours.»

Or c’était au plus tard en septembre 2020 qu’il aurait fallu mettre en place le « dernier recours », car déjà la résurgence du virus suite à la levée prématurée du confinement de mars 2020 se confirmait. A présent, l’urgence extrême est annoncée, avec le danger d’un effondrement du système médical français, mais Macron refuse un confinement pour casser l’emballement de la contagion.

Une lettre de 41 médecins hospitaliers parisiens, intitulée « Nous serons contraints de faire un tri des patients », annonçait dans le JDD l’imminence du débordement total des hôpitaux, dans « les quinze prochains jours ». Ils déclaraient :

«(N)ous souhaitons expliquer de manière transparente la situation à laquelle nous allons devoir faire face et comment nous allons l’affronter. Dans cette situation de médecine de catastrophe où il y aura une discordance flagrante entre les besoins et les ressources disponibles, nous serons contraints de faire un tri des patients pour sauver le plus de vies possible. Ce tri concernera tous les patients, Covid et non-Covid, en particulier pour l’accès des patients adultes aux soins critiques.»

Ils relèvent que ce tri a commencé, « puisque des déprogrammations médicales et chirurgicales importantes nous ont déjà été imposées … Nous n’avons jamais connu une telle situation, même pendant les pires attentats subis ces dernières années ».

Une autre tribune d’un collectif de médecins, intitulée « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite », a averti de l’horreur sociale et morale que le gouvernement met en œuvre. Le tri, écrivent-ils, « conséquence de la stratégie de réponse sanitaire actuelle, … est très éloigné des règles élémentaires de l’éthique, qui préconisent que l’admission en réanimation soit évaluée au cas par cas, dans le seul intérêt du patient».

Ils ajoutent que les soignants étant « contraints d’agir de façon contraire aux règles élémentaires de l’éthique, ils n’en sortiront certainement pas indemnes. Il y a fort à parier que beaucoup en garderont à tout jamais des séquelles psychiques ».

Quand, en mars 2020, les services hospitaliers du nord de l’Italie étaient débordés et commençaient à faire le tri de leurs patients, la barbarie de ce procédé avait choqué le monde. Des débrayages spontanés dans l’automobile, la sidérurgie et les machines-outils en Italie, qui ont fait boule de neige en Europe et aux USA, ont imposé un confinement strict. Le Medef s’inquiétait du « changement d’attitude extrêmement brutal des salariés », et Macron a adopté un confinement strict en prétendant déclarer «la guerre » au coronavirus.

Les travailleurs, qui luttaient pour défendre les vies, se sont heurtés à l’indifférence criminelle de l’aristocratie financière et de ses serviteurs politiques, qui luttaient pour les profits et la mort. Alors que l’ UE abreuvait les banques et les grandes entreprises de milliers de milliards de fonds publics en plan de relance, l’aristocratie financière poussait à un retour au travail et à l’école en présentiel, dès que possible, pour garantir un flux continu de profits vers les marchés.

On peut se demander aujourd’hui: si ceci est «la guerre» que Macron prétend livrer au coronavirus, à quoi ressemblerait la capitulation et la collaboration?

Depuis des mois, les avertissements des scientifiques se multiplient sur les risques que l’inaction de Macron faisait peser sur la population. En janvier, le président du Conseil scientifique national, Jean-François Delfraissy, avait averti sur le danger posé par les variants qui dévastaient alors la Grande-Bretagne: « On se rend compte que si nous continuons sans rien faire de plus, nous allons nous trouver dans une situation extrêmement difficile dès la mi-mars ».

Dominique Costagliola, épidémiologiste qui avait aussi souligné la nécessité d’un reconfinement strict en janvier, a déclaré en mars: « C’est naïf de prétendre que Macron est un épidémiologiste ». Elle a demandé: «Que n’a-t-on pas écouté Jean-François Delfraissy quand, le 24 janvier, il a expliqué que les nouveaux variants changeaient la donne?»

Le gouvernement Macron, qui menait manifestement la politique d’immunité collective préconisée plus ouvertement par Trump et Londres, tout en niant cette réalité devant les médias, fait la sourde oreille aux scientifiques depuis des mois.

Le 22 mars, le ministre de la Santé Olivier Véran a expliqué que le gouvernement a froidement prévu des semaines ou des mois d’hécatombe dans les hôpitaux: « Je demeure très inquiet à propos de la situation sanitaire. … il va falloir affronter, dans les réa, une vague très haute qui mettra des semaines avant de descendre. On va avoir des images difficiles à supporter à l’hôpital ».

Macron, dans son entrevue au JDD, s’est payé le luxe de verser quelques larmes de crocodile sur le sort des patients à qui son gouvernement se prépare à bloquer l’accès aux soins. Il a dit, « On le dit trop peu, mais beaucoup de gens en réanimation viennent des milieux modestes. Il y a beaucoup d’injustice dans la façon dont la maladie frappe ».

Or, c’est précisément parce que le coronavirus touche plus durement les travailleurs que Macron compte abandonner les patients au tri et à leur sort. Dans son indifférence à la pandémie, le « président des riches » obéit à la même haine de classe qui a marqué tout son mandat.

Ceci confirme la leçon centrale de toutes les luttes menées par les travailleurs contre Macron: il n’y a rien à négocier avec lui, et les appareils syndicaux et leurs alliés politiques qui se prêtent à ce jeu ne font que se rendre complices de sa criminalité politique. Il s’agit d’organiser la mobilisation des travailleurs de toute l’Europe et internationalement, indépendamment des syndicats, afin d’imposer une stratégie scientifique contre le coronavirus. Le but de ce mouvement doit être de transférer le pouvoir politique aux travailleurs, et d’exproprier l’aristocratie financière qui a organisé ce désastre.

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