Les travailleurs de Volvo Truck s’opposent à l’accord de capitulation conclu par l’UAW

La colère monte parmi les travailleurs de l’usine Volvo Truck de New River Valley à Dublin, en Virginie. L’acceptation par le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (UAW) de coupes sévères dans les systèmes de santé et de retraite combinés avec le maintien du système salarial multiniveaux, tant décrié, dégoute les travailleurs.

Vendredi dernier, l’UAW a brusquement mis fin à la grève de deux semaines des 3.000 travailleurs de l’usine. Le syndicat leur a ordonné de se présenter au travail dimanche soir sans pouvoir jeter un oeil, et encore moins voter, sur le nouvel accord de cinq ans. Les travailleurs n’auront pas l’occasion de voter sur l’accord avant le 16 mai.

Travailleurs de Volvo en grève (Source: page Facebook de l'UAW L. 2069)

Après que la troisième équipe a quitté le travail à 6h lundi, les travailleurs se sont rendus au local syndical pour exiger que les responsables de la section locale 2069 divulguent des informations sur le contrat. Selon un compte-rendu fourni au Bulletin des travailleurs de l’automobile du «World Socialist Web Site» par plusieurs travailleurs, plus de la moitié des 125 travailleurs qualifiés qui se sont rendus au local ont contourné la zone où des travailleurs percevaient des dons pour les indemnités de grève et sont partis à la recherche des dirigeants syndicaux locaux.

Après avoir cherché sans succès le président de la section locale 2069, Matt Blondino, les travailleurs ont confronté le président de la négociation, Greg Shank, et «la situation est immédiatement devenue très tendue», a déclaré un travailleur. «Nous les avons tous engueulés pour nous avoir renvoyés au travail sans contrat. La défense de Greg Shank était que Ray Curry et l’UAW International avaient pris la décision finale et que notre section locale ne pouvait pas s’y opposer.»

Greg Shank aurait dit aux travailleurs que Curry, le secrétaire-trésorier de l’UAW et responsable du département des poids lourds du syndicat, avait déclaré qu’il «ne voulait pas que les gens se retrouvent au chômage pour des raisons financières. Il a aussi dit que si le contrat était rejeté le 16 mai, nous nous mettrions à nouveau en grève». Shank a dit aux travailleurs que les responsables locaux voulaient vraiment poursuivre la grève jusqu’au vote sur l’accord, mais Curry les a escortés hors de la session de négociation à Charlotte, en Caroline du Nord, et leur a dit en termes très clairs que les travailleurs de Volvo allaient reprendre le travail.

Une telle violation flagrante des droits démocratiques des travailleurs de la base est depuis longtemps le modus operandi des gangsters qui dirigent l’UAW. Curry a mis fin à la grève de 2019 des travailleurs de Mack-Volvo de manière similaire. L’UAW est bien connu pour avoir recours à l’intimidation, aux mensonges et au bourrage des urnes pour faire passer des contrats pleins de concessions. Ses dirigeants, y compris les deux derniers présidents, ont été inculpés pour avoir accepté des pots-de-vin de l’entreprise et détourné des fonds syndicaux.

En 2008, l’UAW a trahi une grève de huit semaines des travailleurs de Volvo et a accepté un système salarial à plusieurs niveaux calqué sur celui qu’il avait imposé aux travailleurs de l’automobile l’année précédente. Les trois derniers contrats de l’UAW ont permis à Volvo de réduire ses coûts de main-d’œuvre d’au moins 25 pour cent.

Mais les responsables de la section 2069 ne sont pas innocents. Ils se sont pliés aux exigences de l’entreprise et de l’UAW International pendant des années, notamment en acceptant d’abandonner des centaines de griefs concernant des heures supplémentaires non payées, ce qui a entraîné la perte de quelque 2 millions de dollars pour les travailleurs. Blondino, Shank et le reste de la direction locale sont tout aussi effrayés par la perspective de voir les travailleurs de Volvo se libérer de l’emprise de l’UAW pour lutter pour leur gagne-pain.

Pour tenter d’intimider les travailleurs, Shank a déclaré que s’ils tentaient de poursuivre une grève non autorisée par l’UAW, ils seraient «livrés à eux-mêmes», ils ne recevraient aucune indemnité de grève et Volvo les «licencierait».

Sans se décourager, les travailleurs ont exigé que le président des négociations remette une copie de l’accord de principe, mais il a refusé. Néanmoins, les travailleurs ont insisté pour prendre des photos avec leur téléphone portable des différentes pages du contrat qu’il tenait dans sa main et le responsable syndical n’a eu d’autre choix que de les laisser faire.

Photo du contrat fournie au WSWS Autoworker Newsletter par les travailleurs de Volvo

Ce que les travailleurs ont découvert, c’est que cet accord n’est pas différent des précédents accords de capitulation signés par l’UAW. Les augmentations de salaire prévues dans la proposition actuelle seront en grande partie absorbées par l’augmentation des frais que les travailleurs devront payer pour leur santé et celle de leur famille. Selon les photos du contrat fournies au WSWS, les franchises vont doubler et les quotes-parts passeront de 10 à 15 pour cent. Le coût des visites chez le médecin, aux urgences et aux soins d’urgence augmentera fortement et le plafond des frais pour une famille passera de 1.500 à 4.000 dollars.

«Nous devrions toujours être en grève pour avoir un moyen de pression pour négocier», a déclaré le travailleur d’expérience au WSWS. «Il n’y a absolument rien dans ce contrat qui profitera aux travailleurs plus anciens et mieux payés. Ils veulent prendre les vacances que nous avons gagnées avant de pouvoir partir en FMLA (Family and Medical Leave Act), si nécessaire. L’assurance passera à 85/15, avec 4.000 dollars à payer de notre poche. Cela va nous coûter 52 dollars par semaine pour la couverture. Le plan de prescription augmente également».

«Avec les primes d’assurance plus élevées, les taux d’ordonnance plus élevés, les frais plus élevés, nous ferons moins d’argent à l’heure que dans le contrat actuel. Il se peut que nous obtenions une augmentation de 3 dollars dans ce contrat, mais avec tous les ajouts au contrat, nous ferons moins d’argent à l’heure que ce que nous faisons actuellement», a-t-il déclaré.

«Tous ceux à qui j’ai parlé au sein du groupe central n’approuvent pas ce contrat. La seule façon de faire voter ce contrat est de le vendre aux personnes qui gagnent moins d’argent en leur promettant de passer à 30 dollars de l’heure. À mon avis, ils veulent éliminer les plus anciens».

Photo du contrat fournie au Bulletin des travailleurs de l’automobile du WSWS par des travailleurs de Volvo.

«À l’heure actuelle, poursuit le travailleur, la plupart des travailleurs de l’assemblage ne sont pas non plus satisfaits du contrat. Ils disent que ce niveau-là sera supprimé dans cinq à huit ans, mais dans cinq ans, un autre contrat sera proposé et nous savons tous que la société et le syndicat pourraient conclure leur “accord de négociation parallèle” et garder le niveau dans l’usine.» Il a ajouté: «Ce contrat ne comporte absolument aucune incitation à part de quelques dollars supplémentaires dont les nouveaux employés et les travailleurs embauchés après 2011 pourraient obtenir. Le syndicat fait également miroiter une “prime à la signature” de 1.400 dollars à ces travailleurs. Je dis aux travailleurs de ne pas tomber dans le panneau parce qu’une fois que la prime sera imposée, vous serez choqués par le peu que vous recevrez».

En 2015 et 2019, l’UAW a également dit aux travailleurs des usines automobiles des Big Three qu’elle «supprimait progressivement» le système à deux niveaux que le syndicat avait accepté en 2007 et 2009. En fin de compte, cependant, le syndicat a créé encore plus de niveaux, y compris pour les travailleurs temporaires à temps partiel faiblement rémunérés qui ont peu ou pas de droits, mais paient quand même des cotisations à l’UAW. Dans le même temps, l’UAW a collaboré avec GM, Ford et Fiat Chrysler (aujourd’hui Stellantis) pour purger les usines des «travailleurs plus anciens», mieux payés, et les remplacer par des travailleurs qui perçoivent des salaires et des avantages inférieurs.

Une page du contrat qui montre une forte hausse des frais médicaux pour les travailleurs

«Le syndicat n’est pas pour les gens de l’usine Volvo de Dublin», poursuit le travailleur vétéran. «Nous avons l’impression que Volvo se prend pour la loi, que le syndicat est la police de Volvo et que cette police essaie d’obliger les travailleurs à suivre la ligne droite, afin que Volvo obtienne ce qu’elle veut. De nombreuses personnes abandonneront le syndicat si le contrat est adopté. Les “dirigeants syndicaux” triés sur le volet obtiennent des accords parallèles qui les avantagent dans tout ce gâchis. Le président de notre section locale, le président de la négociation et le comité sont des vendus. Ils ont dit aujourd’hui: “C’est un bon contrat” et tout le monde devrait être content. Eh bien, ce n’est pas ce que nous pensons, point final!»

Pour s’opposer à cette trahison, les travailleurs de l’usine de New River Valley ont formé le «Comité Volvo des ouvriers de la base» (VWRFC). Le comité se bat pour retirer la conduite de la lutte des mains de l’UAW et pour relier les travailleurs de Virginie aux travailleurs des camions Mack-Volvo de Pennsylvanie, du Maryland et de Floride, ainsi qu’à d’autres sections de travailleurs engagés dans des batailles actuelles, notamment les travailleurs d’ExxonMobil au Texas, les mineurs de charbon d’Alabama, les métallurgistes d’ATI, les infirmières du Massachusetts et les étudiants diplômés de New York.

Nous invitons les travailleurs à nous contacter à l’adresse autoworkers@wsws.org afin de préparer une lutte pour faire échec à l’accord de capitulation et élargir le combat.

(Article paru en anglais le 4 mai 2021)

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