Les syndicats de la construction complices de la troisième vague dévastatrice de COVID-19 en Ontario

Les travailleurs de l’industrie de la construction et des métiers connexes de l’Ontario sont sacrifiés au nom de la COVID-19 afin de maintenir les profits dans la frénésie immobilière spéculative du Canada. Les prix des maisons ont augmenté de 35 % dans la province la plus peuplée du Canada au cours de la dernière année seulement.

Les statistiques officielles de la COVID-19 dans le secteur de la construction en Ontario sous-estiment considérablement l’impact de la pandémie. Plusieurs milliers d’infections peuvent probablement être attribuées aux chantiers de construction frénétiques de l’Ontario, qui ont été déclarés «service essentiel» par le gouvernement conservateur dirigé par Doug Ford.

Au début du mois, plus de 60 travailleurs et membres de leur famille de Kingston, une petite ville située entre Toronto et Montréal, ont contracté la COVID-19 sur le chantier de construction de l’établissement All Seniors Long Term Care. En fin de compte, le ministère du Travail a été contraint de fermer le site, sur lequel travaillaient plus de 900 ouvriers et sous-traitants.

Des éclosions sur des chantiers de construction ont également eu lieu récemment sur plusieurs sites gérés, entre autres, par Ellis Don, Commonwealth Plywood, REA Construction et Reliance Construction, ainsi que sur un projet de condominiums géré par Menkes Developments.

La nature de nombreuses tâches de construction exige de longues périodes de travail à proximité d’autres personnes et la manipulation consécutive d’outils et de matériaux par plusieurs travailleurs. De plus, de nombreux chantiers de construction sont occupés par des centaines, voire des milliers de travailleurs à tout moment, y compris de nombreux entrepreneurs de passage, ce qui entraîne toutes sortes d’interactions sociales et professionnelles pouvant conduire à la transmission de la COVID-19.

En raison de la mauvaise tenue des dossiers sur les lieux de travail et du fait que le gouvernement n’a pas investi dans le dépistage systématique des entrepreneurs, il est extrêmement difficile de retracer la plupart des cas de COVID-19 sur les chantiers de construction, ou sur tout autre lieu de travail d’ailleurs. Les données de Santé publique Ontario sur la façon dont le virus est transmis démontrent l’inefficacité relative des efforts de traçage des contacts en Ontario. Prenons la catégorie «Contact étroit» (en rouge) dans le graphique ci-dessous: elle ne nous dit rien qui ne soit déjà évident, et dissimule le lien entre un grand nombre de contacts sociaux et les éclosions en milieu de travail.

Les données disponibles sur les éclosions en milieu de travail sont également difficiles à interpréter. Cependant, le fait qu’il y avait 240 éclosions en milieu de travail en date du 21 mai indique que les travailleurs de l’Ontario sont au cœur d’une crise sans précédent qui menace leur santé et leur vie ainsi que celles de leurs familles et amis.

Le portail de données de la COVID-19 de Santé publique Ontario ne sépare les éclosions en milieu de travail que selon les catégories «agriculture», «transformation des aliments» et «autres lieux de travail». Ses données indiquent plus de 4320 cas de COVID dans les «autres lieux de travail», ce qui inclut la construction. Ces chiffres ne tiennent compte que des travailleurs infectés, et non des infections dues aux contacts sociaux que ces travailleurs ont pu avoir. L’impact réel de la transmission sur les lieux de travail est donc bien plus important qu’il n’y paraît à première vue.

Nombre d’éclosions en milieu de travail en Ontario

Il convient d’ajouter que les données gouvernementales sur les lieux de travail n’incluent pas les éclosions survenues dans les écoles, les garderies et les établissements de santé et de soins, bien qu’il s’agisse de lieux de travail et qu’un grand nombre des personnes infectées, qui meurent dans de trop nombreux cas, soient des travailleurs de la santé, des soignants et des enseignants.

Éclosions quotidiennes en Ontario

Les statistiques de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario indiquent que l’organisme responsable de verser les prestations d’assurance-salaire en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle a accepté entre 950 et 1969 demandes d’indemnisation en raison d’une infection à la COVID dans les secteurs de la construction, de la fabrication et de la gestion immobilière. Les cas provenant de la construction sont mélangés à ceux de la production d’aliments et de boissons, des services administratifs, etc. D’après les données de la CSPAAT, le secteur de la construction est responsable de 8 à 17 % des demandes de prestations de maladie liées à la COVID-19. Comme les données de la santé publique, ces chiffres excluent les infections chez les membres de la famille et les autres contacts sociaux des travailleurs.

La manière intentionnellement confuse et vague dont la province de l’Ontario présente ses données sur la COVID-19 fait partie intégrante de la campagne de la classe dirigeante visant à justifier l’assouplissement rapide des mesures de santé publique et l’ouverture de l’économie. Le gouvernement de l’Ontario ne veut pas savoir l’étendue de la transmission de la COVID-19 dans les lieux de travail, et de là aux familles de la classe ouvrière, et il ne s’en soucie pas. Il ne veut pas non plus que le public le sache.

Toutes ces infections à la COVID-19, totalement évitables, sont considérées comme «ce qu’il en coûte de faire des affaires».

Dans le cadre des efforts continus pour que les travailleurs continuent d’engendrer des profits dans le secteur de la construction et les industries connexes, les syndicats de la construction, qui «représentent» 37 % des travailleurs de la construction de l’Ontario, ont donné un exemple répugnant par leur complicité dans ce programme de «profits avant les vies».

Le Conseil des métiers de la construction de l’Ontario, qui représente 150.000 travailleurs dans 13 syndicats de métiers différents, principalement engagés dans la construction de grandes infrastructures publiques/privées, a appuyé les efforts du gouvernement et des entreprises, et y a même collaboré, pour créer une série de «protocoles de sécurité» totalement inadéquats pour les chantiers de construction de l’Ontario. Le principal objectif de ces mesures est de maintenir le fonctionnement des «constructions essentielles», indépendamment des niveaux d’infection. Les faibles protocoles de sécurité officiellement mandatés, qui comprennent le port de masques, la distanciation sociale et le nettoyage fréquent des surfaces, sont suivis à des degrés divers. Dans de nombreux cas, les «mesures» prises consistent simplement à conserver les documents requis sur le site, à des fins d’inspection par le ministère du Travail de l’Ontario.

Derrière les barrières du chantier, le travail continue en grande partie comme avant. Et le travail n’est pas sécuritaire. Après l’éclosion de Kingston, le médecin hygiéniste en chef de la région, le Dr Kieran Moore, a affirmé que «les règles ont été suivies» et que «l’entreprise a tenu des registres précis de tous les travailleurs sur le site.» Il est évident que «les règles» n’empêchent pas la transmission de la COVID-19!

Sous la pression des travailleurs de la base, le Carpenters’ District Council of Ontario a émis une seule demande inefficace en mars 2020, lorsque la pandémie a commencé à exploser, pour que le gouvernement de l’Ontario arrête temporairement toute construction. Depuis, il s’est adapté aux mêmes protocoles de sécurité – et a participé à leur élaboration – qui continuent de faire défaut aux travailleurs de la construction et il faisait partie des syndicats qui étaient censés protéger les droits et la sécurité des travailleurs sur le chantier de Kingston All Seniors Long Term Care.

Avec plus de 50.000 membres dans la région du Grand Toronto, la section 183 de la Labourer’s International Union of North America (LiUNA) est la plus importante section locale de la construction en Amérique du Nord. Mais lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des travailleurs, elle affiche un gros zéro, refusant de se battre pour une fermeture de l’industrie ou même des sites où il y a des éclosions majeures. Le plus que le «leader» de la section locale 183, Jack Oliveira, a pu rassembler est un appel pathétique pour «plus d’inspecteurs de santé et de sécurité». Cet appel s’adresse au même gouvernement Ford qui a réduit de 16 millions de dollars le bureau du ministère du Travail chargé de prévenir les décès au travail en 2019.

Ni la LiUNA ni le gouvernement Ford ne sont réellement intéressés par la prévention des infections à la COVID-19 dans le secteur de la construction; leur préoccupation est de maintenir les profits. La LiUNA elle-même exploite une entreprise de développement immobilier de plusieurs milliards de dollars avec un portefeuille d’investissements de 180 milliards de dollars dans l’économie capitaliste.

Le bilan du ministère du Travail en matière d’inspections pour la COVID-19 démontre la nature totalement inefficace et frauduleuse de ses inspections. Jusqu’au 24 mars, le ministère avait émis 30.000 ordres relatifs à la COVID-19 sur les lieux de travail, mais les travaux dangereux n’ont été arrêtés que 80 fois. Étant donné la rareté notoire des inspections sur les lieux de travail, ces ordres ne font qu’effleurer la surface des terribles conditions de travail qui règnent dans la province. Le nombre d’ordres de travail est en soi un indicateur de la gravité des problèmes de santé et de sécurité sur les chantiers de construction et autres lieux de travail.

La demande d’un «plus grand nombre d’inspections» n’est donc qu’une couverture politique pour permettre à la LiUNA et aux grandes entreprises de la construction auxquelles elle est liée de prétendre que les chantiers de construction de l’Ontario sont sécuritaires afin de réaliser des profits.

La section locale 183 de la LiUNA ne s’intéresse aux grèves que dans la mesure où elles servent ses intérêts économiques. Elle a récemment retiré ses maçons de plusieurs grands projets de lotissement résidentiel, non pas pour des raisons de santé des travailleurs au milieu de la pire crise de santé publique depuis un siècle, mais pour tenter d’évincer les ouvriers du stuc qui n’avaient pas d’affiliation syndicale ou qui étaient affiliés à un syndicat concurrent.

De même, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE) est devenue le partenaire direct des géants industriels dont elle est censée protéger ses membres. Loin d’appeler à la fermeture des milieux de travail dangereux, la FIOE, en collaboration avec Plan Group, l’une des plus grandes entreprises de construction du pays, a acheté un «article publicitaire» de relations publiques dans le National Post dans lequel elle se vante de son cours en ligne de sensibilisation à la COVID-19. Cette farce pathétique n’est pas différente des nombreux cours de formation en ligne sur la santé et la sécurité au travail qui sont absolument sans valeur, comme le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT) ou le travail en hauteur, que les travailleurs peuvent réussir avec un minimum d’effort et être ensuite autorisés à effectuer des travaux dangereux, voire mortels. Cette formation est totalement inadéquate et conçue pour protéger la responsabilité de l’employeur, et non la vie du travailleur. Chaque travailleur qui réussit le nouveau test en ligne parrainé par la FIOE reçoit un autocollant «COVID Aware» (conscient de la COVID) pour son casque de sécurité.

Il est clair que de tels coups d’éclat ne sont pas conçus pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, mais plutôt comme un exercice de relations publiques visant à dissimuler la nature essentiellement propatronale des syndicats et à justifier leur complicité en forçant les travailleurs à travailler dans des lieux de travail dangereux.

Les travailleurs de la construction qui cherchent à garantir des conditions de travail sécuritaires et à se protéger, eux et leurs proches, contre le virus mortel doivent rompre, sur le plan politique et organisationnel, avec les syndicats qui, au cours des quatre dernières décennies, ont abandonné toute tradition de lutte indépendante de la classe ouvrière et sont devenus de plus en plus intégrés à la grande entreprise et à l’État. Les travailleurs doivent créer de nouvelles organisations de lutte, des comités de sécurité de la base sur les lieux de travail, afin de lutter pour des revendications telles que la fermeture de tous les lieux de travail non essentiels avec un salaire complet pour chaque travailleur jusqu’à ce que la pandémie soit maîtrisée, et la fourniture des meilleurs équipements de sécurité et soins de santé pour les travailleurs qui sont réellement essentiels et doivent continuer à travailler. Ces revendications pourraient être financées maintes fois en saisissant les vastes richesses accumulées par les spéculateurs immobiliers, les sociétés immobilières, les grandes banques et l’oligarchie financière.

Nous invitons tous les travailleurs qui sont d’accord avec ce programme à contacter le World Socialist Web Site dès aujourd’hui pour obtenir de l’aide afin d’établir un comité de la base sur votre lieu de travail.

(Article paru en anglais le 28 mai 2021)

Loading