Débrayage des mineurs de nickel de Vale Inco en Ontario: les leçons essentielles à tirer de la grève de 2009-2010

Quelques heures après le début de la grève au complexe minier de nickel de Vale Inco à Sudbury, en Ontario, mardi dernier, le service de sécurité de l’entreprise a appelé la police à l’encontre des mineurs qui faisaient du piquetage. L’incident s’est produit peu après que les mineurs, membres de la section 6500 du Syndicat des Métallos, ont rejeté de façon décisive un contrat de concessions recommandé par le syndicat. Après avoir rejeté l’accord, les travailleurs ont rapidement mis en place des piquets de grève à plusieurs entrées des mines et des centres de traitement à minuit le 1er juin.

La plainte de l’entreprise concernant un «grand rassemblement» de grévistes pacifiques à l’une des entrées a suffi pour que la police se mobilise. Bien qu’aucune accusation n’ait été portée, la sécurité de l’entreprise a indiqué à la police qu’elle souhaitait que l’événement soit filmé. Au cours des jours qui ont suivi, la police s’est régulièrement rendue sur les piquets de grève pour assurer la liaison avec les agents de sécurité de l’entreprise, tout en surveillant et en tentant d’intimider les grévistes. «Les agents continueront à se rendre sur les différents sites tout au long de la grève afin de maintenir la paix et l’ordre», a déclaré Kaitlyn Dunn, porte-parole de la police.

Bon nombre des 2600 grévistes connaissent bien ce jeu de pouvoir de la direction de la mine. Pendant la grève qui a duré toute l’année 2009-2010 à la mine, toutes les forces de l’État – la police, les tribunaux, la Commission du travail et le gouvernement libéral provincial – se sont portées à la défense de Vale et ont travaillé pour assurer la poursuite de ses activités par le biais de briseurs de grève. Les briseurs de grève professionnels engagés par l’entreprise ont été protégés à chaque instant tandis que les mineurs en grève étaient simultanément soumis à la surveillance, aux licenciements, aux injonctions des tribunaux et aux arrestations.

Piquet de grève de Vale Inco pendant la grève de 2009-2010 (Photo WSWS)

Au cours de la dernière grève, des milliers de familles de mineurs en grève ont été contraintes de recourir aux banques alimentaires, aux tribunaux de divorce, aux hôpitaux et certaines personnes se sont même suicidées. Si l’entreprise a pu s’en tirer avec ses opérations brutales de briseurs de grève, c’est avant tout grâce aux Métallos, qui ont joué un rôle essentiel en facilitant les manœuvres de Vale Inco.

Mais tout comme en 2009, les travailleurs entrent dans la lutte, déterminés à combattre la tentative de Vale de leur imposer un autre contrat lourd de reculs. L’accord rejeté prévoit une maigre augmentation salariale de 4 %, étalée lentement sur une période de cinq ans. Par conséquent, le salaire normal n’augmenterait que de 1,35 $ pendant la durée du contrat, ce qui risque d’être rapidement absorbé et dépassé par la hausse des prix. Il y a seulement deux semaines, Statistique Canada a publié ses dernières projections sur l’inflation annuelle, qui indiquent un bond de 3,2 % du coût de la vie d’une année à l’autre.

De plus, l’entreprise exige la suppression des prestations de santé des retraités pour toutes les nouvelles recrues dans le cadre de la suppression incessante des avantages sociaux de la main-d’œuvre de deuxième niveau qui ne cesse de croître. La direction cherche également à mettre fin à la quasi-totalité de la couverture des médicaments en vente libre et à éliminer l’admissibilité des nouveaux employés à toutes les assurances et à la couverture des services hospitaliers.

Pour soi-disant compenser le fait que les travailleurs ont accepté l’année dernière un contrat spécial d’un an, qui a été imposé par le syndicat des Métallos afin de garantir que la production se poursuive sans interruption pendant la pandémie mortelle, une prime de pandémie dérisoire de 2500 $ a été offerte. Dans une tentative ratée d’inciter les travailleurs à ratifier l’entente de principe, une prime de signature unique de 3500 $ a également été proposée.

Lors de la réunion de ratification, où l’accord a été rejeté à 70 %, les travailleurs étaient outrés que le syndicat puisse approuver une proposition aussi favorable à la compagnie à un moment où les profits de Vale montent en flèche, les nouvelles technologies de batteries nécessitant de grandes quantités de nickel de haute qualité de Sudbury.

Mark Lambovitch, un travailleur chevronné qui a survécu à la grève de 2009-2010, s’est fait le porte-parole de nombreux travailleurs lorsqu’il a déclaré à Sudbury.com: «Je ne veux pas refaire cela, et je suis sûr que personne ne le veut, mais nous devons nous défendre. Sinon, nous allons continuer à perdre. Cette entreprise fait des milliards de dollars, et elle ne peut pas nous offrir une entente juste? Si vous veniez sous terre, faisiez le même travail que nous et que vous voyiez nos conditions, vous comprendriez que nous ne sommes pas cupides.»

Le fait même que les dirigeants du Syndicat des Métallos aient négocié puis recommandé le misérable contrat rejeté par les membres devrait constituer un avertissement sévère. Tout comme lors de la grève précédente, les Métallos prévoient d’isoler et d’affamer les grévistes pour les soumettre, afin de maintenir les relations confortables du syndicat avec les sociétés sidérurgiques et minières et d’empêcher la lutte des mineurs de s’étendre et de devenir le fer de lance d’une contre-offensive menée par la classe ouvrière contre les réductions de salaire et les attaques contre les conditions de travail.

Pour éviter une telle issue, il est essentiel que les mineurs tirent les leçons de la grève de 2009-10, en particulier, que de nouvelles organisations de la base, indépendantes du syndicat propatronal des Métallos, sont nécessaires pour étendre et gagner leur lutte.

La grève de 2009-2010 de Vale Inco

Lorsque les mineurs ont débrayé pour la dernière fois en 2009, Vale a commencé à augmenter progressivement la production à Sudbury en faisant appel à un grand nombre d’entrepreneurs, de gestionnaires et de travailleurs dits de remplacement, c’est-à-dire des briseurs de grève. Le Syndicat des Métallos a joué un rôle crucial dans cette opération de briseurs de grève antiouvrière. Tout d’abord, il a permis à 56 membres qualifiés de la section 2020 du syndicat des Métallos, qui regroupe 240 employés de bureau, techniciens et professionnels du complexe, d’être briseurs de grève, ce qui a permis à l’entreprise de redémarrer les activités minimales de la mine et de l’usine de concentré de cuivre en octobre 2009.

Puis, lorsque le contrat de la section 2020 a expiré plusieurs mois après le début de la grève, plaçant les 240 travailleurs en position de faire grève avec leurs collègues de la section 6500, les Métallos leur ont ordonné de rester au travail et ont conclu un accord de capitulation séparé avec Vale. Comme si cela ne suffisait pas, le nouveau contrat obligeait légalement les membres de la section 2020 à briser la grève de leurs collègues.

Comme on pouvait s’y attendre, cette capitulation pourrie menée par le Syndicat des Métallos a provoqué des tensions entre les membres de la section 6500 et ceux de la section 2020, ce qui était sans aucun doute le résultat souhaité de la part du syndicat. Il s’agissait d’un élément essentiel des efforts plus larges du syndicat pour isoler systématiquement les mineurs en grève.

Pour mettre en œuvre l’opération de sabrage, Vale a engagé la célèbre société de sécurité AFI pour intimider et harceler les grévistes au quotidien. Elle a notamment déployé des caméras et des dispositifs d’écoute paraboliques autour des cabanes de piquetage. Les informations recueillies lors de l’opération d’écoute ont été utilisées pour licencier illégalement neuf travailleurs, qui ont dû attendre deux ans avant d’être exonérés. Les reporters du WSWS ont filmé certaines de ces activités de briseurs de grève dans cette vidéo de 2010 sur les piquets de grève.

Le WSWS s’entretient avec des grévistes de Vale Inco et des sympathisants à Sudbury pendant la grève d’un an en 2009-2010

En janvier 2010, la production de la fonderie a redémarré. En plus de la direction et du personnel technique, Vale a mobilisé des entrepreneurs et des centaines de travailleurs de remplacement briseurs de grève, dont beaucoup ont bivouaqué en permanence à l’intérieur du complexe minier. En réponse à cette provocation sans précédent (jamais auparavant des briseurs de grève n’avaient été déployés dans un conflit de travail chez Inco), l’Internationale des Métallos et la section locale 6500 ont organisé des coups de publicité dans divers lieux d’affaires internationaux, publié des harangues nationalistes et organisé occasionnellement des manifestations isolées.

Au cours des premiers mois de 2010, la bureaucratie syndicale a fait le pari que sa prostration devant les ordonnances judiciaires interdisant la tenue de piquets de grève efficaces, combinée aux difficultés et à la fatigue considérables vécues par ses membres, convaincrait les grévistes de ratifier un contrat semblable à celui contre lequel ils avaient voté si massivement quelques mois auparavant. Les travailleurs, cependant, avaient d’autres plans et, au printemps, ils ont voté contre une autre offre de contrat pourri et ont organisé de puissants blocages routiers aux entrées clés, soutenus par des centaines de travailleurs et de citadins.

L’action a reçu une telle réponse populaire que la police a reculé devant une confrontation directe. Lorsqu’un shérif a lu l’ordonnance de cessation et d’abstention d’un tribunal aux centaines de manifestants, ceux-ci ont refusé de bouger en scandant «Hell no, we won’t go». La police, qui avait jusque-là compté sur les machinations des responsables syndicaux pour empêcher que la grève ne devienne une riposte militante contre l’opération de sabrage de l’entreprise, n’était manifestement pas préparée à la résistance à son ordre de dispersion et s’est retirée sans autre forme de procès.

Ce sont les responsables syndicaux qui ont dû disperser la protestation naissante de la base. Le président de la section locale 6500, John Fera, le vice-président Rick Bertrand et le délégué syndical en chef Pascal Boucher se sont immédiatement rendus sur les lieux de la manifestation pour dire aux travailleurs qu’ils s’exposaient à des conséquences juridiques s’ils ne mettaient pas fin à leur action. Vale Inco avait déjà sommairement congédié au moins neuf grévistes pendant le conflit pour ne pas avoir «agi selon le code de conduite de (Vale)». Une réunion spéciale des membres a été convoquée, avec la présence d’avocats du syndicat.

Les bureaucrates syndicaux ont sorti le grand jeu, prêchant la foi dans les tribunaux et affirmant qu’une nouvelle audience de la Commission du travail finirait par les sauver. Ils ont exhorté les travailleurs à chercher du soutien auprès des chefs du Parti libéral fédéral et ontarien, partisans de la grande entreprise, et du NPD, parti social-démocrate. Voyant que le syndicat ne soutiendrait aucune action visant à mettre fin à l’opération de sabrage et à défendre les travailleurs victimes, les blocus ont été abandonnés. En juillet, épuisés et appauvris, les mineurs ratifient à contrecœur un accord assorti de reculs.

Pendant cette grève, les mineurs et les travailleurs des fonderies du nord de l’Ontario n’ont pas manqué de militantisme et de sacrifice dans la lutte. Mais ce qui leur manquait, c’était une perspective politique et une organisation ouvrière indépendante pour mener leur lutte à la victoire.

Le Syndicat des Métallos avait une stratégie bien définie: isoler les grévistes, coopérer avec les briseurs de grève de l’entreprise et attendre le bon moment pour faire passer en force les diktats de la direction que les grévistes avaient déjà rejetés deux fois. Cela découle directement de son asservissement au système de profit capitaliste et de sa promotion des divisions nationalistes parmi les travailleurs, qui ont servi à consolider le rôle des Métallos en tant que division de la direction de l’entreprise à Vale Inco. Il s’agit d’une stratégie poursuivie par les bureaucrates syndicaux dans tous les secteurs économiques au Canada et à l’étranger depuis les années 1980, lorsque les syndicats ont commencé à se transformer en partenaires juniors des grandes entreprises et de l’État capitaliste.

Pour leur défense loyale des intérêts des sociétés, les cadres qui dirigent le Syndicat des Métallos, comme leurs homologues ailleurs, ont acquis des revenus et des richesses qui les placent en conflit direct avec les travailleurs. En 2020, le syndicat des Métallos était assis sur des actifs de plus de 1,5 milliard de dollars, qui ne sont pas utilisés au profit des travailleurs, mais plutôt pour garnir les comptes bancaires des dirigeants du syndicat et leur fournir divers avantages. Le président du syndicat, Thomas Conway, a reçu une rémunération de plus de 217.000 dollars l’année dernière, et des dizaines d’autres responsables ont reçu des salaires à six chiffres.

Les conditions sont maintenant réunies pour que les mineurs de Vale Inco en grève mettent fin à ces décennies de trahisons syndicales. Leur grève coïncide avec une recrudescence de la lutte de classe à travers le Canada et à l’échelle internationale, notamment avec 2500 travailleurs d’ArcelorMittal dans le nord-est du Québec, des mineurs en grève en Colombie, au Pérou et au Chili, des mineurs de charbon en Alabama, des travailleurs de Volvo Truck en Virginie, parmi beaucoup d’autres. Les grévistes de Vale Inco doivent consciemment lutter pour unifier leur lutte avec toutes ces batailles de classe afin de mobiliser toute la puissance sociale de la classe ouvrière internationale contre les exigences impitoyables des conglomérats multinationaux comme Vale Inco, Volvo, BHP et ArcelorMittal.

Pour mener cette lutte, les travailleurs de Vale Inco devraient immédiatement élire un comité de grève de la base constitué indépendamment des Métallos et en opposition à ces derniers. Ces comités doivent se baser sur les besoins réels des travailleurs, et non sur ce que Vale et le syndicat des Métallos prétendent que l’entreprise peut se permettre, et doivent présenter une série de revendications non négociables, telles qu’une augmentation de salaire de 25 % pour compenser des années de concessions, une assurance médicale complète pour tous les travailleurs et le rétablissement du programme de retraite à prestations définies pour tous les travailleurs et les retraités.

Pour lier leur lutte aux grèves similaires qui se développent parmi les mineurs, les métallurgistes et d’autres sections de travailleurs industriels à l’échelle internationale, les travailleurs en grève de Vale Inco devraient soutenir la construction de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base, qui est en train d’être créée pour unir les travailleurs au-delà des frontières nationales et coordonner à l’échelle internationale la lutte contre les attaques des sociétés contre les emplois et les vies des travailleurs.

La nécessité de nouvelles organisations est liée à la nécessité d’une nouvelle perspective politique. En opposition à la perspective propatronale et nationaliste promue sans relâche par les syndicats, les mineurs doivent reconnaître qu’ils sont confrontés à une lutte politique non seulement contre un employeur particulièrement impitoyable mais plutôt contre le système capitaliste dans son ensemble, qui exploite les travailleurs du monde entier afin d’enrichir une infime minorité d’oligarques super riches. L’alternative posée est la lutte pour le socialisme, y compris l’expropriation des sociétés géantes et leur placement sous le contrôle démocratique des travailleurs, afin de répondre aux besoins pressants de la majorité de la population mondiale.

(Article paru en anglais le 6 juin 2021)

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