La colère monte chez les travailleurs de Volvo Trucks après les tentatives de sabotage de la grève par l’UAW

Le constructeur mondial de poids lourds Volvo intensifie ses tentatives pour écraser la grève et la rébellion naissante de près de 3.000 travailleurs de son usine de New River Valley (NRV) dans le sud-ouest de la Virginie. Dimanche, les travailleurs ont courageusement rejeté et défié à 90 pour cent une deuxième entente au rabais soutenue par le syndicat United Auto Workers.

Mercredi, Volvo a fait venir des fourgons remplis de briseurs de grève, ont rapporté les travailleurs au World Socialist Web Site. «À l’entrée principale, ils ont fait entrer 10 à 12 camionnettes noires remplies de gens», a déclaré Sam, un travailleur de l’usine dont le nom a été modifié pour le protéger des représailles.

Des travailleurs de Volvo sur les piquets de grève cette semaine (UAW Local 2069/Facebook)

Les travailleurs sont de plus en plus nombreux à reconnaître que l’UAW mine délibérément la grève en permettant à l’entreprise de recourir à des briseurs de grève. Depuis le début du second débrayage lundi, l’UAW a ordonné aux travailleurs de se retirer des routes menant à l’usine et de laisser passer les briseurs de grève, ainsi que de limiter la taille des piquets de grève. «Il y avait des panneaux partout dans le local syndical disant qu’on ne devait arrêter aucun véhicule», a déclaré Sam. «Ils ont également affiché que si on provoquait des perturbations, on serait expulsé par la police d’État».

Cependant, un certain nombre des photos des piquets de grève diffusées mercredi sur Facebook montraient des groupes importants de travailleurs debout sur les routes, ignorant les ordres de l’UAW.

La section 2069 de l’UAW a signalé mercredi que l’entreprise allait envoyer des lettres de licenciement, affirmant que «c’est une partie normale du processus». La section locale avait signalé mardi que l’entreprise avait supprimé la couverture médicale des travailleurs, une action provocatrice et agressive à laquelle le syndicat ne semble pas vouloir s’opposer.

Plus tard dans la journée de mercredi, les travailleurs ont réagi avec colère lorsque la section locale 2069 a annoncé sur Facebook que les chèques de paie de grève «devraient être» disponibles le 21 juin. «Nous avons attendu deux semaines la dernière fois [mais] nous n’avons jamais mis fin à la grève; vous venez de nous faire reprendre le travail; pourquoi devons-nous attendre à nouveau?», a commenté un travailleur, faisant référence à l’arrêt unilatéral par le syndicat du premier débrayage de deux semaines, le 30 avril. L’UAW ne verse qu’une misérable somme de 275 dollars par semaine, soit moins que le salaire minimum fédéral, à partir de son fonds de grève de 790 millions de dollars.

Les déclarations diffusées par le comité de base des travailleurs de Volvo ont dénoncé la suppression des prestations de santé et le montant dérisoire des indemnités de grève. Ce comité, qui, selon les travailleurs, a été le catalyseur de l’opposition aux deux premiers accords de capitulation de l’UAW, a exigé qu’aucune négociation n’ait lieu jusqu’à que la couverture médicale soit rétablie et que les indemnités de grève soient immédiatement augmentées pour couvrir le revenu total des travailleurs.

Craignant la rébellion croissante de la base et se sentant assiégé, l’UAW travaille avec une stratégie bien définie pour isoler et paralyser les travailleurs. En fait, le syndicat cherche maintenant à imposer un contrat encore pire que les deux premiers accords propatronaux.

Les travailleurs ont déclaré au WSWS qu’ils pensent qu’ils sont punis par l’UAW pour avoir rejeté à deux reprises ses contrats proentreprise par 90 pour cent des voix. Dans les deux cas, l’accord aurait augmenté les coûts des soins de santé, maintenu le système détesté de rémunération et d’avantages sociaux à plusieurs niveaux, entraîné une réduction effective des salaires réels, mis fin à la journée de huit heures et mis en péril les prestations de santé des retraités.

Dans un geste manifestement vindicatif, l’UAW a dit mercredi aux travailleurs, y compris ceux qui sont plus âgés et peuvent avoir des problèmes de santé, qu’ils ne pouvaient pas apporter de chaises pour s’asseoir pendant le piquet de grève.

«Certains travailleurs âgés ont apporté des chaises longues et l’UAW leur a dit qu’ils devaient rester debout à tout moment», a déclaré Sam. Ils ont dit au capitaine de grève: «Allez vous faire voir, nous n’allons pas rester debout tout le temps». Les travailleurs ont déclaré que l’ordre de ne pas apporter de chaises longues aux piquets de grève venait du président de la section locale 2069, Matt Blondino, lui-même.

Blondino a donné mardi une brève interview à une chaîne locale de CBS. Si cette apparition était destinée à sauver la face parmi les travailleurs, elle a eu l’effet inverse. «Il semblait trop effrayé pour dire quoi que ce soit, c’est ce que tout le monde dit», a déclaré Sam. Il a ajouté que les travailleurs estimaient que s’il avait si peu à dire sur leur lutte, cela signifiait «qu’il ne pouvait pas se battre pour nous».

Alors que le «World Socialist Web Site» a publié de nombreux reportages quotidiens sur le débrayage, attirant l’attention des travailleurs sur la lutte aux États-Unis et dans le monde, la grève a été pratiquement occultée par les médias nationaux aux États-Unis, la couverture se limitant essentiellement aux médias locaux. Le New York Times et le Wall Street Journal n’ont publié aucun article sur la dernière grève à ce jour, et le Washington Post n’a republié qu’un bref reportage de l’Associated Press lundi matin.

Le silence des médias reflète un malaise croissant au sein du patronat et de l’establishment politique, ainsi que parmi les cadres bien rémunérés qui gèrent l’appareil syndical en leur nom. Ni l’UAW ni l’AFL-CIO, la principale fédération syndicale américaine, n’ont publié d’informations sur la grève sur leurs sites web. Ils n’ont rien fait non plus pour en informer leurs membres.

Il ne fait guère de doute que Volvo et l’UAW sont en pourparlers avec le gouvernement de l’État de Virginie, dirigé par le Parti démocrate, et avec l’administration Biden depuis l’humiliante défaite de dimanche du contrat entre le syndicat et l’entreprise. Depuis leur entrée en fonction, Biden et les démocrates ont cherché à renforcer la position des syndicats, voyant en eux un rempart contre la marée montante de la colère de la classe ouvrière. Biden a apporté son soutien à la campagne de syndicalisation de l’entrepôt d’Amazon à Bessemer, en Alabama, qui a été rejetée à deux contre un par les travailleurs, très majoritairement aliénés de la campagne.

La Maison-Blanche a également mis en place un groupe de travail prosyndicat, composé de membres du cabinet chargé de la sécurité nationale et de la politique économique. Ce groupe de travail organise des «sessions d’écoute» virtuelles avec les dirigeants syndicaux jusqu’à la fin de la semaine, afin de discuter des politiques que les dirigeants syndicaux espèrent voir mises en œuvre par le gouvernement Biden, selon Bloomberg Law.

L’État capitaliste cherche à renforcer l’emprise des syndicats sur les travailleurs et à les intégrer plus étroitement dans ses discussions stratégiques dans l’espoir d’éviter une explosion sociale imminente. Aux États-Unis et dans d’autres pays, on a assisté cette année à une première vague de grèves contre la baisse des salaires et des conditions de travail ainsi que contre l’impact mortel de la pandémie de COVID-19. Dans chaque cas, les travailleurs se sont immédiatement heurtés aux syndicats propatronaux qui s’efforcent d’isoler les débrayages, de réduire leur efficacité et de désarmer les travailleurs face aux attaques de plus en plus brutales des entreprises.

Chez Warrior Met Coal en Alabama, où les mineurs sont en grève depuis la fin du mois de mars et ont rejeté un accord soutenu par l’United Mine Workers par 1.006 voix contre 45 en avril, un nombre croissant de piquets ont été heurtés par des voitures de briseurs de grève. Tenet Healthcare a embauché des travailleurs de remplacement permanents et licencié de plus en plus d’infirmières en grève à l’hôpital Saint-Vincent de Worcester, dans le Massachusetts. Et le Syndicat des Métallos a maintenu une série de luttes de travailleurs isolées les unes des autres, y compris les métallurgistes d’ATI en grève dans plusieurs États et les mineurs de nickel de Vale Inco au Canada, ainsi que les travailleurs de la raffinerie de pétrole d’ExxonMobil en lock-out à Beaumont, au Texas.

La tâche essentielle des travailleurs dans chacune de ces luttes est de rompre la séparation artificielle imposée par les syndicats, unifier leurs forces et mobiliser des sections beaucoup plus larges de la classe ouvrière, tant aux États-Unis qu’à l’échelle internationale. Mais pour que cette unification se produise, un réseau de nouvelles organisations est nécessaire, composé de comités de base comme celui formé par les travailleurs de Volvo Trucks.

Il existe dans la classe ouvrière un puissant réservoir de désir d’unité et de lutte collective pour mettre enfin un terme à l’assaut des sociétés qui dure depuis des décennies.

Un travailleur de Mack Trucks (qui appartient également au groupe suédois Volvo) à Allentown, en Pennsylvanie, a déclaré au WSWS que les travailleurs de son usine suivaient de près la grève à NRV et voulaient apporter leur soutien. S’adressant aux travailleurs en grève, il a déclaré: «Si nous étions tous ensemble et que nous fermions Allentown, Hagerstown, le Maryland et les autres usines, cela ferait vraiment mal à Volvo. Nous sommes dans le même bateau et devrions avoir le même contrat. Volvo continue à faire de l’argent et nous continuons à céder contrat après contrat».

«Notre contrat arrive à échéance dans deux ans, et nous vous soutenons les gars et voulons que vous obteniez mieux que ce que nous avons fait en 2019. Nous étions sur le piquet de grève, et je détestais que nous ne soyons payés que 275 dollars, alors que l’UAW a tout cet argent dans le fonds de grève. Tout le monde vous regarde ici et veut que vous obteniez ce dont vous avez besoin».

«Les cabines de nos camions de jour et des camions Mack Anthem sont peintes à NRV. L’usine de Hagerstown fabrique des moteurs pour nous ici et à NRV. Nous ne voulons pas nous occuper de ce qui vient de NRV pendant la grève, mais nous devons être unis pour que la direction ne puisse pas nous suspendre ou nous licencier».

«Le président de l’atelier de l’UAW et le président de la section locale sont tous opposés à un comité de la base, mais nous en avons aussi besoin dans notre usine. Je dis au comité de la base des travailleurs de Volvo: restez forts et battez-vous pour ce que les travailleurs méritent.»

Nous encourageons les travailleurs de l’automobile et les autres travailleurs francophones du monde entier à envoyer des déclarations de soutien aux travailleurs de Volvo en grève, en utilisant le formulaire ci-dessous.

(Article paru en anglais le 10 juin 2021)

Loading