Les «marches des libertés contre les idées d’extrême-droite» visent à canaliser les travailleurs en lutte contre les politiques d’État policier de Macron

Le samedi 12 juin des «marches des libertés contre les idées d’extrême-droite» ont été organisées dans toute la France. 150.000 personnes ont participé à ces marches dans 140 villes de France, selon les organisateurs. Cette mobilisation témoigne d’une large opposition aux politiques d’État policier de Macron, mais aussi de la contradiction entre les aspirations des manifestants et les calculs des principaux organisateurs de la manifestation.

Ces manifestations ont été appelées par des associations et collectifs, quelques médias engagés, des organisations syndicales et un large éventail d’organisations politiques. Les partis appelant à manifester allaient du PS au NPA en passant par les écologistes d’EELV.

Face à la succession de lois liberticides qui ont suivi le mouvement des «gilets jaunes» et la pandémie, les travailleurs cherchent à exprimer leur refus du régime autoritaire qu’installe Macron. Mais le PS, EELV ou encore le NPA visent en réalité à les désorienter et à empêcher une défense des droits démocratiques, ce qui nécessite la construction d’un mouvement dans les lieux de travail et les écoles pour mobiliser la classe ouvrière contre l’autoritarisme en France et autour du monde.

Ce projet de manifestation serait en préparation depuis fin 2020, suite au dépôt de la loi de sécurité globale, qui augmente massivement les pouvoirs de la police. La manifestation policière devant l’Assemblée nationale, à l’appel d’une intersyndicale dominée par le syndicat d’extrême-droite Alliance aurait accéléré la décision de les organiser.

Cette initiative vient de sections de l’établissement politique qui veulent lancer des appels impuissants à différentes sections de la bourgeoisie et à Macron lui-même. C’est pourquoi les marches ont été ouvertes à l’éventail politique le plus large possible.

Éric Coquerel député de La France insoumise (LFI) en est le co-initiateur avec Thomas Portes, le porte-parole de Génération.s. Portes est également membre du PCF stalinien et de la CGT-Cheminot. Le mouvement Génération.s. a été fondé par Bernard Hamon après son échec à la présidentielle en tant que candidat PS. Génération.s tente de rétablir, après l’effondrement du PS qui a suivi la présidence droitière de Hollande, les liens traditionnels de l'union de la gauche des années 1970, qui liait le PS avec le PCF et le milieu syndical de la CGT.

Les forces même qui soutiennent tacitement ou ouvertement la politique sécuritaire de Macron et qui participent au glissement accéléré vers l’extrême-droite de l’ensemble de la classe politique organisent ou participent à ces marches. Cette escroquerie a bénéficié d'une couverture sur sa gauche du NPA qui a signé l'appel à ces marches pour ensuite critiquer mollement la position du PS et du PC, tout en épargnant LFI. Le résultat de cette confusion organisée est de bloquer la clarification des enjeux sociaux et politiques du tournant vers l’extrême droite en cours.

Comme l’a souligné le WSWS, la manifestation d’extrême droite de la police devant l’Assemblée nationale le 19 mai, qui aurait poussé à organiser ces marches, a en réalité bénéficié d’un soutien quasi-unanime, non seulement des appareils syndicaux, mais aussi des partis politiques qui leur sont associés.

Le PS, le PCF stalinien, et des forces au sein de La France insoumise se sont rangés derrière l'appel du syndicat d’extrême-droite Alliance, alors qu’il était impossible de s’y méprendre, que ce soit sur le caractère politique de la manifestation ou sur le contexte dans lequel elle s’est déroulée.

C’est pourquoi le PS et le PCF, dont les chefs avaient participé à la manifestation des policiers n’ont pas signé l’appel unitaire aux marches, annonçant plus tard leur participation par un communiqué distinct. Ils ont aussi manifestés séparément, Fabien Roussel, le numéro un des communistes, a manifesté à Lille et Olivier Faure le patron des socialistes, à Avignon. Quant aux écologistes, ils ont signé l'appel après avoir regretté la date de cette «marche», à une semaine des élections régionales qu’ils érigent en priorité.

En fait, les partis impliqués dans les manifestations ne mènent aucune lutte sérieuse pour défendre les droits démocratiques. Ils se divisent plutôt sur le moment le plus opportun pour donner des gages de loyauté à Macron et abandonner leur opposition de façade.

Le PS, le PC et les Verts se joignent régulièrement à la droite pour attaquer férocement LFI pour son supposé «islamo-gauchisme», lorsque ce parti fait mine de critiquer les excès de la propagande antimusulmane, reprise de l'extrême droite par Macron depuis 2019 et qui sert de prétexte à l'empilement des lois sécuritaires.

Face à ces attaques, LFI fait aussitôt mouvement vers la droite et donne des gages de loyauté à l’État policier. En fait LFI considère que les forces répressives de l’État doivent être défendues et sa perspective est celle du nationalisme et de la défense de l'impérialisme français. Il a par exemple fait de la surenchère droitière pour augmenter encore plus le budget des armées et est favorable au rétablissement du service militaire. C'est pourquoi malgré des conflits qui semblent virulents avec le PS, le PC et les Verts il se tourne vers ces mêmes partis lors des manifestations.

De même, aucune opposition sérieuse n'a été menée en 2021, lors de l’examen de la loi «anti-séparatiste», qui attaque frontalement les acquis démocratiques des lois de 1901 sur la liberté d’association et de 1905 sur la laïcité. Il s’agit de conquêtes démocratiques historiques, résultant de l’action politique déterminée des représentants socialistes de la classe ouvrière en lutte contre la bourgeoisie réactionnaire et antidreyfusarde au début du XXe siècle.

Le PS, le PC et LFI ont laissé Macron faire appel ouvertement à l'idéologie de l'extrême droite pour défendre ses projets. Ils ont accepté comme légitime le principe du texte et en ont discuté le contenu dans le détail allant jusqu'à voter ou s'abstenir sur des dispositions-clé. Ce faisant, ils ont légitimé le principe même des attaques sans précédent contre les droits démocratiques contenues dans la loi.

La classe ouvrière ne doit faire aucune confiance à ces organisations, qui soutiennent en sous main le programme de Macron. Dans le contexte de la pandémie, les pays impérialistes ont inondé de crédits le système financier. En Europe c'est plus de 2.000 milliards d’euros qui sont partis en subventions européennes aux banques et aux grandes sociétés afin de grossir les rangs des milliardaires.

Dans ce contexte, Macron veut reprendre dès que possible sa politique de casse sociale et augmenter l'exploitation des travailleurs. Mais il est conscient qu'il doit au préalable renforcer considérablement les forces de l’État policier pour contenir la montée de la lutte des classes, ce qui est la priorité de la fin de son mandat. Les dirigeants des autres pays font les mêmes préparatifs.

Mais les «marches» envisagent la lutte contre les «idées d'extrême» droite dans un cadre exclusivement national.

Le coup d’État tenté par Trump le 6 janvier pour bloquer l’investiture de Biden est l’illustration de la crise universelle du capitalisme et de son tournant vers des forces d'extrême droite. Ce séisme politique au cœur de l’impérialisme mondial va inévitablement connaître des répliques ailleurs dans le monde. En Europe et sur les autres continents, les partis néofascistes sont encouragés par des fractions considérables de la classe dirigeante depuis plusieurs années.

La lutte contre ce tournant de la classe dirigeante vers l'extrême droite doit être menée par la classe ouvrière dont les intérêts de classe sont inconciliables avec ceux de la bourgeoisie. Il est nécessaire d’unifier la classe ouvrière internationalement, indépendamment des appareils syndicaux, en une lutte contre la dérive fasciste de la bourgeoisie et pour le transfert du pouvoir à la classe ouvrière sur une perspective socialiste.

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