Un haut dirigeant de Vale menace 2450 mineurs en grève dans le nord de l’Ontario

Les quelque 2450 mineurs du gigantesque complexe d’extraction et de traitement du minerai de Vale à Sudbury, en Ontario, sont sur le point d’atteindre le premier mois de leur grève contre les demandes de concessions massives de la multinationale basée au Brésil. Les mineurs de Sudbury, qui ont une longue tradition de lutte de classe militante, mènent une guerre sur deux fronts, contre les exigences rapaces de Vale et de ses actionnaires multimillionnaires, et contre le syndicat des Métallos (USW), qui affame les travailleurs sur la ligne de piquetage avec des indemnités de grève de misère et isole délibérément la grève.

Cheminées de la raffinerie de nickel Vale Copper Cliff à Sudbury, Ontario, Canada (Photo: Tony Webster/Creative Commons)

Les travailleurs, membres de la section 6500 du syndicat des Métallos, ont rejeté à deux reprises les offres de contrat misérables de la compagnie. La première a pris la forme d’un accord contractuel provisoire recommandé à l’unanimité par le comité de négociation du syndicat, mais rejeté en bloc par les travailleurs de la base. La bureaucratie des Métallos, démasquée par sa première offre et sentant la colère des membres, a alors brusquement changé de tactique et a appelé à rejeter pratiquement le même accord lors du second vote, qui a eu lieu 10 jours après le début de la grève.

La direction de Vale a clairement indiqué que son objectif est de réduire massivement les coûts de la main-d’œuvre afin de rendre son exploitation minière de nickel, de cuivre, de cobalt et de métaux précieux de Sudbury «compétitive» à l’échelle mondiale. Lors d’une assemblée générale virtuelle de Vale qui s’est tenue la semaine dernière, Dino Otranto, chef de l’exploitation des opérations de la transnationale brésilienne dans l’Atlantique Nord et des raffineries asiatiques, a informé avec arrogance les travailleurs que les opérations de la société à Sudbury «occupent la position la plus élevée en termes de coûts parmi toutes les mines de la planète».

Vale est une société d’envergure mondiale qui possède des actifs «partout», a-t-il poursuivi. Il a ensuite cherché à intimider les mineurs en grève, se vantant que Vale a les moyens de survivre à une longue grève, afin d’extorquer des concessions à sa main-d’œuvre de Sudbury. Selon Otranto, les opérations de Vale à Sudbury ne représentent que 2 % de ses revenus.

Le patron de Vale a également déclaré que ses autres exploitations canadiennes de nickel, à Thompson, au Manitoba, et à Voisey’s Bay, au Labrador, sont moins coûteuses à exploiter. De plus, les opérations de ses concurrents dans les pays moins développés ainsi qu’au Canada, comme son rival Glencore (anciennement Falconbridge/Xstrata), ont des coûts par tonnage de minerai extrait bien inférieurs à ceux de Vale Sudbury.

«Ultimement, c’est une question de coûts par tonne», a déclaré Otranto, qui s’est plaint que les opérations de Vale Sudbury se trouvent du «mauvais côté de la courbe des coûts». Il a ajouté: «Les banques regardent cela», faisant référence aux efforts de Vale pour trouver des capitaux d’investissement pour les opérations de Sudbury.

Alors qu’Otranto et la direction de Vale plaident être fauchés, la réalité est que l’entreprise est assise au sommet d’une montagne de liquidités. En 2020, Vale a généré un chiffre d’affaires de 40 milliards de dollars US dans le monde entier, avec un bénéfice net de près de 5 milliards de dollars. Sa valeur marchande s’élève à 111 milliards de dollars US. La plupart des gisements de nickel de la plus haute qualité au monde sont exploités juste à l’extérieur de la ville du nord de l’Ontario, ainsi que d’autres métaux. L’entreprise a déjà signé des «contrats pluriannuels importants» pour fournir du nickel de haute qualité au marché des véhicules électriques. Au même moment, les prix du cuivre sont les plus élevés depuis plusieurs décennies et devraient continuer à grimper.

Mais la direction est déterminée à faire en sorte que les bénéfices de ces opérations, extraits du travail de sa main-d’œuvre, soient canalisés vers des versements aux actionnaires qui montent en flèche et vers les salaires et les primes des dirigeants.

Tout au long de sa présentation, Otranto a sermonné les travailleurs comme s’ils étaient des écoliers cupides sans éducation qui ne comprennent pas l’arithmétique claire qui leur est présentée. S’ils comprenaient vraiment la soi-disant situation difficile des pauvres actionnaires de Vale, ils comprendraient sûrement que l’abandon des soins de santé et des prestations de retraite «hors de contrôle» est tout simplement logique.

La «responsabilité» des prestations médicales n’est que la pointe de l’iceberg, selon Otranto. Les travailleurs doivent se préparer à des sacrifices encore plus importants. L’abandon des prestations médicales des retraités «est une (concession) importante, mais elle ne nous permettra pas de nous approcher de ce que nous devons faire», a déclaré le directeur de l’exploitation. Il a insisté sur le fait qu’un examen plus approfondi des coûts de main-d’œuvre, du rythme de travail et de l’automatisation, ainsi que de la maintenance, sera nécessaire.

Dans la ronde actuelle de négociations, Vale exige que les travailleurs de Sudbury acceptent la fin des prestations médicales de retraite pour les nouveaux employés et de minuscules augmentations de salaire pour tous, bien en deçà de l’inflation, ce qui constitue en fait une réduction de salaire. À la suite de la défaite d’une grève d’un an en 2009-2010, que les Métallos ont isolée et étranglée alors même que l’entreprise avait massivement recours aux briseurs de grève, les mineurs de Sudbury ont déjà été contraints d’accepter des reculs considérables.

Ceux-ci comprennent la fin des régimes de retraite à prestations déterminées pour les nouveaux employés, la sous-traitance d’un plus grand nombre d’emplois à des fournisseurs non syndiqués et moins rémunérés, ainsi qu’un plafonnement strict de la populaire prime de nickel, qui récompensait les travailleurs par un salaire supplémentaire lorsque le prix du minerai dépassait un certain niveau. Depuis la grève d’un an d’il y a dix ans, 800 emplois ont été supprimés à Sudbury.

La diatribe d’Otranto est une déclaration de guerre contre ce qui reste des gains obtenus par les mineurs de Sudbury au cours de plusieurs générations de lutte acharnée. Toutefois, Vale se sent capable de formuler des demandes aussi scandaleuses en public grâce au rôle criminel joué par la bureaucratie des Métallos, qui agit comme partenaire junior de la direction de Vale et est déterminée à saboter la grève.

Avant que les travailleurs n’érigent les lignes de piquetage, les négociateurs des Métallos étaient convaincus qu’ils pourraient faire passer un accord pourri concocté avec Vale, ce qui explique pourquoi ils ont recommandé l’accord rempli de concessions qui a été rejeté de façon décisive par une majorité de 70 %. Cependant, le syndicat a réussi à imposer l’accord aux opérations de Vale à Port Colborne, laissant les mineurs de Sudbury se battre seuls. Bien que le syndicat possède des centaines de millions de dollars d’actifs, il affame les grévistes avec une maigre indemnité de grève de 370 $CA (environ 300 $US) par semaine.

Le Syndicat des Métallos prétend avoir plus d’un million de membres actifs et retraités au Canada et aux États-Unis. Pourtant, il n’a pratiquement rien fait pour mobiliser ses membres, ou les travailleurs d’autres industries confrontés aux mêmes attaques contre leurs salaires, leurs avantages sociaux et leurs conditions de travail, en faveur de la grève.

L’année dernière, le syndicat a accepté une prolongation d’un an «sans gain» du contrat précédent afin que la production ne soit pas interrompue pendant la pandémie de la COVID-19. Les Métallos ont collaboré étroitement avec la direction pour faire en sorte que les éclosions, qui se produisaient régulièrement dans les mines, restent secrètes.

Un travailleur en grève a raconté au World Socialist Web Site sa propre expérience de travail pendant une éclosion. «Quelqu’un est tombé malade, les hommes étaient au courant, le représentant de la santé et de la sécurité des travailleurs était au courant de l’éclosion, il a essayé de communiquer avec la direction pour qu’elle puisse la déclarer et obtenir de l’aide... Je pense personnellement qu’il s’agissait de garder le secret pour les statistiques et l’attention du public.

«Ils n’ont donc pas déclaré l’éclosion avant que le ministère ne soit appelé. Le ministère a dit qu’il ne pouvait rien faire. Et quelques jours après, on apprend qu’il y a eu une éclosion à la mine Coleman. Donc il y a eu des éclosions à Coleman, Totten, Creighton. Et les membres ne sont au courant de rien. Ils ne nous disent rien, nous ne savons pas s’il y a une éclosion, s’il y a un cas ici ou là, nous devons attendre jusqu’à ce que quelqu’un vienne nous dire: «Vous devez vous mettre en quarantaine pendant deux semaines.»»

Cette situation n’est pas limitée aux Métallos, mais est commune à tous les syndicats. À l’usine Glencore de Sudbury, présidée par Unifor, le syndicat a collaboré avec la direction pour aider et encourager les réductions de salaires et d’avantages sociaux. Richard Paquin, alors représentant national de la branche minière d’Unifor, a déclaré de façon tristement célèbre après avoir fait passer une série d’accords de concession: «On ne peut pas être d’accord sur tout, mais nous avons pu modifier les accords et continuer à faire ce que nous faisons le mieux: faire de l’argent pour l’entreprise». Après des années passées au service de la bureaucratie de Mine Mill/Unifor, Paquin a récemment pris la place qui lui revient dans le monde des affaires au Canada en tant que membre du conseil d’administration du Conseil des ressources humaines de l’industrie minière.

Les conditions sont réunies pour que les travailleurs de Vale montent une contre-offensive. Partout dans le monde, on assiste à une croissance de la lutte des classes, avec des grèves qui éclatent contre l’accélération de la cadence, des années de reculs et la priorité accordée par l’élite dirigeante aux profits plutôt qu’aux vies pendant la pandémie de la COVID-19.

Ce qui est nécessaire est que les grévistes de Vale se tournent consciemment vers leurs frères et sœurs de classe au Canada et à l’étranger, notamment les mineurs en grève en Colombie, au Pérou et au Chili, les plus de 1100 mineurs de charbon en grève en Alabama, les travailleurs de Volvo Trucks en Virginie et les travailleurs de l’automobile en Inde. Ils devraient également tendre la main aux travailleurs de Vale au Brésil et en Amérique latine, en Europe et en Asie du Sud-Est afin de mener une lutte internationale unifiée contre les attaques sur les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail, et pour des emplois décents et sûrs pour tous.

Pour mener une telle lutte, les grévistes de Vale doivent former leur propre comité de grève de la base, capable d’agir indépendamment de la bureaucratie des Métallos. Ce comité devrait présenter une série de revendications qui partent de ce dont les grévistes et leurs familles ont réellement besoin, et non de ce que les dirigeants multimillionnaires de Vale prétendent pouvoir se permettre. Ces revendications devraient inclure des prestations de soins de santé complètes pour tous, y compris les retraités, une augmentation de salaire de 25 % pour compenser les reculs, et un régime de retraite à prestations définies pour tous les travailleurs.

Un exemple à suivre a été donné par les travailleurs en grève de Volvo Trucks en Virginie, qui ont créé le Comité de base des travailleurs de Volvo (VWRFC) pour mener leur lutte contre les demandes de concessions de l’entreprise et ses partenaires juniors au sein de l’United Auto Workers. Le VWRFC a mené le rejet de deux contrats au rabais exigés par l’entreprise et appuyés par l’UAW, et s’efforce maintenant de rompre l’isolement de la grève de Volvo en créant des comités de solidarité parmi les travailleurs de toute l’Amérique du Nord.

(Article paru en anglais le 25 juin 2021)

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