Allemagne : les candidats à la chancellerie Laschet, Baerbock et Scholz pour un réarmement militaire massif

Le samedi 26 juin s’est tenu le deuxième débat télévisé entre Armin Laschet (Union chrétienne-démocrate, CDU), Olaf Scholz (Parti social-démocrate, SPD) et Annalena Baerbock (Parti des Verts). Les trois candidats ont discuté de politique étrangère et de sécurité. Comme le premier (article en anglais) débat, cet événement a souligné l'importance de la campagne du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste, SGP). Tous les candidats de la classe dirigeante prônent un renforcement militaire massif et se préparent à développer la politique de guerre haïe de la Grande coalition actuelle (chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates).

La discussion, dont un des modérateurs était le chef de la Conférence de Munich sur la sécurité, Wolfgang Ischinger, a eu lieu immédiatement après l'attaque des troupes allemandes au Mali où 12 soldats de la Bundeswehr (forces armées) avaient été blessés, certains grièvement. Depuis fait rage une campagne militariste agressive. Les politiciens et les médias soutiennent que le déploiement actuel n'est pas suffisant et exigent un mandat plus robuste et de meilleurs armements pour les soldats allemands.

Baerbock, Laschet et Scholz se sont joints à ce chœur. Au cours de la discussion, ils se sont tous prononcés en faveur de l'acquisition de drones de combat. Baerbock s'est vanté que les Verts s'étaient déjà mis d'accord sur l'achat de ces armes meurtrières lors de leur dernier congrès (article en anglais). « Il y a des situations où les drones peuvent également être utiles pour la sécurité des soldats de la Bundeswehr », a-t-elle expliqué. Ils sont nécessaires « lorsque des membres de la Bundeswehr vont au combat et tombent ensuite dans des traquenards ».

Les deux autres candidats ont exprimé des vues similaires sur les drones de combat. « La première chose est de les acquérir. Après cela, « vous pouvez discuter selon quels critères l'Allemagne les utilise », a expliqué Laschet. Scholz, lorsqu'on lui a demandé si « l'achat de drones armés pour la Bundeswehr serait décidé » lors de la prochaine législature, a également répondu sans équivoque: « Je dis explicitement, ma position est que nous avons lancé l’Eurodrone . »

Malgré l'escalade de la violence au Mali, qui devient de plus en plus un deuxième Afghanistan, les candidats se sont prononcés en faveur d'une poursuite et d'une éventuelle extension de la mission de la Bundeswehr dans ce pays riche en ressources et géo-stratégiquement central. Si la France « change de stratégie », il fallait à nouveau discuter « de ce que peut être alors la contribution allemande », a exigé Laschet. Il fallait être «prêt, si la sécurité est menacée, de telle manière qu'il faille en faire plus, à en faire aussi plus ».

Baerbock a souligné: « Nous sommes le plus grand pays de l'Union européenne, et donc l'Allemagne a besoin d'une position sur de telles missions étrangères. » Elle et les Verts considéraient que la mission de l'ONU Minusma, dans laquelle jusqu'à 650 soldats de la Bundeswehr sont actuellement impliqués, « reste la bonne chose à faire ». Elle a critiqué la mission de formation de l'Union européenne EUTM Mali comme n'étant pas assez robuste. Les Verts ne la soutenaient plus activement car elle « ne tient pas compte de la sécurité de nos soldats ».

Au cours de la discussion, des questions ont été posées aux candidats par des militaires et politiciens gouvernementaux internationaux, notamment l'ancien général américain et directeur de la CIA David Petraeus, l'ancien ministre polonais des Affaires étrangères et de la Défense Radek Sikorski et le président ukrainien Volodymyr Selenskyj. Leurs interventions visaient à suggérer que le retour de l'Allemagne à une politique étrangère et de défense agressive n'était pas seulement souhaité au niveau international, mais fortement exigé.

L'impérialisme allemand répond aux contradictions du système capitaliste par cette politique agressive. Comme au siècle dernier, il essaie de s'assurer par la force marchés, matières premières, influence stratégique et devenir puissance mondiale.

Toute la discussion a révélé à quel point le militarisme et la guerre dominent à nouveau la politique allemande. Scholz a plaidé pour de nouvelles livraisons d'armes à Israël dont l'armée avait réduit la bande de Gaza en ruines il y a seulement quelques semaines. Laschet a plaidé pour plus d'intervention allemande au Liban et dans toute la Méditerranée et Baerbock a appelé le plus fort à une action plus agressive contre la Russie et la Chine.

Il y a 80 ans, le 22 juin 1941, l'Allemagne envahissait l'Union soviétique et lançait une épouvantable guerre d'extermination au cours de laquelle au moins six millions de Juifs ont été systématiquement assassinés et 27 millions de citoyens soviétiques ont perdu la vie. Aujourd'hui, une guerre de l'OTAN contre la puissance nucléaire russe remettrait en question la survie de toute la race humaine. La récente confrontation entre un navire de guerre britannique et les forces russes en mer Noire montre à quel point ce danger est grand.

Tout cela n'a pas empêché la candidate des Verts à la chancellerie de menacer militairement la Russie. Elle a appelé à des « unités déployables rapidement vers les Européens de l'Est » et a réitéré la demande de son parti pour des livraisons d' armes à l'Ukraine. Contrairement à Scholz et Laschet, elle s'est prononcée en faveur d'un arrêt immédiat de la construction du gazoduc Nord Stream 2, presque achevé.

Baerbock a également appelé à un cours plus agressif concernant la Chine. « Nous devons faire preuve de dialogue et de ténacité », a-t-elle déclaré. Bien sûr, « La Chine est au centre de nos exportations et importations concernant les emplois en Allemagne et concernant notre prospérité. Et la même chose s'applique à la Russie ». Cependant, a-t-elle dit, on ne pouvait pas « suivre une voie purement économique et dire en belle prose que les droits humains sont importants pour nous, mais au fond, on n'agit pas en conséquence ».

Les pacifistes Verts d’antan sont des experts pour inciter l'Allemagne à revenir à une politique étrangère et de grande puissance agressive sous couvert de démocratie et de droits humains. En réalité, il s'agit là d'intérêts impérialistes purs.

« Une position claire sur les valeurs sert également nos industries et nos emplois européens », a expliqué Baerbock. « Même le BDI (fédération des industries allemandes) dit que nous devons mener cela parallèlement, en tenant compte tant des droits humains que de la compétitivité internationale: dialogue et ténacité. » Par rapport à la Chine, cela signifiait « ne pas seulement prononcer des paroles sur la souveraineté européenne, mais la définir ».

Comme à la veille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante poursuit l'objectif d'organiser l'Europe sous domination allemande pour imposer ses objectifs économiques et géostratégiques en concurrence avec les autres grandes puissances. Les trois candidats ont déclaré qu'ils s'efforceraient d'obtenir des majorités qualifiées dans l'UE sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Ils voulaient ainsi faire pression plus vite et plus agressivement pour les intérêts allemands, également vis-à-vis des États-Unis.

« Les États-Unis ont dit ‘l'Amérique est de retour’ – et nous avons besoin d'une réponse européenne à cela », a déclaré Baerbock en résumant les ambitions de la classe dirigeante. Laschet était d'accord avec elle. Scholz a également appelé à « un engagement en faveur de la poursuite de l'intégration de l'Europe et de la souveraineté européenne ». Cependant, cela ne devrait « pas être simplement un discours en l’air ». Quand on parlait de « souveraineté européenne », cela signifiait que «la force dure devient un enjeu important pour l'Europe ».

Au cours de la discussion, les candidats se sont livrés à un véritable concours pour savoir qui était le meilleur militariste et qui pourrait le plus rapidement améliorer les forces armées allemandes et les préparer à la guerre. Scholz a reproché à une coalition CDU/CSU et Parti libéral-démocrate (FDP) d'avoir signifié l'austérité ; « le budget de l'armement, en particulier, a été utilisé comme une tirelire pour les finances publiques ». Cela avait été « une mauvaise période pour la Bundeswehr ».

Cela avait changé, a-t-il dit, en grande partie grâce à lui. « Lorsque j'étais ministre des Finances, nous avons fait augmenter substantiellement le budget de la défense, qui dépasse désormais les 50 milliards d'euros», s'est-il vanté. «L’énorme augmentation de ces dernières années est la base sur laquelle il faut construire, et elle ne doit pas être remise en cause.»

Laschet a souligné qu'il y avait déjà « de nombreux endroits dans le monde où l'Allemagne est impliquée dans des missions de l'ONU ». Néanmoins, a-t-il dit, il devait y avoir « une volonté de faire plus » et d'augmenter le budget militaire jusqu'à l'objectif dit des 2 pour cent. Cela avait été « promis en tant que perspective » et devait être « respecté ». La Bundeswehr devait également être « améliorée et cela doit également être imposé à l’intérieur », a-t-il déclaré.

C'est là une déclaration de guerre à la classe ouvrière et à la jeunesse à deux égards. Ils doivent supporter les coûts de la guerre de plusieurs manières, comme chair à canon sur les champs de bataille et sous forme d'attaques supplémentaires contre leurs droits démocratiques et sociaux. Depuis 2014, la grande coalition a déjà augmenté le budget de la défense de 32 milliards d'euros à plus de 50 milliards d'euros (environ 1,5 % du PIB). Même avec la croissance économique actuelle – relativement faible en raison de la pandémie de coronavirus – l'objectif des 2 pour cent signifie une augmentation du budget militaire de 20 milliards d'euros supplémentaires.

Baerbock a également été la plus agressive sur cette question. Sa critique rhétorique de l'objectif des 2 pour cent était une critique depuis la droite. Elle a soutenu le « principe de base de l'objectif des 2 % », à savoir « que les Européens prennent davantage soin de leur propre sécurité ». Cependant, être obnubilé par les 2 pour cent n'était pas suffisant pour peser militairement. C'était quelque chose que « non seulement les Verts, mais aussi des officiers militaires de haut rang, y compris d'autres nations, ont remarqué ».

Ce dernier débat est un avertissement. Peu importe qui succédera à Angela Merkel (CDU) à la chancellerie après les élections et quels partis gouverneront ensemble, le prochain gouvernement intensifiera les politiques droitières de la présente coalition. Tous les partis capitalistes – y compris le Parti de gauche qui brigue une alliance avec Scholz et Baerbock – sont prêts à tous les forfaits, comme ils l’ont déjà montré dans la pandémie. Leur politique du « profit avant la vie » a fait plus de 90 000 morts en Allemagne.

Le SGP est le seul parti qui s'oppose à cette évolution meurtrière et qui donne à l'opposition généralisée au militarisme et à la guerre un programme socialiste. Notre manifeste électoral dit: « Au milieu de la pandémie de COVID-19, toutes les grandes puissances se préparent à de nouvelles guerres afin de poursuivre leurs intérêts économiques [ ...] Des millions de personnes doivent mourir pour que l'élite financière allemande puisse poursuivre ses intérêts impérialistes par la force militaire. Nous exigeons la fin immédiate de toutes les interventions étrangères! Dissolution de l'OTAN et des forces armées allemandes! Des milliards d’euros pour l'éducation et pour l'emploi, pas pour le réarmement et pour la guerre ! ».

(Article paru en anglais le 2 juillet 2021)

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