Le 1er juillet, cela a fait un mois que les 2450 travailleurs du complexe minier et de traitement de Vale à Sudbury, en Ontario, sont en grève.
Les travailleurs ont jusqu’à présent rejeté deux ententes de principe au rabais. La première leur a été recommandée à l’unanimité par le comité de négociation de la section 6500 du Syndicat des Métallos (USW). La plus récente a été rejetée dix jours après le début de la grève, par un vote décisif de 87 % des travailleurs lors d’un scrutin auquel 84 % des grévistes ont participé. Conscient de la colère et du militantisme des travailleurs, l’USW s’est senti obligé d’appeler au rejet de la deuxième offre de Vale, même s’il avait conseillé d’accepter essentiellement les mêmes conditions moins de deux semaines auparavant.
La semaine dernière, le World Socialist Web Site a fait état de la tentative de Dino Otranto, chef de l’exploitation des opérations de Vale pour l’Atlantique Nord, d’intimider et de menacer les travailleurs de Sudbury pour qu’ils fassent de vastes concessions contractuelles. Otranto a affirmé avec arrogance que les opérations de Sudbury ont les coûts de main-d’œuvre les plus élevés de l’empire mondial de Vale et a déclaré qu’un refus d’accepter les reculs exigés par la compagnie entraînerait un tarissement des investissements. «Tout est question de coût par tonne», a-t-il sermonné aux travailleurs dans une «assemblée générale» de l’entreprise.
Alors même qu’il dépeignait Vale comme étant en difficulté financière, Otranto s’est vanté que les énormes actifs mondiaux de Vale permettront à l’entreprise d’endurer une longue grève afin d’épuiser les travailleurs de Sudbury et de leur extorquer des concessions.
Si la compagnie est assez insolente pour faire une telle tentative effrontée d’intimidation et de chantage aux mineurs en grève, c’est parce qu’elle sait très bien que les Métallos sont de son côté. Si le syndicat parvient à ses fins, les travailleurs en grève de Vale seront isolés sur les piquets de grève avec des indemnités de grève de misère, comme ils l’ont été lors de la grève de 2009-2010, puis contraints d’accepter bon nombre des mêmes reculs qu’ils ont courageusement rejetés à deux reprises.
Une indemnité de grève de misère
Les Métallos versent aux grévistes de Vale la maigre somme de 370 $ par semaine aux travailleurs qui touchent le salaire de base de l’entreprise. Cette indemnité de misère est pitoyable et représente encore moins que ce qu’ils gagneraient en vertu des prestations d’assurance-emploi (AE) ou de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) rudimentaire pour la pandémie par le gouvernement fédéral.
«Cela représente peut-être 30 % de notre salaire. Ce n’est même pas comme l’AE; c’est inférieur à l’AE», a déclaré un travailleur en grève au World Socialist Web Site. Pour un mineur touchant le salaire de base, l’AE équivaudrait à 520 $ par semaine.
Avant même de tenir compte du loyer ou des paiements hypothécaires, le coût moyen de la vie pour une famille de quatre personnes à Sudbury est de 3969 $ par mois, ou de 1127 $ pour une personne seule, selon la plus grande base de données dans le monde sur le coût de la vie. Le prix de location moyen d’un appartement d’une chambre à coucher à Sudbury est de 1225 $ par mois.
Les grévistes et leurs familles reçoivent des rations de misère d’une organisation qui se vante régulièrement d’être le plus grand syndicat du secteur privé en Amérique du Nord. Avec plus de 225.000 membres au Canada et plus de 850.000 membres cotisants à l’échelle du continent, le Syndicat des Métallos dispose de ressources financières plus que suffisantes pour assurer un niveau de vie décent aux grévistes. Cependant, la réalité est que l’USW, comme les Travailleurs unis de l’automobile (UAW), Unifor et les autres appareils syndicaux procapitalistes reconnus par l’État, n’est pas une organisation vouée à servir les intérêts des travailleurs qu’elle prétend représenter.
Au cours des quatre dernières décennies, les Métallos ont abandonné toute association qu’ils ont déjà eue avec les luttes des travailleurs pour obtenir des améliorations limitées de leurs conditions de travail, s’est transformé en un partenaire junior de la direction et a participé à la restructuration des mines, de l’acier et d’autres industries de base au détriment des emplois et des salaires des travailleurs. Pour faciliter ce processus, il a encouragé le nationalisme canadien et américain, dressant les travailleurs les uns contre les autres et les démobilisant contre l’assaut mené par des entreprises mondialement mobiles comme Vale.
Ce syndicat propatronal, qui n’a de syndicat que le nom, n’existe pas pour défendre les intérêts des travailleurs, mais plutôt pour répondre aux exigences de ses responsables qui touchent des salaires à six chiffres. Ces exigences comprennent le maintien de relations de travail coopératives avec les dirigeants de Vale, la protection des portefeuilles d’investissement des Métallos et la démonstration au gouvernement fédéral que l’USW est un partenaire fiable pour faire respecter les diktats des grandes entreprises canadiennes.
Les actifs globaux des Métallos ont augmenté de plus de 600 % depuis l’an 2000 et s’élèvent maintenant à plus de 1,5 milliard de dollars. De ces poches étonnamment profondes, seuls 19 millions de dollars ont été prélevés pour être dépensés en indemnités de grève au cours de l’année 2020. Cette fraction minuscule équivaut à seulement 2,4 % des actifs nets des Métallos.
Pendant ce temps, les hauts dirigeants du syndicat, qui fréquentent régulièrement des ministres et des dirigeants d’entreprise, se gavent de salaires obscènes payés par l’argent durement gagné par les travailleurs. Selon les formulaires LM déposés auprès de l’Office of Labour-Management Standards des États-Unis, le total combiné du salaire brut, des avantages sociaux et des autres rémunérations du président des Métallos, Thomas M. Conway, s’élève à la somme énorme de 210.395 dollars par an. Le revenu annuel du vice-président David McCall dépasse même celui de Conway, puisque sa rémunération totale s’élèverait à 217.762 $.
Le directeur national des Métallos pour le Canada, Kenneth Neumann, reçoit 212.629 $ par année; le vice-président Fredrick Redmond fait de même avec une somme annuelle de 212.489 $. La liste est encore longue, avec des centaines de fonctionnaires syndicaux moins connus qui gagnent chaque année de généreuses sommes à six chiffres.
De plus, comme l’a rapporté le WSWS, la majeure partie des actifs du syndicat est investie sur le marché boursier. Cela signifie que l’USW a un intérêt matériel direct à réprimer les grèves et les augmentations de salaire afin de maintenir des profits élevés et des actions en hausse. Les maigres 19 millions de dollars versés aux grévistes en 2020 constituent moins d’un quart de ce que le syndicat a gagné grâce à ses transactions boursières et ses titres.
Les Métallos isolent les grévistes
En plus d’affaiblir la capacité des travailleurs à résister aux demandes de concessions de l’entreprise en leur accordant des indemnités de grève de misère, les Métallos s’efforcent consciemment de démobiliser et d’isoler les mineurs de Vale en grève.
Le site Internet de l’USW se vante: «Nos membres travaillent dans presque toutes les industries et dans tous les emplois imaginables, dans toutes les régions du pays. Nous travaillons dans des centres d’appels et des coopératives de crédit, des mines et des usines de fabrication, des bureaux et des raffineries de pétrole, des restaurants et des usines de caoutchouc, des scieries et des aciéries et des entreprises de sécurité. Nous travaillons dans les maisons de soins, les cliniques juridiques, les organismes sociaux et les universités.»
Une véritable organisation ouvrière mobiliserait ce vaste pouvoir social pour soutenir les grévistes de Vale. Une action de solidarité visant à attirer l’attention sur la lutte serait lancée dans tous les secteurs économiques, où des attaques similaires sur les conditions des travailleurs sont imposées. Des appels seraient lancés aux autres travailleurs de Vale au Canada, y compris ceux employés dans ses exploitations minières de nickel à Voisey’s Bay, au Labrador, et à Thompson, au Manitoba, et dans le monde entier, pour qu’ils arrêtent la production afin de mettre l’entreprise à genoux.
Mais les Métallos n’ont pris aucune mesure pour préparer une action de solidarité de la part d’autres membres de l’USW, et encore moins d’autres sections de travailleurs. Au contraire, ils se sont même arrangés pour séparer les travailleurs en grève de Vale à Sudbury de leurs collègues de Port Colborne, en Ontario. En recommandant l’adoption de l’offre initiale de Vale, les Métallos ont convaincu les travailleurs de Port Colborne de voter en sa faveur, ce qui a eu pour effet d’isoler l’arrêt de travail à Sudbury dès le départ. Cette trahison scandaleuse rend les Métallos complices de l’imposition aux travailleurs de Port Colborne d’un contrat qui supprime les prestations de santé des retraités pour tous les nouveaux employés. Dans le cadre de l’implacable dépouillement des avantages sociaux de la main-d’œuvre de deuxième niveau, ils ont également éliminé l’admissibilité des nouvelles recrues à toutes les assurances et à la couverture des services hospitaliers. Vale peut maintenant s’en servir comme d’un bélier pour obliger les travailleurs de Sudbury à accepter des reculs tout aussi impitoyables.
Alors que la grève entre dans son deuxième mois, les Métallos continueront à isoler les travailleurs de Sudbury en leur versant des indemnités de grève de famine. Ils continueront également à rester les bras croisés, invitant de fait Vale à mener une opération massive de briseurs de grève, semblable à celle qu’elle a menée pendant leur amère grève d’un an en 2009-2010.
Le syndicat a donné des ordres stricts aux travailleurs dès le début de la grève pour qu’ils n’empêchent pas les briseurs de grève ou quiconque d’entrer dans les installations de Vale. «Dès le départ, directement depuis l’assemblée – cela vient du président et du vice-président», a déclaré un gréviste de Vale au World Socialist Web Site. «Le message était «lignes d’information seulement». Pas de piquets de grève, nous ne sommes pas là pour empêcher les gens d’entrer, et nous ne voulons pas d’injonction. ... Si les gens traversent, nous les informons, nous leur disons, et c’est tout. Ils continuent leur chemin.»
Des indemnités de grève misérables, un isolement continu et des piquets de grève totalement inefficaces: les travailleurs doivent examiner attentivement les implications de ce bilan. Le Syndicat des Métallos est une organisation riche et puissante, avec d’énormes ressources inexploitées au bout des doigts qui pourraient et devraient être utilisées pour renforcer l’action de grève et s’assurer que les demandes des travailleurs sont satisfaites.
Les conclusions de tout cela sont sans équivoque: les Métallos servent à saboter la grève et agissent en complicité criminelle avec Vale. Les travailleurs ne peuvent pas réaliser leurs demandes entièrement justifiées d’augmentations salariales et de meilleures conditions de travail tant qu’ils sont sous le contrôle de cette police propatronale.
Les travailleurs de Sudbury doivent établir un comité de grève de la base indépendant du Syndicat des Métallos afin de mener une véritable lutte contre Vale. Pour jeter les bases d’une lutte sérieuse, ce comité devrait exiger que l’USW verse aux grévistes le plein salaire provenant de ses ressources de plusieurs millions de dollars pendant toute la durée de la grève. Le comité devrait également formuler des revendications qui partent de ce dont les travailleurs ont réellement besoin, et non de ce que les dirigeants de Vale et leurs laquais de l’USW prétendent être «raisonnable».
Cela devrait inclure une augmentation de salaire de 25 % pour compenser tous les contrats au rabais des dernières années, la fin de la main-d’œuvre à plusieurs niveaux, une couverture complète des soins de santé pour tous, payée par Vale, et des régimes de retraite à prestations définies pour tous les travailleurs.
Pour faire valoir ces revendications, la grève doit être élargie. Le comité de grève de la base doit lancer un appel aux travailleurs de Vale au Brésil, en Indonésie et ailleurs, aux mineurs d’Amérique du Nord, tels que les mineurs de charbon de Warrior Met en Alabama, et aux travailleurs de tous les secteurs économiques pour qu’ils se joignent à eux dans une contre-offensive de la classe ouvrière pour des emplois décents et sûrs pour tous. Pour unifier ces luttes, les travailleurs de Vale et leurs frères et sœurs de classe devraient soutenir la construction de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base.
(Article paru en anglais le 1er juillet 2021)